Replacire - The Human Burden

Alors que j'avais pondu tout un paragraphe en guise d'introduction sur ma frustration de ne pas voir cet album apparaître dans mon bilan annuel sous prétexte que je ne l'avais pas chroniqué à temps (soit entre le 1er janvier et le 31 décembre), voilà que mes chers collègues m'ont gentiment rappelés à l'ordre en me précisant qu'une chronique d'un album rédigée avant la parution du bilan pouvait très bien y figurer. Alleuyah! Problème, me voilà obligé de me farcir une nouvelle introduction... Oh wait... Voilà qui est fait.. Aussi, laissé moi vous présenter ce groupe Américain qui a sorti l'année dernière son tout premier album après quatre ans d'existence.
Formé à Boston en 2008, le groupe restera plongé dans un anonymat certain avant de commencer à faire parler de lui ces dernières semaines grâce à The Human Burden. Un premier album autoproduit que le groupe n'hésite pas à proposer en téléchargement gratuit (du moins, chacun étant libre de donner ce qu'il veut) en avançant l'argument suivant: "We want people to enjoy the album without the risk of wasting money on a new band". Une belle initiative qui mérite d'être salué et qui permet à Replacire de jouir d'un certain capital sympathie.

Mais cette sympathie peut-elle seulement suffire pour faire de The Human Burden un album digne d'intérêt? Non, bien sûr, mais fort heureusement Replacire à bien d'autres atouts en poche pour convaincre l'auditeur. Et cela commence par un album certes autoproduit, mais en tout point exemplaire. L'artwork est particulièrement soigné et invite n'importe quel auditeur un tant soit peu curieux à plonger dans l'univers du groupe de Boston alors que la production est quant à elle irréprochable. Plutôt neutre, elle permet à chaque instrument de prendre ici sa pleine mesure pour un résultat propre et clair parfaitement adapté au style pratiqué ici par nos cinq américains.

Adepte d'un Death Metal technique à fortes tendances progressives, Replacire a suscité chez moi un enthousiasme non dissimulé. Un vent de fraîcheur et d'originalité qui a tout de suite fait mouche, surtout après une année 2012 passé à écouter énormément de Death Metal Old School. Pour vous faire une idée de ce que propose Replacire, sachez que le groupe n'hésite pas à citer comme influences Meshuggah, Opeth, Blotted Science, Cynic, The Dillinger Escape Plan ou encore Bloodbath. Personnellement, je serais bien pour y ajouter Between The Buried And Me tant certains plans me rappellent le groupe de Winston-Salem.
Véritable metling-pot d'influences, Replacire a hérité de Meshuggah cet amour pour les riffs Thrash cinglants ("The Human Burden") et surtout pour les constructions polyrythmiques alambiquées et tortueuses qui confèrent à sa musique un côté massif et impénétrable, presque étouffant, et un même temps un groove imparable à faire hocher la tête de n'importe quel demeuré posant ses oreilles sur The Human Burden. Quel pied que ces quelques passages aussi puissants que menaçants. Certes, en passant après le groupe suédois, le propos de Replacire ne bénéficie pas de la même portée mais comment ne pas tomber sous le charme de titres comme "Along The Frame", "Pure Will" et "Corridors Of Resolution", plutôt représentatifs dans le genre? Et puis, Replacire a surtout davantage à offrir qu'une simple redite de Meshugagah. Car de ces autres influences mentionnées plus haut on retrouve notamment ces fameux riffs hyper incisifs et presque dissonants faits de successions de notes enchaînées à grande vitesse et ces rythmes épileptiques renvoyant à The Dillinger Escape plan. Ça fuse dans tous les sens dans une impression de cacophonie générale alors que l'ensemble est parfaitement maîtrisé (l'excellent "Mask Of Weary Eyes", le schizophrénique "Slow Cuts Inside A Throat"...). Un régal pour les oreilles averties, un probable calvaire pour les autres. De même, Replacire reprend ce goût prononcé pour les mélodies touchantes et inattendues d'un Opeth ou d'un Between The Buried And Me. Un aspect mélodique qui se traduit le plus souvent par l'utilisation d'un chant clair qui vient complètement contrecarrer l'aspect massif et torturé de la musique. Toujours parfaitement exécuté, ces lignes de chant subtiles donnent une dimension supplémentaire à la musique de Replacire en créant souvent la surprise ("Mask Of Weary Eyes" à 2:26, "The Human Burden" à 0:39, "Pure Will" à 0:52 et 4:41) tout en instaurant de brèves sensations de calme et de quiétude ("Mask Of Weary Eyes" à 2:26, "Corridors Of Resolution" à 1:10, "Price To Pass" à 1:58, "Circles" à 1:17). On retrouve également, par-ci par-là, quelques soli et leads venus contribuer à cette touche mélodique. Souvent courts et discrets, ils ne viennent pas se mettre en avant mais apportent néanmoins leur contribution à l'atmosphère générale.

Des influences variées et parfaitement digérées puisque The Human Burden ne souffre pas des symptômes de l'album fourre-tout, sans queue ni tête. Non, tout ici est parfaitement cohérent et en même temps terriblement original et intéressant. Un album fort et puissant qui mélange les genres avec succès tout en suivant une ligne directrice forte, celle d'un Death Metal puissant et mélodique. Car Evan Anderson Berry, s'il utilise avec parcimonie le fameux chant clair dont il est question plus haut, se montre souvent sous un autre visage nettement plus "virile" grâce à growl puissant rappelant pas mal celui de Mikael Åkerfeldt.

Énorme coup de cœur que ce premier album de Replacire; Le groupe, sorti de nulle part, place ici la barre très haut et devrait faire parler de lui très rapidement. D'ailleurs, il ne fait aucun doute qu'avec un disque de cette trempe, nombreux seront les labels à solliciter le groupe de Boston. Certes, le name-dropping mentionné plus haut peut sembler très tape à l'œil voir presque racoleur mais Replacire ne ment pas, vous retrouverez assurément à l'écoute de The Human Burden un peu de toutes ses influences sans pour autant crier au scandale et au plagiat. Replacire a su s'approprier ses racines pour un résultat personnel et ultra-convaincant que je vous recommande chaudement. Enjoy!

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