Visceral Evisceration - Incessant Desire For Palatable Flesh
Chronique
Visceral Evisceration Incessant Desire For Palatable Flesh
Tel un Philippe Manœuvre du metal extrême mélodique, votre serviteur en short rouge plonge une nouvelle fois au fond de son grenier pour vous retrouver quelques bonnes vieilleries oubliées. Place à l’une des plus grosses bizarreries chroniquées par mes soins (après 9 ans de loyaux services sur Thrasho). Le décor est planté. Visceral Evisceration, groupe autrichien formé en 1991, pratique un doom/death mélodique fortement imprégné par les prémices de Cemetary, Tiamat ou Amorphis. Soit. Rien de bien choquant pour l’instant. Sauf que comme son nom l’indique, la bande de Vienne use d’un univers gore bien peu subtil. Des paroles prêchant le cannibalisme et la nécrophilie sur une musique de fond sombre et mélancolique (presque « poétique »)… Un contraste malsain assez étonnant qui arrive pourtant à fonctionner. Après une démo en 1993 (Savour of the Seething Meat), Visceral Evisceration signe sur le label local Napalm Records afin de dévoiler son premier et unique album Incessant Desire for Palatable Flesh. Viandes humaines saignantes au menu.
Entrons donc dans la cuisine et le garde manger de ces Autrichiens... Un coup d’œil à l’artwork ou aux titres pour comprendre que Visceral Evisceration puise sans équivoque dans les groupes à imagerie « choc » de l’époque tels que Cannibal Corpse ou Carcass (parmi les plus connus). Impossible de ne pas esquisser un sourire face à tous ces vers prônant un régime surprotéiné : « At The Epicurean Gynaecologist » (dépeçage de mères porteuses et recette de bébés broyés au marteau), « Chewing Female Genital Parts » (parties génitales féminines garnies avec du bacon pour le dessert) ou l’improbable « Gangling Menstrual Blood-Broth For Supper » (bouillon de sang menstruel pour le dîner : « Knorr qu’est-ce que tu nous mijotes encore ? »). Le fait est que la musique proposée ne colle absolument pas à cette thématique outrancière. Outre les riffs et le chant death éraillé (typiques de la scène du début des années 90), viendra se greffer un doom aux accents gothiques dépressifs porté par les lamentations de l’hurleur et ces notes funéraires (la ténébreuse « Muse Perverse »).
Visceral Evisceration aime les femmes, dans tous les sens du terme, organe vocal compris sur le plateau. Des vocaux féminins sopranos plutôt étonnants (plus que « barrés ») iront se placer sur chaque morceau. A côté de ça un clavier kitschissisme au possible (l’introduction de « At The Epicurean Gynaecologist » à se défénestrer ou mieux encore, une musique de fond pour un sitcom AB sur « Tender Flesh... On The Bier »). Les premières écoutes seront assez horripilantes il faut avouer (un aspect « too much » parfois étouffant) mais les efforts finiront par payer et une atmosphère indescriptible commence à se créer. Le groupe ne se pose aucune limite, pondant des titres déstructurés plutôt osés (une moyenne de près de 10 minutes) et transpirant le travail de composition. Une sincérité séduisante mais démontrant la faible expérience de ces jeunes musiciens (malgré une technique avancée) de part ces transitions relativement bancales ou ces longueurs facilement amputables. Ce qui retiendra avant tout notre attention, ce sont ces mélodies simples et accrocheuses (aux accents scandinaves) à profusion (et le mot est faible). Que ce soit le final poignant de « (I Am) Enamoured Of Dead Bodies », la Katatoniesque « At The Epicurean Gynaecologist » (7:27), l’ultra catchy « Chewing Female Genital Parts » (et son intro « dansante » imparable), le leitmotiv de « Tender Flesh... On The Bier »… Difficile de résister.
Incessant Desire for Palatable Flesh ou l’album doom/death mélodique pour un boucher cannibale en dépression saisonnière. Un ovni extrême bancal certes mais audacieux et riche, qui réussira à toucher son auditoire par son ambiance plombante ainsi que ses innombrables mélodies. Les paroles du livret suffisent à elles seules l’achat de cette étrangeté. Un an après la sortie de Incessant Desire for Palatable Flesh, Visceral Evisceration quitte Napalm Records et change son nom en As I Lay Dying (aucune parenté avec le groupe metalcore californien). Après une démo prometteuse, le groupe finira par splitter quelques mois plus tard. On n’entendra plus parler de ses membres… Napalm Records remasterisera (une cure de jouvence) et ressortira l’album en 2002.
| Mitch 26 Janvier 2013 - 1952 lectures |
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