Macabre est depuis sa genèse, en 1984, un des groupes les plus controversés dans le milieu du Metal Extrême. Tout d’abord à cause de sa musique en elle-même, joyeux mélange entre Death, Thrash, Grindcore et déconne totale, la musique des trois barjots de l’Illinois ne pouvait en effet pas plaire à tout le monde et fait bouillir de rage pas mal d’amateurs de Metal plus conventionnel. Cependant, en plus de la musique, la thématique récurrente du groupe a elle aussi de quoi rebuter certaines personnes. Depuis sa formation le groupe a en effet consacré l’ensemble de son œuvre aux tueurs en série en tout genre. D’Albert Fish à Ted Bundy, chacun a eu le droit à au moins une petite chansonnette, toujours traitée avec une bonne dose d’humour noir. Là où des groupes de Brutal Death comme
Gorgasm ou
Severe Torture ont des lyrics bien plus immondes et violents, le fait que
Macabre s’inspire continuellement de faits réels dont les familles des victimes sont parfois encore en vie peut en effet paraître plus discutable. Alors qu’en ce moment même on se demande à nouveau si l’on peut vraiment rire de tout,
Macabre ne s’interroge même pas sur le sujet et s’autorise donc continuellement à s’inspirer de la vie des pires personnages de l’histoire des Etats Unis. Personnellement cela me convient très bien comme ça puisque la thématique du groupe colle à merveille avec la musique, et car le groupe traite ce sujet avec suffisamment d’ironie pour que l’on se rende compte que son concept n’est pas la base d’un fanatisme envers ces personnages.
Si la thématique du groupe n’a donc pas changée depuis sa formation (il y a 30 ans !) ce troisième album va plus loin dans dans le concept que leurs précédentes productions. En effet, là où les deux premiers albums de la formation présentaient des chansons parlant chacune d’un sérial killer différent, cet album n’est consacré qu’à un seul de ces personnages, en la personne de Jeffrey Dahmer. En écoutant cet album vous saurez donc tout des grandes étapes de la vie de ce psychopathe nécrophile et cannibale, depuis son enfance tourmentée jusqu’à sa mort, en passant par son premier meurtre, son arrestation, son mode opératoire... Un joyeux menu n’est-ce pas ? Heureusement, comme à son habitude, le groupe n’oublie pas de prendre tout ça avec légèreté. Que ce soit au niveau des paroles ou directement au niveau des rythmiques, l’humour n’est effectivement jamais bien loin. Le point d’orgue en la matière est certainement « Jeffrey and the Chocolate Factory », reprenant à la sauce
Macabre la célèbre chanson des Oompas Loompas de Charlie et la chocolaterie et ses dansants Oompa Loompa Doopity Doo / Oompa Loompa Doopity Dee.
Macabre s’amuse donc une fois de plus à insérer dans ses compos des rythmiques que chacun d’entre nous a déjà entendues quelque part, comme sur « In the Army Now », où on peut entendre une reprise de la célèbre chanson de la guerre de sécession « When Johnny Comes Marching Home », que l’on retrouve également dans les chansons « Ghosrider in the Sky » de
Johnny Cash, étant elle-même une reprise de la version de
Burl Ives, sur « Johny Revient D’La Guerre » des
Béruriers Noirs, et sur la chanson « Johny I Hardly Knew Ya » des
Dropkick Murphys. Avec tout ça, vous conviendrez qu’il y a vraiment de fortes chances que vous l’ayez déjà entendu quelque part.
En plus de ces quelques clins d’œil sympathiques,
Macabre est capable de varier sa musique de manière totalement impressionnante. Passant sans cesse d’un morceau guilleret (« GrandMother’s House », « Coming To Chicago ») à une chanson plus sombre (« Hitchiker », « Chistopher Scarver »), le groupe possède un panel d’ambiance ultra développé. De plus, quand
Sinister Slaughter se perdait parfois dans les méandres de l’aléatoire, ce
Dahmer garde sa cohérence tout du long et on comprend à chaque instant où le groupe veut nous emmener. Chaque chanson a ainsi parfaitement sa place et l’ensemble forme un tout surprenant de logique au vu de la folie ambiante de l’album. Ce troisième essai du groupe est donc plus maîtrisé, plus carré et plus cohérent que les précédents. S’il ne s’agissait pas de
Macabre on pourrait presque parler de maturité. Néanmoins maturité est certainement un des termes qui correspond le moins à
Macabre, avec sérieux, éthique et légumes.
Car oui, même si l’album montre une facette du groupe plus sage que sur
Sinister Slaughter et
Gloom, on ne doute jamais que l’on est en train d’écouter un album des trois barjots de
Macabre sur ce
Dahmer. La recette n’a même pas tant changée que ça. Avec 26 morceaux au compteur pour 52 minutes de musique, des passages de chant toujours aussi hallucinés et des changements de rythmes qui nous feraient presque perdre la tête, Macabre n’a pas remis en question son identité. On retrouve donc tout ce qui faisait la richesse du groupe, à commencer par le chant de Corporate Death. Toujours impeccable, il montre encore son éventail de voix hallucinant, allant du growl le plus grave (« Hitchiker ») au chant hurlé le plus perché (« Into the Toilet With You ») et semble encore plus à l’aise qu’auparavant, trouvant même l’équilibre parfait sur « Scrub a Dub Dub ». Dennis The Menace fait lui aussi encore une fois de son mieux et se démène comme un fou derrière ses fûts, aboutissant à un rendu saisissant. Le bonhomme m’avait déjà impressionné sur
Sinister Slaughter mais force est de constater qu’il se montre ici encore meilleur, lui aussi étant plus dans le contrôle et dans la précision, forçant moins sur les délires à la grosse caisse dont il abusait parfois dans les précédentes productions du groupe.
Je n’ai pour l’instant parlé que de deux musiciens et c’est normal. Je n’ai pas parlé de Nefarious et de sa basse car je voulais le garder pour la fin, pour la bonne raison que si j’avais commencé par lui je n’aurais pas réussi à garder assez de place pour le reste du groupe. Car croyez moi, je pourrais en écrire du papelard sur cette basse. Que se soit au niveau du jeu en lui-même et de ses lignes inspirées et rafraîchissantes ou de la place primordiale qu’occupe ici cet instrument trop souvent relégué à l’arrière plan, il n’y a vraiment rien à reprocher à Nefarious. Il apporte un feeling palpable à la musique du groupe à chacune de ses interventions et varie lui aussi intelligemment son jeu. Tantôt véloces, tantôt hachées, ses lignes de basse sont parfaitement bien senties et apporte le détail qui tue à la musique des américains, des chansons comme « Dog Guts », « Apartment 23 » ou « Do the Dahmer » seraient d’ailleurs bien plus banales sans cette basse monumentale. Les trois musiciens sociopathes de Macabre rendent donc copie parfaite sur ce troisième album. Copie sublimée par la production merveilleuse de la galette, enregistrée le 9/9/99 par Neil Kernon, ayant entre autre bossé pour
Nile,
Deceide et
Jeff Loomis.
Plus contrôlé et maîtrisé tout en gardant le côté le plus déluré du groupe, cet album est tout simplement mon préféré de
Macabre et serra très difficile à détrôner. Ce qui est encore plus incroyable c’est le paradoxe continuel entre la technique incroyable des trois musiciens et la légèreté, et au final la simplicité, de leur musique. Chacun d’eux possède en effet un bagage technique assez impressionnant, mais quand on les écoute on se demande s’ils s’en rendent vraiment compte. En tout cas on sent bien qu’ils s’en battent de la technique, de créer le consensus avec leur musique et de leur popularité. Ils ont seulement envie de faire la musique qu’ils aiment, pour les gens qui aiment leur musique. L’équation est simple et c’est sûrement parce que le groupe ne se prend pas plus la tête que
Macabre n’a pas subi un seul changement de line-up en plus de trente années d’existence. En bref cet album représente aujourd’hui encore, 15 ans après sa sortie, ce que Macabre a fait de mieux. Et au vu de leur dernière prestation studio j’ai bien peur que ça ne changera jamais.
2 COMMENTAIRE(S)
11/08/2015 21:25
Rien n'est mauvais dans Macabre , même ce qui n'est pas très bien !
21/01/2015 13:52
Let's all do the Dahmer !