Slugdge - Gastronomicon
Chronique
Slugdge Gastronomicon
Mr. Bean, Terry Pratchett, les Monthy Python, le Prince Charles… Autant de personnalités nous ayant déjà prouvé que les anglais possèdent un sens de l’humour inégalable. C’est maintenant au tour de Slugdge, duo formé par Kev Pearson et Matt Moss, de nous prouver que nos voisins du Nord sont maîtres en la matière. Avec un concept tournant autour des gastéropodes, un titre d’album comme Gastronomicon et des jeux de mots douteux tels que « Lettuce Prey » ou « Salters of Madness » en guise de nom de chanson, le duo anglais ne cherche donc nullement à cacher son goût pour l’humour. Cependant, comme le prouve la sublime pochette de cet opus, l’humour n’est ici qu’un élément d’une musique qui se montre finalement assez sombre et très subtile. Fidèle à l’imagerie qu’il s’est créé, le groupe originaire du Lancashire se présente donc comme une entité aux multiples facettes capable de surprendre l’auditeur à chaque instant et mélangeant sans vergogne différentes sonorités, majoritairement inspirées par les scènes Death, Black et Sludge (surprise !).
Dès lors on se rend vite compte que le groupe est très bien nommé : quoi de mieux qu’un nom imprononçable pour un groupe jouant une musique indescriptible ? La musique proposée par le groupe est en effet un maelström d’influences diverses et variées, qui s’avèrent néanmoins très bien digérées et intégrées par le groupe, qui réussit par ailleurs à se forger une identité propre. On passe donc aisément d’un passage aux fortes tendances Sludge que n’aurait pas renié un groupe comme Mantar (« Lettuce Prey » à 4’15’’) à un passage purement Death Metal (« Salters of Madness »), voire même à des moments faisant carrément penser à Mastodon (sur «Pax Aranea» par exemple). Ce mélange de genres est rendu possible en grande partie par l’excellent Matt Moss, capable de varier son chant de manière impressionnante et de passer aisément du growl typiquement Death Metal à un chant clair impeccable. Le bonhomme utilise principalement 3 types de voix différentes : un growl profond et puissant permettant d’illustrer les passages les plus Death Metal de la galette, une voix criarde se rapprochant tantôt du Black Metal, tantôt du Sludge, ainsi qu’un chant clair orchestral faisant en outre penser à Arcturus (sur «Gastronomicon» à 5’20’’). De plus, la batterie est ici extrêmement variée, alternant entre blasts et grooves imparables au bon moment. Pour être tout à fait franc, je ne suis d'habitude pas fan des groupes utilisant une B.A.R, préférant la présence d'un batteur en chair et en os, mais ici cette dernière est diablement bien programmée (par Matt Moss) et sonne très naturelle.
Pour assouvir leur soif d’originalité, les deux compères n’ont pas hésité à proposer des chansons allant de 4 minutes à plus de 7 minutes, ce qui, associé à la complexité des morceaux, aurait très bien pu rendre la musique du groupe difficilement assimilable, ou du moins rendre la compréhension des compositions assez ardue. Cependant, malgré la complexité et la diversité de la musique présentée ici, l’ensemble s’écoute facilement et capte l’auditeur dès la première écoute. Ceci est tout d’abord permis grâce à l’excellente production dont jouit cet album, rendant le tout formidablement clair et audible et permettant au groupe de varier styles musicaux et ambiances sans perdre l’identité propre de l’album. Ainsi rien ne nous parait choquant et tous les éléments de la musique théoriquement alambiquée des anglais s’emboitent parfaitement les uns dans les autres. Mieux encore, malgré la durée relativement longue des morceaux, à aucun moment le moindre ennui ne se fait ressentir. Le groupe parvient toujours à disséminer dans sa musique un élément, que ce soit une lead mélodique, un riff groovy ou un passage blasté inattendu, permettant à l’auditeur de constamment se sentir agréablement surpris. Les morceaux sont de plus intelligemment composés, possédant chacun son moment fort revenant plusieurs fois dans la chanson de manière à première vue aléatoire, mais finalement de façon très contrôlée. Le meilleur exemple est sans doute l’excellente « Pax Aranea » dont le riff d’intro ultra épique revient plusieurs fois dans la chanson de manière inopinée et pourtant rafraîchissante. C’est ce genre de fil rouge qui rend la musique de Slugdge facilement compréhensible malgré le côté complexe des compositions, et qui permet également à l’auditeur de distinguer chaque chanson de l’album. Ce dernier est d’ailleurs très homogène en termes de qualité, aucun morceau n’étant véritablement en dessous des autres.
Vous l’aurez donc compris, ce Gastronomicon est pour moi un des grands incontournables de l’année tout juste révolue. Que ce soit pour l’esprit de cet album, et du concept de l’adoration d’un gastéropode intersidéral digne de H.P. Lovecraft, ou pour la musique en elle-même qui est variée et très intelligemment ficelée, les raisons d’adorer ce nouvel album de Slugdge sont nombreuses. Le groupe avait déjà frappé fort en 2013 avec Born of Slime, leur premier album, mais on peu dire qu’ils ont surenchéri de manière efficace avec Gastronomicon, et ce seulement un an plus tard. Ce deuxième essai se veut ainsi plus incisif et encore plus varié, comportant son lot de moments carrément épiques (« The Sound of Mucus », « Pax Aranea »). Slugdge fait ici preuve d’une grande maturité et comble le fan qui sommeillait en moi, mon seul grand regret étant finalement le fait que l’album soit uniquement disponible en version digitale, distribuée par Torn Flesh records, mais qu’aucune version palpable ne soit pour le moment disponible. Cependant, on peut se réjouir que l’album soit intégralement écoutable et téléchargeable à prix libre sur le Bandcamp du groupe. Si le groupe continue sur sa lancée il me tarde vraiment d’écouter ce qu’il nous concocte pour l’année 2015.
| Høsty 8 Janvier 2015 - 1728 lectures |
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