Shinda Saibo No Katamari - Ostriched Existence
Chronique
Shinda Saibo No Katamari Ostriched Existence (EP)
Coucou ! 2020 a été tellement chargée que certaines sorties pourtant très intéressantes sont passées à la trappe. On va essayer de rattraper tout cela en commençant par cet étonnant Ostriched Existence, dernier EP en date des Japonais de 死んだ細胞の塊, latinisé en Shinda Saibo No Katamari et que l'on peut traduire par "amas de cellules mortes". Paru en septembre 2020 sur le label russe Lord of the Sick Recordings, celui-ci m'a permis de découvrir ce combo tokyoïte formé en 2015 et déjà auteur de deux EP's, deux démos, un single et un full-length décliné en deux versions différentes puisque la première mouture de 2019 a été remixée et remasterisée avec les vocaux du nouveau venu Haruka Kamiyama, connu pour son implication dans le groupe de slam death Gorevent. Ce qui a attiré ma curiosité ? Sans doute la même raison pour laquelle vous avez cliqué sur la chronique. Cette pochette peu banale ornée d'autruches (wtf?!), sorte de From Beyond ornithologique, avec un magnifique logo complètement illisible. Il FALLAIT que j'écoute !
Il n'y a pas à dire, Shinda Saibo No Katamari sait attirer le chaland. Mais qu'en est-il du contenu ? Qu'est-ce que les Japonais nous couvent ? On peut déjà dire qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Ostriched Existence s'avère réellement un EP concept sur les autruches. L'introduction "Flightless One" en mode documentaire présente comme si de rien n'était les principales caractéristiques de l'animal sur fond de cris d'un humain en train de se faire bouffer. Puis c'est parti pour moins d'un quart d'heure sur quatre morceaux aux titres évocateurs pastichant des vraies compositions de brutal death plus "sérieuses" : "Ostriched Existence", "Emued", "Turkeyectomy" et "Infected Ostrichment". On pourrait penser vu la thématique que ça ne vole pas très haut, même pas du tout. Grossière erreur ! Quelle branlée ! Les Asiatiques s'adonnent à un brutal death à l'américaine qui ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Moins slammy et plus technique que le premier album Saibogu, Ostriched Existence nous offre quatre pistes courtes et chaotiques où les plans se succèdent à vitesse grand V à coups de changements de rythmes incessants, de stop 'n go, de plans de guitares tarabiscotés, d'harmoniques sifflées et de batterie épileptique. Temma Takahata aligne ainsi blast-beats, gravity-blasts, semi-blasts, blasts "mitraillettes", rythmiques thrashies et autres patterns de poète pour notre plus grand plaisir. Surtout avec cette production bien musclée qui ne sonne pas plastique. Bref, le combo ne marche pas sur des oeufs, ça bourre à mort. Multiples orgasmes auditifs à prévoir, en autres à 2'54 sur "Ostriched Existence" sur une rythmique punkie, les blasts en courtes rafales de "Emued" à partir de 0'40 ou l'enchaînement gravity puis blasts à 1'55, la batterie tout en cassure de "Infected Ostrichment" à 0'58 qui rend dingue, etc. On pense à d'autres drôles d'oiseaux comme Malignancy, Cephalic Carnage, Wormed, Guttural Secrete, Disgorge, Defeated Sanity voire Terminally Your Aborted Ghost (en moins mathcore). On n'est même pas loin de Internal Suffering et Origin au début et à la fin de "Infected Ostrichment".
Si la musique du trio part un peu dans tous les sens, on ne rencontre toutefois aucun problème d'efficacité et d'accroche. Shinda Saibo No Katamari mêle en effet avec brio brutalité tumultueuse et groove irrésistible, bien aidé par un son limpide même sur les passages les plus alambiqués. Le batteur ne fait pas que cogner comme un sourd et sait aussi mettre le feu au dancefloor, accompagné de riffs plus directs du guitariste bassiste Kani Saibo qui lui non plus ne fait pas que dans le tricotage tordu. On citera par exemple "Ostriched Existence" à partir de 1'03 bien gras et dansant grâce à cette double chaloupée qui finit presque en slam part, "Emued" à 2'30 ou l'une des séquences les plus orgasmiques grâce encore une fois au jeu de double catchy et à un riff légèrement dissonant en fin de boucle qui vous fera dodeliner de la tête à coup sûr, "Turkeyectomy" qui alterne bourrage de crâne et brisage de nuque à partir de 1'00 ou encore "Infected Ostrichment" à 1'12, headbangant à la cool. Le groupe arrive même à nous surprendre par le biais de deux-trois moments plus originaux comme sur ce break posé presque aérien à 2'05 sur "Ostriched Existence". Sans oublier l'excellente basse qui a également son rôle à jouer dans ce groove à la fois putride et technique que dégage l'œuvre. Mais que dire du frontman Haruka Kamiyama ? Son growl dégueulasse des plus gutturaux s'avère absolument génial. À la fois puissant et dégoulinant, il a su trouver le parfait équilibre quand tant d'autres chanteurs de ce type de brutal death outrancier se vautrent dans les borborygmes intestinaux ridicules et pas du tout brutaux. Chapeau pour cette performance impeccable qui émeut au plus haut point.
Impeccable, tout le monde l'est ici de toute façon. Impossible de trouver un moment de flottement, un passage où la formation bat de l'aile. Même ces deux mosh-parts qui font leur apparition sur "Turkeyectomy" à 1'53 et "Infected Ostrichment" à 1'39 et qui passent nickel. Shinda Saibo No Katamari fait tout bien, de la production parfaite aux riffs tantôt mathématiques tantôt sportifs, en passant par la technique, le groove, la brutalité, et chaque membre brille individuellement dans ce collectif fort bien huilé. Les Asiatiques, même si on sent leurs influences, possèdent en plus ce quelque chose de bien à eux, ils ont leur propre patte. Ils ont ce côté barré, foufou, excentrique qui ressort souvent des groupes japonais. Il y avait longtemps que je n'avais pas pris une telle claque en BDM US, style qui s'enfonce depuis des années dans la médiocrité. Moi qui y venais plus par curiosité liée à cette pochette incongrue qu'autre chose, je me suis retrouvé avec une pépite entre les mains. Un EP absolument jouissif de bout en bout qui passe vite. Trop vite même et on se prend à l'écouter plusieurs fois d'affilée. Chroniqué à temps, Ostriched Existence aurait eu ainsi tout à fait sa place dans le bilan 2020 tant il cloue le bec à pas mal de groupes plus connus. De quoi compenser un peu la déception du dernier Defeated Sanity comme l'avait fait Twitch of the Death Nerve dans un genre similaire. Une très chouette découverte qui me fait dire que Shinda Saibo No Katamari, après un Saibogu fort goûtu écouté a posteriori, est en train de faire son nid dans le paysage brutal death underground. Le groupe a d'ailleurs signé chez Brutal Mind (Disavowed, Arsebreed, Decayed Flesh ...). Avis donc aux amateurs de Malignancy, Defeated Sanity, Guttural Secrete, Origin et compagnie, de brutalité chaotique et technique pleine de groove qui tache. Foncez, vous ne vous ferez pas plumer !
| Keyser 28 Mai 2021 - 1188 lectures |
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