Exocrine - Unreal Existence
Chronique
Exocrine Unreal Existence
Aujourd'hui plus que jamais, le coup de pioche a le vent en poupe. À l'heure de l'exploration numérique, tous se sont mis en tête de trouver les expériences ultimes et absolues. Nouvelle ère du Far West où la Ruée vers l'Or s'est muée en Ruée vers la Culture. Et chacun d'aller dans son coin, ou bien de s'engouffrer dans des mines déjà bondées de curieux qui ont peur de s'aventurer seuls. Tout ce peuple qui se retrouve ensuite, sur l'agora du forum ou sur la place publique où tout le monde commente à tout va, pour présenter ses pépites.
On en rencontre certains, peut-être moins experts, qui s'entêtent à présenter mille fois ce que tant d'autres avant eux ont déjà décortiqué. D'autres qui, à côté, s'épuisent à prouver que leur caillou est exceptionnel, en tentant de présenter des détails insignifiants, afin de montrer qu'eux aussi ils sont des découvreurs.
Certains ne savent pas forcément que tout ce brille n'est pas or.
Dans cette quête forcenée, il serait toutefois dommage de laisser de côté quelques jolies trouvailles sous prétexte qu'on n'est pas sur la rareté unique. C'est que la beauté réside dans l’œil de l'observateur.
Et c'est ainsi qu'aux détours de conversations de mineurs au repos, on entend le nom d'un minerai de métal mort, celui de « Exocrine ».
On m'a conseillé de m'y intéresser alors que je parlais de Carcariass, de Symbyosis, de Kalisia ou de Gorod, en me disant : « Tu verras, j'ai découvert avec leur deuxième disque, mais le premier, c'est une autre histoire. »
Aux premiers instants où j'ai posé mes mains dessus, j'étais content. C'est un groupe qui, dès le départ, n'a pas le temps de niaiser : globalement, on a un son percutant directement présenté par le premier morceau, « The Cycle Form ». Avec une batterie qui martèle bien et dont j'apprécie la caisse claire qui fracasse le tempo, on sent qu'on va avoir mal à la nuque. Mais ce qui m'attire surtout, ce sont ces guitares qui dialoguent, et je trouve ça très important dans un genre où on met un point d'honneur sur la technique.
Sur l'ensemble des morceaux, le duo de gratteux va puiser dans tout ce que le genre a pu faire pour proposer une grande palette de mélodies. Outre un traitement sonore à la Vermingod notamment perceptible dans « World in Fire », on se retrouve avec un riffing tout particulier dans le départ de « The Blood for a Crown ». Cette diversité conduit même à quelques excentricités de la scène Tech Death moderne et Deathcore, avec ces notes aiguës et criardes qu'on entend dans « Medusas's Embrace » notamment. Le tout étant mené, sous une production qui fait honneur à la qualité de chaque musicien, d'une manière très « straight forward » : très peu de couplets et de refrains, on conduit tout droit, et on se laisse surprendre par certains chemins empruntés.
Un tel choix d'itinéraire sans retour permet de bien belles surprises. Ce que j'apprécie particulièrement ici, et qui m'a donné envie de parler de cet album et de le défendre, ce sont les changements de rythme. Que ce soient les breaks, comme celui post solo du premier morceau qui est délicieux, ou simplement les différentes vitesses de jeu au sein des morceaux, par exemple dans « The Last Council », c'est typiquement quelque chose qui nous fait sentir qu'on va avoir droit à quelque chose d'aéré et riche : on peut prendre « Parasite » comme autre exemple pour remarquer cette ouverture, avec un côté Brutal Tech dans les riffs et leur utilisation, contré derrière par autre chose dont je vous laisse découvrir la teneur !
S'il y a une thématique globale ici, c'est bien la notion de « contrebalance ». Il faut dire que le groupe s'inspire d'un tas de groupes et d'époques, et ces références deviennent évidentes sur le double titre « Voynich Manuscript ». On reste sur un terrain connu, puisque l'album a su instaurer un petit rythme à base de blast beats et de breaks, puis on se prend une grosse rupture pour un côté Jazz, non sans rappeler Cynic – et dont ils ont fait la reprise du cultissime « Celestial Voyage ». Malgré tout, cette dissonance reste réfléchie puisque leurs références brassent aussi bien la modernité (on y note même un peu de Krimh dans certains riffs qui font un poil Djent) que le Death Metal exigent des années 80-90.
Restons sur « Voynich Manuscript », mon gros favori de l'album : outre le break Jazz en première partie, le deuxième morceau commence par ce qui s'apparente à du Exivious, projet parallèle initié par d'anciens membres de Cynic. Suite à cette intro, on entre dans le vif du sujet avec un riff incisif qui m'évoque Origin – le groupe qui a mis une petite patate dans la tronche de ceux qui ont écouté « Whrath of Vishnu » à l'époque de sa parution. J'ai tout bonnement pris mon pied.
Le souci avec un album aussi riche et dense est qu'il est facile de paumer l'auditeur. Par exemple, on peut être surpris de retrouver dans cet album deux titres à deux parties. Pour ne pas achever les oreilles avec des morceaux de 8 minutes, couper est judicieux, surtout que rien ne traîne en longueur. Mais tout en étant autonomes, les deux parties à chaque fois sont pertinentes. Cependant, passée la claque sur « Voynich Manuscript », le deuxième temps de l'album semble un peu en-dessous ; et un morceau comme « The Last Council », un peu en retrait dans l'écriture, souffre de sa position de dernier.
Il est vrai, cet album n'est pas clinquant, il ne jouit pas forcément d'une grande reconnaissance. Il est assez lourd, peu amical de prime abord. Mais celui qui fera l'effort de s'y intéresser y découvrira une richesse étonnante, alliant teintes actuelles et passées et basculant de moments de pure brutalité à des nappes de velours. C'est sur cet entre-deux que cet objet demeure : sombre et froid sous la lumière, éclatant et généreux dans la nuit.
| MoM 14 Juillet 2017 - 1053 lectures |
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