The Austrasian Goat est un one-man-band originaire de Moselle fondé par Julien Louvet et dont le premier album éponyme avait chamboulé le petit monde du funeral black metal. C'est au bout de quatre années, et après nombre de split et EP (je laisse les intéressés zieuter sa discographie, un vrai boulimique !) que le bouc sort son deuxième essai longue durée,
Stains Of Resignation.
Les amateurs du premier jet du Français risquent d'être déboussolés, le cas qui nous intéresse ici paraissant bien différent de son prédécesseur. Si l'on pense toujours à un Black/Doom résumable rapidement en un mélange entre Nortt et Jesu, l'équation a changé, une forte influence shoegazienne ressortant des morceaux au point de rappeler la scène post-black actuellement en vogue. Ce ne sont pas le passage sur le label Music Fear Satan, la production transformant le moindre tremolo en effluve atmosphérique ou le guest de Jarboe (Swans, ayant travaillé entre autre avec Neurosis et Cobalt) sur « Voice Of Aenima » qui diront le contraire, même si finalement il est plus juste de parler d'un black metal n'hésitant pas à chercher ses influences ailleurs, que ce soit dans un doom aérien, la folk ou le sludge (on se souvient de sa reprise antérieure de « I Hate The Human Race » de Grief) et sachant s'entourer (cf. l'artwork signé Mories, tête pensante de Gnaw Their Tongues). Pourtant, et j'arrêterais ici mes considérations de nerd-étiqueteur, ces premières impressions s'évanouissent pour laisser place à une autre : cet album s'inscrit comme une suite de
The Austrasian Goat, son après.
Là où ce dernier était industriel et nihiliste, d'une noirceur totale,
Stains Of Resignation est païen et résigné (noooooon ?), la misanthropie devenant plus mélancolique que crachée. Une vaste palette de sentiment est explorée à travers un enchevêtrement de rythmiques cliniques, guitares aux lignes aussi épiques que minimalistes, chant black déshumanisé et orchestrations organiques, des passages ou morceaux folk contrastant avec la froideur haineuse des moments virulents (le Agalloch de
The Mantle se devine derrière les nocturnes « A Liquid Manure Of Guilt » et « Miles From Anywhere »). Des compositions aux couches multiples donc, apportant le plaisir de l'effeuillage à l'auditeur qui ira au-delà d'une simplicité n'étant qu'apparence (la magnifique « Even In Uneven » où s'imbriquent violoncelle, saxophone et subtiles variations au niveau des guitares, ou les toms imposants de « The Arsons Of Pride » entre autre). Certes les moments blastés sont présents et même foutrement accrocheurs (putain « Arrheton » !) mais c'est ce goût pour la lenteur abstraite que l'on retient, tant celle-ci véhicule l'émotion (la transition entre « Hands » et « No Crowd Will Be Mine », l'hypnotique « Diseducation »).
Allez savoir si c'est parce que, comme lui, je suis un enfant d'Austrasie (nom désignant les anciennes terres mérovingiennes allant de l'Est de la France aux bassins moyen et inférieur du Rhin) mais je retrouve ici les paysages faits d'usines désaffectées et forêts de ma région. Ce mariage entre sonorités synthétiques et chaudes (dont la boîte à rythme servant de batterie est un bon exemple, à mi-chemin entre un rendu martial et naturel) me renvoie à des promenades où se côtoient terrils et chevaux, champs et ruines. Je ne peux qu'être touché par cette musique et malgré quelques longueurs (« Hands », renouant avec le funeral black pur et dur sans pour autant captiver dans son entier, et « Voice Of Aenima », pas mauvaise mais le guest de Jarboe est plus tape-à-l'œil que prenant, surtout quand la prêtresse se permet quelques intonations désagréables), la capacité évocatrice de
Stains Of Resignation me laisse penser qu'il ne laissera pas insensible celui dont l'oreille se lève quand les mots « tristesse », « onirique » ou « épique » sont mis ensemble. Chacun sa croix, la sienne est lorraine !
Plus convaincant car plus original et profond que son grand frère,
Stains Of Resignation est certainement LA surprise de cette fin d'année et les amateurs des groupes cités plus haut auraient tort de passer outre (attention : ne vous attendez pas à une pâle copie, de toute façon, ces références suffisent à suggérer une personnalité atypique). The Austrasian Goat est une entité difficilement cernable, laissant croire qu'un chef d'œuvre est à espérer à l'avenir. La prochaine étape est attendue avec impatience.
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