La Dispute - Rooms Of The House
Chronique
La Dispute Rooms Of The House
Bien loin de toutes étiquettes, La Dispute et son patronyme énigmatique ne semble pas se soucier outre-mesure de classer sa musique. Au lieu de livrer un Hardcore agressif comme à l’accoutumé, le combo américain choisi la voix du passif, se contentant de hurler à l'occasion. Naviguant entre Post-Hardcore à la Fugazi, Emo-rock et Post-Punk édition 2.0 (comprenez plus proche de Franz Ferdinand que de Siouxsie & The Banshees), voici donc onze morceaux, pièces ou plutôt contes à écouter comme des bribes de récits, de vie. La Dispute pourrait se traduire comme un conflit musical entre une douceur simple et une violence âpre s'entrechoquant pour finalement se fondre en une seule harmonie. Au final, une alchimie si cosmique qu'on croirait entendre la fusion de deux galaxies se percutant. « Rooms Of The House » n'est pas tant une maison mais plutôt une ville dont on explorerait les recoins. Parfois sombres, parfois tristes ou parfois reposants. En gros, pour quelque chose visiblement affilié au Hardcore, la formation du Michigan peut paraître soit complètement novatrice et intéressante, soit affreusement niaise.
Mais là où niaiserie est bien souvent synonyme d'ennui ou même de vomi, chez le combo américain, le terme peut plutôt trouver une équivalence de « sensibilité » ou de « fragilité ». On ne pourra que se laisser aller sur les quelques interludes calmes (exemple : « Woman (in mirror) ») qui forment finalement une connexion émotionnelle dans l'album. La Dispute n'est pas imbuvable, simplement émouvant au travers de ses passages plus posés ou le chant clair – souvent spoken word – se positionne en traducteur de sentiments éprouvés. Réussi certes, mais pas forcément accrocheur au premier abord. Là ou je râlais il y a peu sur les polonais d'Obscure Sphinx qui dégoulinait de mièvreries, ce ne sera pas le cas pour ce « Rooms of the House » qui a le mérite de ne pas se livrer rapidement et de ne dégager aucune aura putassière. Tout cela est donc sincère.
Reste l'autre côté où la clique se fait agressive. Et où le timbre du chanteur/hurleur s’accélère et propose une sorte de chant parfois approchant du hip-hop en affichant un débit relativement rapide. C'est sûr, Jordan Dreyer, le chanteur sait accentuer ses mots, hacher ses décharnements, propulser ses syllabes et quand on sait que le groupe cite en influence Kurt Vonnegut et Vladimir Nabokov, on peut facilement imaginer cette « Lo-li-ta » entrecoupée entre plusieurs passages musicaux et plusieurs élucubrations vocales. Le chant est incontestablement un des points forts de « Rooms Of The House » car il est l'appareil de base qui permettra d'affiner les émotions véhiculée par les passages les plus énergiques. Parlons-en justement, de ces passages ou le groupe peut avoir l'air de simplement balancer un hardcore qui, s'il est tout de même branché à l'électricité, reste pourvu d'une distorsion somme toute édulcorée. Ce « Hudsonville Mi 1956 » propose une parfaite synthèse de la musique du groupe évoluant entre screamo, post-rock, indie et hardcore punk. Parfois La Dispute sait calmer le jeu et bien évidemment envoyer la dose, le tout au sein d'une même chanson. Certes, c'est une obligation d'acquérir cette technique quand on se permet de fusionner différents styles, cependant, la formation y arrive avec un feeling et une évidence indubitable.
Par dessus tout, l'album est riche. Et il y a fort à parier que ceux qui se laisseront tenter par une écoute mettront un certain temps avant de commencer à entrevoir toute la substance contenue dans ces quelques quarante minutes étudiées et finement travaillées de manière à proposer une émotion différente à chaque approche. D'ailleurs, il en sera de même pour le concept et les paroles, développés généreusement tout au long des quarante-huit pages constituant le livret. « Rooms of the house » malgré sa durée totale relativement accessible a tout d'un gros pavé et s'il l'est de part la profondeur de sa créativité, il reste néanmoins un opus digeste et agréable dès le début. « Scenes from The Highway 1981 – 2009 - 2009 » est le parfait exemple de ce titre qui peut sembler un peu creux au départ mais qui finira par se faire apprécier à sa juste valeur. On citera aussi le très intense « Extraordinary Dinner Party » qui se révélera au final comme l'un des titres les plus aboutis dans la puissance des coups qu'il assène comme dans les larmes qu'il peut provoquer.
S'il est impossible d'éviter le fait que La Dispute se fera sûrement traiter de tous les noms, passant de la hype à la musique d'ado ou au post-hardcore d'Instagram, quiconque accrochera à ce cocktail détonnant se laissera sans aucun doute convaincre par le talent du quator. Malgré leurs dégaines d'étudiants en maths, on reconnaîtra aux habitants de Grand Rapids une évidence à retranscrire des émotions, des paysages et de la colère d'une manière extrêmement novatrice. La Dispute passe un coup de polish sur plusieurs styles en même temps et propose avec « Rooms of The House » un album qui marquera, j'en suis sûr, l'année au fer rouge.
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