The Austrasian Goat - Paved Intentions

« Julien Louvet fait son Michael Gira », « Horseback lorrain » ou encore – et je vous prie de m’excuser par avance pour ce que vous allez lire – « Steve Von Terril »… J’avais de plus ou moins bons mots pour dire que, hé, The Austrasian Goat nous fait le coup de l’album à barbe et guitare acoustique. Heureusement, le concert donné par le trio formé pour l’occasion au Musée de la Cour d’Or à Metz lors des Musiques Volantes a balayé tout cela, l’interprétation des titres de Paved Intentions supportée par des images issues de réalisations du cinéaste Solomon Nagler ayant donné une aura nouvelle à ce disque qui, derrière les références qu’il peut appeler au dark, néo ou apo-folk, semble cacher un fantastique album de dream pop rituelle.

Mais je laisse de côté cette affirmation personnelle pour commencer par une chose sûre : on ne parlera certainement pas de black metal concernant Paved Intentions – ou alors uniquement par détours. Ce dernier reprend là où l’EP The Body Covers s’est arrêté avec ses reprises acoustiques de « Shoot High Aim Low » de Yes et « Transilvanian Hunger » de Darkthrone, deux titres composés de la voix de Julien Louvet et sa guitare, quelques instruments s’ajoutant brièvement à l’ensemble. C’est cette musique qui se retrouve ici, The Austrasian Goat alternant entre morceaux se situant dans la lignée d’un « Miles From Anywhere » et plages ambiancées où les rythmiques industrielles deviennent folkloriques, la répétitivité des boites à rythme étant remplacée par celle de percussions fragiles.

Une préciosité qui fait que je ne vois pas d’autres manières d’écouter Paved Intentions qu’en musique de fond. Ce qui ne veut pas dire qu’il appartient à une quelconque sous-espèce – certains arômes marquent plus que certaines senteurs –, juste que son économie de moyens fait qu’il évoque plus qu’il figure, par traces parfois frustrantes (les lignes de piano de « Why Do We Fight ? » et « Curtain » auraient mérité des développements plus poussés pour être autres choses que des introductions joliment tristes transformées en chansons) bien que porteuses de cette atmosphère brumeuse et forestière – lorraine – que The Austrasian Goat sait transmettre (à l’image de « Could The Lights Come Back ? », paraissant selon les moments ennuyeuse ou nostalgique avec ses voix lointaines). Un double-vinyle pavé d’intentions que j'aimerais voir se concrétiser en somme, qui rend agréable les phases d’ennui des dimanches où il prend naturellement sa place mais ne convainc pas totalement en comparaison d’un Stains Of Resignation bien plus intense. C’est d’ailleurs quand la formation cherche à poser une conclusion qu’elle déçoit, lors d’un « Reality Is A Miserable Dream » trop cliché pour faire profiter de sa « lumière au bout du tunnel » (Des guitares imitant des chants de baleines ? En 2012 ?).

Il y a cependant quelques beaux instants de vague à l’âme ici, où l’épure atteint cette complexité des sentiments que permet ce type d’exercice quand il paraît sous son meilleur crépuscule (la guitare désolée de « Broken Yad » ou le doublet sanguinaire « A Delicate Taste Of Grievance »/« The Order Of The Hyena » par exemple). Cela ajoute à l’impression que Paved Intentions aurait pu être autre chose qu’un essai peaufiné à l’envie, aux arrangements discrets et raffinés, d’une pureté formelle qui oublie le contraste faisant l’intérêt des autres œuvres du bouc. Concernant cet essai, je garderai donc plutôt le souvenir d’un concert époustouflant où les maladresses d’un triple-chant permirent de donner pleinement une dimension de rêve éveillé à ce qui tombe parfois dans une inutile sophistication du dépouillé (un détail faisant la différence, la version studio étant grandement constituée de la voix de Julien Louvet) et m’en irai de nouveau vers Mike Scheidt et son Stay Awake peuplé de fantômes aux mines moins avenantes et plus convaincantes. Étant donné que je n’ai pas encore les mots pour vous parler plus longuement de cette autre conversion folk d’un metalleux, autant profiter de cette page pour déjà vous le recommander !

DONNEZ VOTRE AVIS