Un sobriquet qui brouille volontairement les pistes, se joue des a priori et de l'étiquetage au lance-pierres. Des pochettes d'albums arty dans le plus pur style affiches du Festival du Court Metrage de Merignac ou de la 3e édition de l'expo « Regards de Créateurs », Paris IV. Des titres d'albums et de chansons se démarquant des codes du genre (
«Tea And Toast At The Very End Of Time », franchement, j'adore). Honnêtement, si je ne savais pas que ce groupe fait infuser son metal extrême dans les eaux glacées des fjords de la grande banlieue nord, j'aurais juré que cette approche décalée et cet humour « tongue in cheek » étaient la marque « so british » de buveurs de thé d'outre-eurotunnel.
Mais il est vrai qu'une fois imprégné de cette mixture de froides mélodies et de rugueux et lourds spasmes death metalliques, on relocalise vite les origines de ce petit monde, non pas dans la jungle touffue d'un tableau de Courbet, mais bien au pays des vikings et de l'usine à jouets du Père Noël. En effet que ce soit ces mélodies parcourues de sombres frissons à la touche suédoise, ces folles cavalcades de batterie black et de shrieks acides aux corpse paints made in Norway, ces growls rocailleux et cette démarche lourde et habilement groovy de death mid-tempo rappelant les danois de
Illdisposed, ou encore ces percées de déstructurations modernes aérées de plans plus éthérés qui font redescendre dans les bas pays de
Textures, tout ici respire le best of du meilleur des gros décibels nord européens.
Dans la parfaite continuité du déjà excellent
« Time Like Vines » paru il y a 3 ans de cela, She Said Destroy nous revient en ce début d'année avec un 2e album synonyme de confirmation. Fort d'un style confortablement sis entre les 4 chaises musicales préalablement énumérées dans cette chronique (
oui bah fallait suivre hein …), le groupe y décline à nouveau les genres, alternant chaudes coulées de death bien épais, épisodes épico-émotionnels de guerrier en déroute et tortillons retors étonnamment catchy, le tout avec naturel et fluidité, sans qu'aucune fois on n'aperçoive les grossières coutures qui tiennent parfois ensemble les éléments disparates de la musique de certains de leurs confrères.
On attend souvent du 2e album d'un groupe qu'il aille plus loin, plus haut, plus profond (
Enfin ça c'est surtout Chris) que le premier essai et qu'il confirme les espoirs que l'on avait placés en celui-ci. Mais il est vrai que
« Time Like Vines » avait placé d'emblée la barre très haut. « This City Speaks In Tongues » ne fait qu'égaler l'exploit de son prédécesseur – excusez du peu ! – en bénéficiant toutefois d'une prod' meilleure, plus claire. Que l'on se passe l'un ou l'autre des albums du groupe, la (
très bonne) impression finale reste la même: c'est du travail superbe, des compos métissées à la touche très personnelle, une œuvre d'une homogène excellence d'où arrive quand même à émerger un couple de morceaux phare. Succèdent ainsi aux fabuleux
« Time Like Vines » et « Shapeshifter » de l'opus précédent, les non moins fabuleux « Tea And Toast At The Very End Of Time » et « I Love This Place ». La première de ces pépites est le morceau des contrastes. Les riffs tortillons y sont incroyablement catchy (
écoutez-moi ce riff tout en complexes moulinets d'un fouet venant régulièrement s'abattre sur nos visages consentants à 0:52), les plus chargés en lipides des plans death s'y voient aérés d'éclaircies mélodiques aussi belles que riches (
2:17) et l'on finit par y traîner sa mélancolie et ses pieds de par de vastes paysages enneigés (
3:02). Le second débute sur les chapeaux de roue avec une superbe mélodie épico-suédoise (
0:10), puis voit se succéder break vicieux et douceurs
Texturiennes pour arriver enfin sur trois joyaux bruts à la queue leu leu: une rythmique saccadée plombée à l'extrême en support d'arpèges cristallins à 2:21, la plus déstructurée des mosh parts descendante au groove si vicieux qu'un réagencement des articulations du bassin est nécessaire pour se déhancher en cadence (
2:52), puis enfin ce lead majestueux porteur d'images de montagnes enneigées qui vient vous coller frissons et trique vers 3:43.
Les autres titres réservent également leur lot de bons moments, avec notamment un remarquable lâcher de panzers sur « No Zen ». Pour pinailler, on pourra quand même regretter que le groupe s'obstine parfois à mettre un peu trop en avant son goût pour les plans tordus évitant à tout prix la ligne droite, ce qui gâche un tantinet un morceau comme « An Age Of Leeches », qui souffre d'un franc manque de fluidité et d'arthrite rythmique.
Mais que les amateurs de
« Time Like Vines » - et plus généralement de metal extrême différent - se ruent sur ce « This City Speaks in Tongues » réjouissant. L'album est à la fois chaleureusement lourd et emprunt d'atmosphères chargées en givre et en landes d'un blanc immaculé. Il fait montre de l'esprit retors de l'école « Je destructure à tout va » et pourtant manie la sulfateuse et les mélodies qui font mouche avec une insolente facilité et une efficacité indéniable. S'il n'arrivait en même temps que le petit dernier
Trepalium, « This City Speaks in Tongues » serait pour moi le tout meilleur album de ce début d'année.
4 COMMENTAIRE(S)
20/02/2009 15:06
10/02/2009 13:44
09/02/2009 22:51
09/02/2009 15:45