Trial - Vessel
Chronique
Trial Vessel
On ne soulignera jamais assez l'importance d'une belle pochette. C'est ainsi une nouvelle fois un artwork splendide attirant l'œil du curieux qui m'a poussé à m'intéresser à Trial, groupe suédois formé en 2007 dont je ne soupçonnais pourtant pas l'existence. Loupés donc la démo de 2010, le full-length The Primordial Temple de 2011 et l'EP Malicious Arts de 2013. Impossible cette fois de passer à côté par contre, entre cette jolie cover et la signature du quintette sur le réputé label allemand High Roller Records. Et heureusement car, dès les premières minutes, ce Vessel m'a littéralement envoûté.
Si le logo reste assez classique et ne trompe pas sur la nature heavy metal de la musique de Trial, l'œuvre du talentueux roumain Costin Chioreanu (Aura Noir, Morgoth, Arch Enemy, Centinex, At The Gates, Withdrawn, Grave, Demonical, Offending...) interpelle par son originalité. Non seulement grâce à ses couleurs pastelles inhabituelles mais surtout à travers ce qu'il s'en dégage. Un côté éthéré, imaginaire, céleste, voire un peu psychédélique dans ses formes ondulées et tout simplement beau, contrastant avec un aspect plus sombre, tourmenté, menaçant, cauchemardesque. Clairement, cela ne ressemble pas à une illustration d'album de heavy metal. On pense plutôt à du post quelque chose. Pourtant, Trial joue bien du heavy metal. Mais un heavy metal pas tout à fait comme les autres. Après une écoute, l'artwork prend alors tout son sens. Et on comprend que nulle autre œuvre n'aurait pu mieux illustrer la musique des Scandinaves, la rendant d'autant plus réussie.
Heavy metal typé années 1980. Voilà la base de Trial. Pas n'importe lequel toutefois puisque le combo de Trollhättan a choisi Mercyful Fate comme mentor principal. La ressemblance avec ses excellents compatriotes de Portrait, tout aussi influencés par la bande de King Diamond, s'avère ainsi flagrante. À tel point parfois que l'on pourrait penser à un nouvel album du combo de Kristianstad, notamment en qui concerne le chant. Sauf que Trial va plus loin, plus haut et se montre par conséquent plus personnel. Je les vois ainsi comme une version plus onirique de Portrait où le satanisme se ferait plus implicite.
Pas de heavy metal simpe et efficace ici, pas de mélodies faciles et de refrains à chanter sous la douche. La musique des Suédois se fait bien plus riche, travaillée et atmosphérique. Alors oui, on croise bien sûr des séquences, des riffs efficaces, headbangants et groovy. Le groupe sait aussi accélérer et balancer des rythmiques bien énergiques (rha "To New Ends" et "Where Man Becomes All"!). Et toutes ces parties sont foutrement bien exécutées. Mais ce n'est pas là où Trial se démarque et sublime sa musique, bien au-delà de ces considérations de simples mortels. Première observation, les sept morceaux de Vessel ont tous une durée significative, l'album clôturant à plus de 50 minutes. Mis à part l'introduction éponyme de 3 minutes, à saluer toutefois car Trial nous y prend déjà aux tripes grâce à une première partie magnifique en acoustique rattrapée ensuite par un riff lourd et hypnotique sur lequel le chant nous met à genoux, tous les morceaux s'étendent en effet sur 7 à 8 minutes en moyenne. Le dernier titre "Restless Blood", beau à mourir, va même jusqu'à 13. Des longueurs qu'en général je ne goûte pas mais on ne peut que rendre les armes devant un tel talent. Ce côté progressif ne se montre en plus pas du tout pompeux ou démonstratif. Trial brille en effet par une fausse simplicité qui permet à l'auditeur d'accrocher tout de suite tout en lui demandant quelques efforts pour comprendre l'œuvre dans sa globalité. Tout se fait ici dans l'intérêt des morceaux afin d'en affiner l'ambiance et la rendre encore plus prenante. La preuve, entre autres, avec ces passages instrumentaux plus ou moins longs et plus ou moins minimalistes qui ensorcellent ("Through Bewilderment", "Where Man Becomes All", "Restless Blood"...). Du coup, on ne s'ennuie jamais. Mieux, on en redemande! Vessel rend addictif et heureusement car il faudra pas mal d'écoutes pour tout saisir.
Concrètement, voilà la recette de Trial. Si la formation utilise les ingrédients habituels du heavy metal pour ses fondations (power chords, cavalcades rythmiques, solos et leads à profusion, chant aigu...), il incorpore aussi d'autres gimmicks. Beaucoup de tremolos et de dissonances notamment, plutôt l'apanage du metal extrême et en particulier du black metal. Trial venant de Suède, il n'est après tout pas si étonnant qu'il emprunte à une scène nationale des plus riches. La paire de guitaristes Alexander Ellström/Andreas Johnsson se montre ainsi particulièrement inspirée en variant les plaisirs, entre riffing percutant, harmonies classieuses, mélodies en tremolo sombres ou tristes, solos renversants, parties acoustiques et arpèges calmes et dissonances froides, hypnotiques. Quel feeling! Et c'est comme ça sur tout l'album! Difficile dès lors de citer un titre en particulier tant tous regorgent de joyeusetés qui vous feront atteindre la plénitude. Orgasmes multiples à prévoir! Insistons tout de même sur le merveilleux "Ecstasy Waltz" dont le titre décrit à merveille ce que l'on y trouve. Un tremolo tournoyant (après la quatrième minute, c'est juste divin!), des arpèges désenchantés, des solos d'une beauté triste à tomber et un final distordu à la basse pour nous accompagner loin de ce monde. Sans oublier des lignes de chant incroyablement prenantes. Car vous savez ce qu'il y a encore mieux que les parties de guitares déjà grandioses? Le chant fantastique de Linus Johansson, proche de celui de Per Lengstedt de Portrait et donc de King Diamond. Assez particulier donc car souvent très aigu (miam ce "A Ruined World"!) et théâtral. Pour ma part j'adhère totalement car on sent le chanteur habité qui vit à fond ses paroles et réussit à véhiculer tout un tas d'émotions. Rarement ai-je entendu de chant aussi prenant sur un album de heavy metal! Une performance de premier choix à la technique parfaite et au feeling stupéfiant qui sublime encore un peu plus un album décidément exceptionnel. Et il sait tout faire le bonhomme! Sur le long break fabuleux de "Restless Blood", vers la huitième minute sur les quelques notes acoustiques, son timbre se fait plus doux et plaintif, faisant penser à du Shining, une comparaison finalement pas du tout anodine.
Inutile d'aller plus loin dans la plaidoirie. Le verdict est sans appel pour Trial, déclaré coupable. Coupable d'un talent insolent! Grosse, très grosse surprise que ce Vessel qui vient placer la barre très haut pour les autres groupes condamnés à l'exploit. Là où la plupart des combos de revival se limitent à reprendre des vieilles affaires avec plus ou moins de réussite, Trial réussit à transcender le genre grâce à un album à la fois très ancré dans le heavy metal eighties à la Mercyful Fate et qui va bien au-delà. On ne pourra donc pas accuser le groupe de plagiat éhonté. Objection rejetée! Oui, j'ose même parler de personnalité! En empruntant notamment tremolos et dissonances au metal extrême et certaines longueurs et constructions au progressif, les Suédois nous sortent là un deuxième album merveilleux plein de richesse et aux ambiances immersives, tout en gardant l'efficacité et le côté direct indispensable au pur heavy metal. Un travail collectif incroyable auquel tout le monde contribue, que ce soit les guitaristes au jeu varié et on ne peut plus inspiré, le chanteur fabuleux, le bassiste qui arrive à se faire entendre quand il faut malgré les guitares bavardes ou le batteur à l'aise qui, mine de rien, appuie toutes les parties avec intelligence et sobriété tout en se gardant un peu d'espace pour la forme. De quoi faire pâlir leurs grands frères pourtant très talentueux de Portrait avec lesquels le quintette partage beaucoup de points communs. Vessel fait ainsi sans problème la nique à Crossroads ou même à Crimen Laesae Majestatis Divinae. Autant dire qu'une place de choix dans le bilan 2015 est déjà réservée à un album qui se pose comme un de mes plus gros coups de cœur de ces dernières années. Trial ne se contente pas de riffs efficaces, de mélodies faciles et de refrains catchy. Son heavy metal à la fois beau, sombre, classieux, triste et lumineux invite à la rêverie, au voyage. Et vous auriez tort de ne pas prendre votre ticket!
| Keyser 8 Mars 2015 - 1389 lectures |
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