« Oui », c’est moi, Sakrifiss, qui m’occupe du nouvel album d’
IRON MAIDEN. Et « non » ce n’est pas une erreur de casting.
IRON MAIDEN et moi, c’est une histoire qui dure, avec des hauts et des bas, depuis les années 80. Et j’ai bien envie de vous raconter tout ça à l’occasion de la sortie du seizième album. Mon premier contact avec les Anglais n’a pas été musical. C’est avant tout visuellement qu’ils m’ont attiré grâce à l’une des meilleures séries télévisées françaises réalisées jusqu’à nos jours : Marie Pervenche !
Cette série que les plus jeunes n’ont pas la chance de connaître suivait les aventures de Marie Lorieux, une contractuelle qui n’a rien à envier à Columbo, Sherlock Holmes ou même Spirou ! Elle résout des énigmes en allant sur le terrain, en se frottant à de gros durs. Et les gros durs dans les années 80, ils avaient dans leurs chambres des posters d’
IRON MAIDEN, avec un Eddie à l’air très méchant, très visqueux, très evil ! J’ai à l’époque une dizaine d’années, je suis impressionné, je fais pipi trois fois dans ma culotte, mais je trouve un charme irrésistible à ces images nouvelles pour moi. Je les garde dans un coin de ma tête, et lors de vacances d’été à Juan-Les-Pins vers 1990 je fais un premier pas vers le metal en achetant sur le marché… un t-shirt d’
IRON MAIDEN, sans en connaître sa musique. Comme ça, parce que c’était cool. Le logo c’était celui-ci :
Le t-shirt est désormais en piteux état mais bien rangé dans mon armoire, aussi troué que mon premier de
MEGADETH… Et dans la foulée, on me prête enfin un album, celui qui vient alors de sortir :
Fear of the Dark. Grosse baffe, surtout devant le titre
« Fear of the Dark », puis « Be Quick or be Dead ». Alors vous imaginez la rudesse du choc lorsque j’ai découvert que les albums précédents étaient encore plus énormes… enfin,
No Prayer for the Dying (1990) mis à part car c’est bien leur pire, dépassé dans la panne d’inspiration uniquement par
Virtual XI (1998), quoique celui-ci ait des circonstances atténuantes... Les tubes de
MAIDEN c’est grâce à mon premier achat que je les ai enfin eus, c’était le
Live After Death, excellente compilation de leurs 5 premières années. Les frissons d’un bout à l’autre, l’émoi, l’étonnement, le plaisir, le bouton play sollicité encore et encore. Plein de réactions dans la tête. Avec « Hallowed Be Thy Name », c’est « Des titres qui commencent lentement et deviennent hyper chargés en émotion, ça existe ?!? ». Avec « Rime of the Ancient Mariner », c’est « Des titres qui dépassent les 13 minutes tout en semblant ne durer que 5, ça existe ?!? ». Avec « 2 Minutes to Midnight », c’est « Des titres qui font bouger tout mon corps sans que je lui demande, ça existe ?!? » et ça continue.
Mais alors que je jouissais de toutes ces découvertes, le malheur m’a rattrapé. J’ai appris que Bruce Dickinson avait en fait quitté le groupe. Je ne sais même plus comment je l’ai appris puisque ce n’était pas l’ère Internet et que je n’avais pas d’argent pour acheter la presse Metal, (j’avais tout juste de quoi acheter Player One et Joypad, c’est vous dire…), mais j’ai pensé comme tous les gamins égocentriques l’ont pensé un jour : « Aaaah, il suffit que je m’intéresse au groupe pour qu’il parte en sucette ! »… J’ai alors fait toutes les économies possibles des rares francs d’argent de poche que je recevais pour acheter tous les albums passés qui me manquaient. Et 1995 est arrivé, avec Blaze Bayley au micro. Et si j’ai déjà dit que
Virtual XI m’a déplu, je dois avouer avoir toujours dans mon cœur ce
X Factor.
IRON MAIDEN avait muté mais m’avait convaincu ! Son univers était devenu sombre, mais dans un autre sens que Fear of the Dark, avec des pointes de mélancolie que beaucoup semblent réfuter. Pourtant les morceaux collaient à sa voix, l’album était bon ! Et si le suivant a foiré c’est parce que ses compositions n’étaient plus pour Blaze, on ne sentait plus que le reste de la troupe (Harris en tête) prenait en compte ses compétences, mais voulait explorer d’autres voies. Cet échec n’était sûrement pas celui de Bayley. Mais il nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier si ce trébuchement était provisoire puisque LA nouvelle tombait : Bruce était de retour. Le véritable chanteur du groupe pour la grosse majorité des fans. Sans enterrer pour autant Paul Di’Anno qui fut idéal sur les deux premiers albums, mais qui n’aurait pas pu avoir le même charisme sur les compositions à partir de The Number of the Beast. Qui imagine Di’Anno aussi bon que son remplaçant sur « Children of the Damned » ou
« The Number of the Beast » ? Sans même parler de « Hallowed be Thy Name » !
Bruce était donc bel et bien de retour, et le groupe fêta son retour avec un concert mémorable en France, c’était le 9 septembre 1999, le 9-9-99.
MEGADETH faisait la première partie. J’y étais. Oui je crâne. Oui, je vous en fais quand même profiter :
Ah, c’était bien... Bon on se demandait ce que foutaient « Futureal » et « The Clansman » dans la set-list, mais l’ambiance était dingue... C’était mieux que lorsque j’étais allé les soutenir quelques mois plus tôt avec Blaze au micro. Il ne savait pas bouger le bougre. Particulièrement statique il avait laissé son charisme au vestiaire... Tout le contraire de ce concert de 99 à l’Omnisport de Bercy qui avait mis le feu. Et l’eau à la bouche. L’eau à la bouche d’un nouvel album, attendu au tournant. Il dépassa les attentes, pour la dernière fois dans la carrière des Anglais.
Brave New World était un délice. Il avait surtout eu le bon goût de nous faire retrouver le groupe culte qu’on espérait tout en montrant de nouvelles facettes. Le progressif avait pris une autre dimension et s’incorporait à merveille aux riffs plus classiques. Les hymnes s’enchainaient. Avec le recul je pense que avons finalement eu une réaction exagérée, heureux et exaltés des retrouvailles. Je garde encore une bonne relation avec cet opus, je sautille et vibre encore en écoutant « Ghost of the Navigator »,
« Brave New World » ou « Dreams of Mirrors » mais je lui préfère finalement
X Factor... Il y a aussi une raison totalement subjective à cela : le fait qu’il a été suivi par
Dance of Death,
A Matter of Life and Death et
The Final Frontier, trois opus qui ne faisaient que reproduire les mêmes schémas, les mêmes gimmicks.
Brave New World étant le début de cette spirale lassante, j’ai tendance à lui en vouloir un peu, inconsciemment sans doute.
5 ans ont passé depuis
The Final Frontier. Certains craignaient que ce serait le dernier, d’autant que Bruce avait ironisé sur l’âge de McBrain. Mais le batteur tient le coup, malgré ses 63 ans. Mieux peut-être que Bruce lui-même qui a été atteint d’un cancer de la langue... Comme quoi il aurait dû la tourner 7 fois dans sa bouche... Enfin rassurons-nous, il semble aller mieux, et la sortie de
The Book of Souls vient nous le prouver. J’ai lu d’ailleurs des critiques concernant sa performance vocale sur ce nouvel album, double, composé de 11 morceaux et totalisant une heure et demie. Sincèrement, ils sont durs. Oui, son timbre varie moins et il a perdu de la puissance mais ce n’est pas nouveau, et surtout il trouve encore les capacités de monter d’un cran sur un mot ou sur une syllabe, pour rendre un passage plus fort, plus tendu. Un exemple : le refrain de « Shadows of the Valley » :
« Ask them the questions, tell them no LIEEEES.»
Raaah, c’est du Dickinson ça ! Il peut nous faire le coup à chaque fois, on tombe dedans ! Efficacité jouissive !
Personnellement, ce n’est pas la voix du maître mais la musique qui m’inquiétait le plus avant d’écouter l’album. Cela faisait tellement d’albums que la formule était la même. Plus de 10 ans à brouter cette herbe piétinée 40 fois. Mais si, tout le monde le sait bien,
IRON MAIDEN tournait en rond. Oui, ils le font bien, mais on était un peu lassés.
Le titre de base de nos filous dans leur version XXIème siècle ? Voilà :
1. Une introduction instrumentale, sur laquelle la guitare ou la basse joue le rôle principal
2. Un couplet sans saveur répété deux fois.
3. Un faux refrain (un pont quoi) avec une mélodie entrainante.
4. Le véritable refrain avec une mélodie super entrainante
5. Retour d’un couplet.
6. Retour du refrain et pourquoi pas du pont.
7. En option des paroles qui se transforment en « La Lala » ou, variante « Wo Ho Ho Wo Wo ». C’est pratique surtout pour que le public sache quand c’est à son tour de pousser la chansonnette lors des concerts.
Franchement, le point 7... L’une des choses qui tuent le groupe. J’en ai vraiment ma claque de ces débilités en « la la la »... Encore on les avait acceptées sur « Heaven Can Wait » en 1986. Ça avait permis au groupe de faire monter toute une tribu de gamins sur scène pour le
Rising Hell, concert d’adieu de Bruce en 1993... Mais ce qui était une petite originalité pour un titre est devenu quasi-systématique... Lourdingue !
On en a encore cette fois-ci... J’aurais préféré ne pas les entendre sur « Shadows of the Valley » dont je parlais tout à l’heure. Heureusement qu’ils n’apparaissent que sur la fin. Ça limite les dégâts et ne m’empêche pas de considérer ce titre comme le meilleur. Par contre, sur le trop long « The Red and the Black »... Ils sont récurrents. Agaçants. On voit déjà nos troubadours mettre la main sur leurs oreilles en direction du public : « Bonsouar la France ! SCREAM FOR ME, PARIIIIIISSSSSS. Ho ho ho, Lalalala la. ». Ce morceau est bien frustrant, l’un des plus représentatifs des travers de porc de la formation, sauvé cependant par son long final instrumental, qui permettra à Dickinson de faire un break de 5 minutes en live, avant de revenir sur la dernière minute repousser les Ho Ho Ho. Ce titre, on le doit à Harris, à 100%. Comme par hasard... Je l’aime bien, Harris, mais je le préfère lorsqu’il compose en binôme... Comme pour « Shadows of the Valley ». Il y a travaillé avec Gers. Je ne remets pas en cause le fait que Harris soit un héros, l’âme originelle du groupe, celui que nous devons bénir pour nous avoir gratifiés de tant de compositions cultes, mais c’est simple, il est aussi victime de ses excès. Il ne se rend même plus compte qu’il en fait trop parfois... Par bonheur c’est cette fois-ci le seul et unique titre qu’il ait composé seul. Ouf.
Ce qui est par contre toujours aussi amusant, c’est de voir qu’il ne créé pas avec Bruce. Pas un seul titre n’est présenté comme une collaboration commune. Allez, pour information je mets les crédits :
“If Eternity Should Fail” : Dickinson
“Speed of Light” : Smith / Dickinson
“The Great Unknown” : Smith / Harris
“The Red and the Black” : Harris
“When the River Runs Deep” : Smith / Harris
“The Book of Souls” : Gers / Harris
“Death or Glory” : Smith / Dickinson
“Shadows of the Valley” : Gers / Harris
“Tears of a Clown” : Smith / Harris
“The Man of Sorrows” : Murray / Harris
“Empire of the Clouds » : Dickinson
Et pour ceux qui ont la flemme de compter, je fais les comptes :
Harris : 7
Smith : 5
Dickinson : 4
Gers : 2
Murray : 1
McBrain : Qui ?
Ce qu’il est aussi intéressant de remarquer c’est qu’à eux d’eux, Harris et Dickinson ont composé tous les morceaux, mais pas un seul ensemble. Remarquons aussi que Smith bosse plus avec Harris que Dickinson pour une fois. Dickinson compose soit seul, soit avec le guitariste qu’il avait réclamé en condition de son retour dans le groupe en 1999 (Smith pour ceux qui ne suivent plus). Et enfin Gers et Murray ne font copain copain qu’avec Harris.
Données intéressantes même si elles ne servent pas à grand chose. Pourtant chacun a bien ses petites manies, ses petites envies, ses petites préférences. Et ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’à trois reprises à l’écoute de cet album, je me suis dit : « Tiens, sur ce titre il y a un passage qui sonne plus tel groupe que
MAIDEN ! », et qu’à chaque fois c’était un morceau proposé par Dickinson ! C’est le cas sur « If Eternity Should Fail », sur « Speed of Light » et sur « Death or Glory ».
Attention je parle bien de « passages » parce que la base des morceaux sont bel et bien Maidenien. « If Eternity Should Fail » est l’un des meilleurs titres de l’album, avec des ambiances lorgnant vers le passé. Il ne joue pas trop le progressif, mais se concentre sur l’ambiance, je retrouve même une petite et légère aura des années 90. Mais allez savoir pourquoi sa dernière minute pose une voix démoniaque qui déclame et résonne comme celles qu’ajoutaient souvent
MANOWAR. « Speed of Light » commence et termine de façon très hard rock, avec des riffs qu’on aurait pu croiser chez
GUNS N’ROSES. Même Bruce vient nous pousser des cris Axl-esques sur le final ! C’est le morceau qui a été choisi comme single. Le clip est à droite. Comment dire...
IRON MAIDEN a le don de choisir des morceaux très moyens comme single, il nous refait le coup. Certes entraînant, il est tout de même bien poussif et hum hum, ringard... Moins que « Wildest Dreams » ou « El Dorado », c’est déjà ça ! Et enfin « Death or Glory »... Rien que le titre est un indice ! Non ?
RUNNING WILD, pardi ! Les Allemands avaient sorti un album au même nom en 1989. Et musicalement aussi on imagine bien Rock ‘n’ Rolf le jouer. Un titre fun. Fun. C’est le point commun des titres de Dickinson d’ailleurs. Ils sont fun... Il signe par contre aussi « Empire of the Clouds » et là, c’est un autre registre. C’est le morceau le plus long dans toute la carrière du groupe. 18 minutes. Il nous rappelle un peu cette autre tradition du groupe, qui n’a pas toujours été respectée, qui consiste à placer un titre plus long que les autres en dernier. « Alexander the Great » sur Somewhere in Time, « Rime of the Ancient Mariner » sur Powerslave, « When the Wild Wind Blows » sur The Final Frontier… C’est d’ailleurs avec celui-ci que se fera la comparaison ici. Il a une structure similaire, un début très lent et une montée en puissance progressive. Cette fois-ci l’introduction est faite au piano, puis Bruce arrive tranquillou et c’est enfin à la 7ème minute que le changement s’opère. Légers énervements et réapparition du piano. Malgré sa durée le morceau passe bien.
Si les morceaux de Dickinson sont fun, ceux de Harris sont généralement plus standards, mais toujours carrés, millimétrés. « The Great Unknown », « When the River Runs Deep », « The Books of Soul », « Shadows of the Valley », « Tears of a Clown » et « The Man of Sorrow » assurent le spectacle, comme d’habitude. Je l’ai déjà dit, mais c’est « Shadows of the Valley » qui m’a le plus impressionné. Je suis moins enthousiaste avec les autres. Je lève bien les oreilles par moment, interpellé par un refrain ou par un solo mais jamais, et vraiment jamais, je ne trouve d’extase. J’aime bien « Tears of a Clown » même s’il est décrié, peut-être parce qu’il s’agit d’un hommage à Robin Williams. J’aime bien « The Books of Souls » et ses riffs encore ingénieux. J’aime bien... J’aime bien tout. Mais justement, c’est insuffisant pour en faire un grand album. Ça reste du « j’aime bien ».
Mais que voulez-vous, c’est tout de même difficile de réclamer de la surprise d’un groupe qui nous accompagne depuis si longtemps et qui a atteint les sommets. Sa motivation semble encore intacte et ses efforts de création sont loin d’être dégueulasses, mais les frissons ne sont pas là. Le progressif pompeux et pédant qu’on craignait non plus, ce qui me fait placer
The Book of Souls plus haut que
The Final Frontier, auquel j’aurais accolé un 5.5. Verdict : 7. Et bien entendu
Brave New World reste le dernier album a m’avoir épaté.
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