Sol / Blóðtrú - Old Europa Death Chants
Chronique
Sol / Blóðtrú Old Europa Death Chants (Split-CD)
Où comment deux obscurs one-man bands danois noyés dans les méandres de l'underground et de qualité moyenne ˗ Sol ˗ voire assez passable ˗ Blóðtrú ˗ créent la surprise avec un majestueux split album sorti de nulle part.... Une perle tombée du ciel aussi précieuse qu’inattendue, frappant autant par sa fraîcheur que sa singularité à l'image de l'album éponyme de Murmuüre. Old Europa Death Chants, paru en 2010 via l'excellent label anglais Paradigms Recordings (The Cosmic Dead, Hallvarður Ásgeirsson & Jón Indriðason, Wailing of the Winds etc.), résonne tel un « De Profundis » ou un « Miserere » moderne sortant d'une église perdue au fin fond de la campagne danoise, une invitation en somme...
« O Solitude
O solitude, my sweetest choice! »
…..à l'isolement et l'abandon de soi-même.
Une traversée du désert magnifiquement accompagnée par l'ode d'Henry Purcell ˗ rebaptisée ici « Alone » ˗ où la Solitude trône telle une reine à la beauté froide magnifiée mais aussi glorifiée par Emil Brahe (Sol) et Trúa (Blóðtrú), ce dernier illuminant le morceau de sa voix à la fois profonde et cérémonielle. Une version quelque peu dépoussiérée par l'ajout de sonorités plus modernes qui ne dénotent cependant pas de l'originale avec un côté minimaliste toujours bien présent mais aussi ce sentiment de pureté et de dévotion qui en découle.
Une beauté troublante mais empoisonnée dont le doux parfum de mystère ensorcelle, vous entraînant dans son sillage vers des bois embrumés où vous vous enfoncez et égarez toujours un peu plus avec la folie comme seule compagne. « Crippled by Emotions We Die in Solitude » illustre bien ce passage tenu, cette fragilité engendrée par un trop long confinement avec une ambiance plus étouffante mais aussi électrique due notamment à un accent dronesque fortement prononcé (petite pensée pour le Black One de Sunn O))) ). Ce côté plus « bourdonnant » et « noir » va être renforcé par la voix très éraillée d' Emil Brahe typée black metal déversant toute sa rage ainsi que son mal-être sur vos frêles épaules. Une tension qui monte crescendo où se mêlent confusion des sentiments et frustration mal contenue qui découlera sur une déflagration soudaine à la mi-morceau (6:50) vous enfonçant six pieds sous terre par le martellement violent et continu de Danny Jöhnson à la batterie.
Cependant la violence ne dure qu'un temps et malgré les guitares grésillantes l'aspect « raw » est moindre sur « The Dusk of Man : The Dawn of the Beasts » où les sonorités se font plus entêtantes, et funèbres. Le crépuscule fond sur vous tel une chape de plomb avec pour seule perspective une longue et douloureuse « descente » accompagnée par la voix aussi déchirée que plaintive de Trúa. Un morceau synonyme de chemin de croix qui offre toutefois plus de nuances, grâce aux nombreux arrangements, gagnant ainsi en lisibilité et en homogénéité. Le passage se fait donc de façon limpide avec le beau mais très nostalgique « Where Did We Fall » au côté folk où se côtoient, pour le meilleur, moderne et traditionnel avec l'apparition du banjo, de la guitare sèche, du glockenspiel ainsi que de l'accordéon. Un titre d'une extrême pureté qui regorge d'émotions, tel la rosée scintillante illuminant les vastes prairies isolées, faisant office d'hymne à l'ancienne Europe désormais morte et enterrée.
Old Europa Death Chants est semblable à une oraison funèbre répandant moult sentiments (allant de la contemplation à la résignation) ainsi que différentes émotions plus ou moins exacerbées selon les titres, tout comme ce délicat parfum de violette et de mélancolie qui se dégage de la doomesque mais aussi classique « A Golden Horse ». Encore une fois Trúa utilise sa voix claire à bon escient et qui entremêlée au chant growlé procure un sentiment de profond abattement couplé à une sensibilité accrue. Toutefois, au fil de l'écoute une ombre se détache toujours davantage en filigrane, flottant au-dessus de cette œuvre inclassable et intemporelle, une impression que vient confirmer « Death Chants for Old Europa », fabuleux titre clôturant l'office.
En effet, impossible ne pas faire référence à la célèbre et énigmatique « frozen borderline » Nico car tout sur ce split ramène irrémédiablement à elle : le côté très minimaliste, les éléments folk, la voix à la fois enveloppante mais aussi désabusée de même que cette ambiance pesante mêlant nostalgie, tristesse et désespoir. Un bon nombre d'éléments que vous retrouvez sur le dernier morceau, aussi vaporeux qu'addictif, où les deux compères unissent encore une fois leur force afin de délivrer une musique très épurée et bruitiste où l'accordéon tient le premier rôle.
Old Europa Death Chants est un joyaux insaisissable, une œuvre d'une élégance rare qui offre aux auditeurs un long et tortueux voyage à dos de cheval d'or vers un glorieux passé depuis longtemps révolu.
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