Replacire - The Center That Cannot Hold
Chronique
Replacire The Center That Cannot Hold
Nous ayant habitués à prendre son temps entre chacune de ses sorties la formation de Boston a cette fois repoussé plus loin la temporalité, vu qu’elle a mis cette fois-ci sept années pour publier ce troisième opus qui intervient après un « Do Not Deviate » particulièrement réussi et qui lui avait fait passer un cap musical comme du côté de la visibilité. Si depuis cet album le personnel a été largement remanié avec pas moins de trois nouveaux membres (au chant, guitare solo et batterie), pour le reste cela n’a pas eu d’impact sur la qualité du groupe qui n’a même jamais semblé aussi fort qu’aujourd’hui du côté de l’inspiration comme de la technique. Du coup il y a fort à parier qu’avec ce long-format l’entité du Massachusetts va clairement gagner de nouveaux fans et se faire une vraie réputation dans le milieu très concurrentiel du Technical Death Metal, qui semble clairement reprendre du poil de la bête de l’autre côté de l’Atlantique. Cependant pour se hisser au niveau des ténors du genre il va falloir encore un peu attendre, car même si la musique du quintet reste relativement digeste celle-ci va souffrir d’une certaine répétition des plans qui vont donner la sensation d’avoir affaire souvent à la même chose... surtout qu’on ne va avoir aucun temps-mort durant quasiment trois-quart d’heure.
Du coup on est mis directement dans le bain sur l’ouverture intitulée « Bloody-Tongued And Screaming » où tout va être ici basé sur la lourdeur et les cassures, sans aucune pointe de vitesse à l’horizon... vu que les gars préfèrent miser sur des riffs syncopés et des plans typiques de MESHUGGAH. Dure à digérer de prime abord cette première plage est heureusement sauvée par une durée relativement courte (une constante sur celles qui vont suivre), évitant ainsi l’écueil de l’ennui et du trop-plein. Bref si ce démarrage laisse une impression mitigée en revanche on ne peut que reconnaître la fluidité de l’ensemble, point qui va gagner en intensité sur « The Center That Cannot Hold » qui s’ensuit juste après et voit l’apparition d’ambiances presque Jazz et de bons gros hammerblasts typiques, et bien calés au milieu d’accélérations foudroyantes. Voyant ici la violence grimper d’un cran le rendu global montre un jeu plus direct qui ne tombe pas pour autant dans la simplicité, vu que l’on a droit à une bonne part de toute la palette rythmique de ses auteurs qui vont continuer dans cette voie dans la foulée avec « Living Hell », qui s’enchaîne juste après et va miser sur une intensité plus forte encore tout en laissant provisoirement sur le côté les passages alambiqués. Idéal pour se défouler comme briser les nuques quand ça s’alourdit cette composition est clairement une des meilleures de cet enregistrement, tout ça avant l’arrivée de l’excellent « A Fine Manipulation » où l’intensité va nettement grimper. Car outre sortir de manière plus pertinente et impressionnante l’intégralité des patterns et breaks possibles les gars vont en plus passer leur temps à miser sur les variations, afin de déboussoler un auditeur qui va aussi ressentir l’apparition d’arrangements modernes plus marqués. En effet si ici ceux-ci apparaissaient sous la forme d’un chant où la voix claire détonnait dans l’espace au milieu des courts accents Deathcore, tout cela va exploser au grand-jour sur la doublette qui s’enchaîne dans la foulée (« The Helix Unravels » / « Drag Yourself Along The Earth ») et ne va pas laisser franchement indifférent.
Car outre se montrer relativement monotone et prévisible ces deux réalisations vont être plombées par un manque d’inspiration chronique, conjuguées par une certaine alternance entre douceur et virulence aux accents typiquement modernes pas mauvais en soi mais où il manque un truc pour totalement adhérer. Heureusement quand le combo nous envoie ces influences Prog’ cela se passe pour le mieux tant celles-ci s’agglomèrent facilement aux diverses variations, et amènent de la lumière et de l’aération à des morceaux particulièrement sombres et opaques. Si effectivement la noirceur est souvent impénétrable et tempétueuse les gars ont la bonne idée de la désépaissir en y coinçant quelques solos mélodiques et aériens, ainsi que des passages courts plus posés qui servent de transition bienvenue avant de repartir sur les chapeaux de roue. Si l’on saluera le très bon « The Ghost In The Mirror » (plus harmonique et accessible sans pour autant y perdre en fureur et technicité), ainsi que le redoutable « Transfixed On The Work » (plus rentre-dedans et qui mise fortement sur un mid-tempo implacable et remuant) où la simplicité se fait plus apparente... au contraire on passera sans souci la conclusion intitulée « Uncontrolled And Unfulfilled », qui outre s’éterniser inutilement en fait nettement trop... jusqu’à y perdre son âme. C’est exactement cela qui se produit ici où toutes les idées entendues jusque-là veulent retentir, quitte à avoir l’effet entonnoir et de ne pas arriver à mettre en valeur chacune d’entre elles... pour au final avoir un rendu inégal et regrettable, tant on sent que les américains sont capables de le faire en simplifiant les différents éléments.
Du coup on va avoir un sentiment légitime de regrets vu qu’on connait les qualités globales de la Bostoniens mais qui sont mal exploitées, faisant ainsi de cette livraison quelque chose de bonne qualité mais qui pouvait légitimement prétendre à mieux. Dure à appréhender et demandant du temps et de la patience pour totalement en saisir chaque note et arrangement, il faudra aussi à l’auditoire passer au-dessus de ce ressenti mitigé initial pour se laisser happer par sa profondeur impressionnante et le travail abattu par chacun des musiciens, qui même s’il se recycle un peu sur la fin a de quoi occuper un bon moment. Sans leur jeter l’opprobre on ne pourrait que leur conseiller un peu plus de simplicité à l’avenir et de rester bien calés dans un domaine où ils se sentent à l’aise, au lieu de vouloir se diversifier et se perdre en cours de route... car le potentiel est là et il est juste mal exploité. Dommage donc... tant ces défauts occultent le reste d’un contenu réussi qui va quand même captiver et nous emmener très loin dans les nuages comme au fin fond des ténèbres, sans aucun point de repère où s’accrocher afin de renforcer ce sentiment de suffocation dont on appréciera reprendre une salve régulièrement et avec grand plaisir.
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