35 ans de carrière, 15 albums studio, une influence majeure sur toute la scène metal. Iron Maiden est une putain d'institution. Et la Vierge de Fer n'est pas encore décidée à donner sa petite fleur. Preuve en est ce nouvel opus,
The Final Frontier, qui envoie Harris & Cie sur orbite, thématiquement du moins. Parce qu'encore une fois, l'album fait débat, à défaut d'augmenter le débit.
Comme beaucoup, j'ai moi aussi eu beaucoup de mal à accrocher au bestiau. Il faut dire que les Anglais ne nous ont pas facilité la tâche,
The Final Frontier se plaçant ni plus ni moins comme l'œuvre la plus longue de leur discographie avec 76 minutes au compteur soit plus de 7'30 par morceau! C'est qu'il faudrait presque poser une RTT pour pouvoir l'écouter en entier! Ces chiffres donnent le vertige et il n'y a besoin d'aller plus loin pour comprendre: Iron Maiden continue sur la voie progressive d'
A Matter Of Life And Death. Effectivement,
The Final Frontier s'avère très proche de son prédécesseur, trop même et apparaît d'abord comme une collection de chutes de studio. Les premières écoutes se révèlent ainsi décevantes, pas grand chose n'accroche l'oreille, les titres traînent en longueur. Riffs simplistes, rythmiques de tétraplégique, l'album manque de pêche, de dynamisme, d'énergie, de hargne. Bref, c'est mou et on se demande bien à quoi servent les trois guitaristes Murray/Smith/Gers qu'on a connus plus expansifs. Même la basse d'Harris se fait plus timide qu'à l'accoutumée malgré quelques incursions plaisantes. Pire, Bruce Dickinson montre de sérieux signes de fatigue. Peu de refrains accrocheurs et efficaces ou qui vous donnent des frissons, le pilote semble peu inspiré. Il se fait même carrément juste à plusieurs reprises comme sur le pré-chorus d'"El Dorado", le refrain de "Mother Of Mercy" ou "Starblind" à partir d'1'07. A chaque fois qu'il faut monter dans les aigus ou en puissance, Bruce montre ses limites. A l'instar d'un Rob Halford plus aussi fringant qu'à la grande époque, le frontman vieillit. Sans doute la raison pour laquelle beaucoup de passages sont chantés d'une voix douce. La plupart des morceaux débutent de la sorte d'ailleurs, avant de s'exciter légèrement avant le refrain. Une construction prévisible qui renforce la longueur et la monotonie d'un album qui ne semble jamais vouloir finir en tirant sa révérence sur "The Man Who Would Be King" et "When The Wild Wind Blows", deux très longues compositions épiques pas foncièrement mauvaises mais manquant de temps forts. De toute façon, les choses avaient mal commencé avec l'intro de "Satellite 15... The Final Frontier", assez originale pour du Maiden, lente et spatiale, plutôt plaisante même avec cette mélodie légère, mais bien trop longue. Un morceau assez moyen enchaîné par un "El Dorado" pas non plus très convaincant.
Voilà mon ressenti après deux-trois écoutes. Les défauts se retrouvent exacerbés et éclipsent tout ce qu'il y a de bon. Parce qu'au bout du compte, il n'est pas si mal ce
The Final Frontier. Il faut simplement comprendre que le Maiden rapide et efficace n'existe plus depuis belle lurette. Si on reste coincé sur cette vision des choses, autant écouter
Iron Maiden et
Killers en boucle, ou Enforcer. Le sextuor fait désormais la part belle aux ambiances et c'est plus à un voyage auquel il nous convie, qu'à une séance d'headbanging frénétique.
The Final Frontier s'apprécie ainsi sur la durée et on finit par vraiment s'imprégner de l'atmosphère dégagée une fois les aprioris envolés. C'est un sentiment de grande solitude qui anime les personnages des paroles de Dickinson (toujours à la hauteur dans ce domaine), partis pour de longs voyages, notamment intersidéraux comme l'indique la sympathique pochette et les quelques samples d'ambiance. Et puis, s'il y a effectivement des titres moyens, les Anglais fournissent assez de corps solides pour qu'on laisse dériver dans l'espace les quelques déchets en préférant se concentrer sur ce qui vaut le coup. Et là, notre attention se portera vite sur l'enchaînement des titres trois à huit, ces six morceaux étant le cœur de
The Final Frontier. Avec un sublime "Isle Of Avalon" en ligne de mire, LA star de l'opus. Cette intro à l'ancienne à vous coller des frissons, ce chant calme captivant, cette montée en puissance, ça c'est du grand Maiden!
Et si l'album reste proche d'
A Matter Of Life And Death, on note avec plaisir une touche old-school plus prononcée par le biais de quelques galopades entraînantes en particulier même si elles ne sont pas aussi rapides qu'à l'époque ("El Dorado", "Mother Of Mercy", "The Talisman"). Le cheval est fatigué mais n'est pas encore mort! Au milieu de toutes ces compositions à rallonge se démarque ainsi l'excellent "The Alchemist" (4'29 seulement!), le plus dynamique et accrocheur des dix titres. On pourrait aussi croire que Maiden s'est montré avare en mélodies, les Britanniques préférant souvent les riffs hard rock simplistes aux motifs plus colorés. Heureusement, le groupe se rattrape bien avec tout un tas de très bons solos. Mes préférences vont à "Coming Home" (3'35, touches limite bluesies), "Isle Of Avalon" (4'37, long et aérien) et "The Alchemist" (3'07, classique comme on les aime) mais tous ou presque sont dignes d'être mentionnés.
Loin d'être parfait ou même de faire partie des perles de la longue discographie d'Iron Maiden,
The Final Frontier n'en demeure pas moins un album très plaisant mais qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Plus que jamais dans son délire progressif, la bande de Steve Harris enchaîne les longs titres épiques, autant de voyages vers l'inconnu contés par un Bruce Dickinson en manque de souffle mais qui sait toujours véhiculer des émotions. Tout ça ne vaut pas un "Rime Of The Ancient Mariner", un "Alexander The Great" ou même un "Sign Of The Cross" (oui oui, de
The X Factor!) mais je connais beaucoup de groupes qui auraient voulu composer de tels morceaux. Et les Britanniques compensent le manque de dynamisme et de mélodies entraînantes par une ambiance prenante, des solos appliqués et inspirés et un petit feeling old-school discret mais bien présent, seuls éléments qui différencient
The Final Frontier d'
A Matter Of Life And Death, œuvres au demeurant similaires, rien que par la production cristalline de Kevin Shirley. Si ce nouvel album ne nous enverra pas sur la Lune, Maiden continue quand même de produire des sorties intéressantes et a encore des choses à dire. De quoi espérer que les Anglais ne l'ont pas encore franchie, cette ultime frontière!
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