Une atmosphère de fin de règne. L'ombre d'un doute, soudain, qui plane au dessus du groupe heavy metal phare des années 80, quasi-intouchable de son premier self-titled
("Iron Maiden", 1980) au monumental
"Seventh Son Of A Seventh Son" (1988), à l'exception notable d'un
"Piece Of Mind" par trop surestimé à mon sens (quelqu'un pour oser défendre des purges du calibre de "Quest For Fire", "Sun And Steel" et "To Tame A Land"? Personne? Merci). Il faut dire que la vierge de fer a fait pire par la suite en sortant un "No Prayer For The Dying" (1990) cristallisant toutes les critiques. Départ du génial Adrian Smith pour ASAP (Adrian Smith Solo Project) remplacé par un transfuge du Bruce Dickinson's band, le plus fantasque et rock n' roll Janick Gers, inspiration en berne -
une pensée pour ceux qui attendaient du "Infinite Dreams" et qui se sont retrouvés avec "Tailgunner" et "Holy Smoke" - et mise en sourdine du caractère mélodique et aérien des compositions, Bruce Bruce qui aboie plus qu'il ne chante, il y a largement de quoi monter un dossier à charge! Heureusement, depuis la sortie du misérable
"Dance Of Death", l'opération réhabilitation de "No Prayer For The Dying" lancée par mes confrères Keyser et Niktareum sur le forum ne relève plus de l'utopie. Car mieux vaut s'envoyer un bon vieux "Public Enema Number One" que de s'infliger les insupportables "Wildest Dreams" et "No More Lies"!
Mais mieux vaut encore dépoussiérer un "Fear Of The Dark" que je me souviens avoir très tôt laissé sur le bas côté, déçu du manque de tenue de compositions peinant à se hisser au niveau du morceau titre ou d'un opening track renouant avec l'aspect direct et catchy d'un "Aces High". Car avouez qu'armés d'une petite merveille du calibre d'un « Be Quick Or Be Dead » tirant plus vite que son ombre (trois minutes dans le barrillet), IRON MAIDEN sait servir le plomb comme rarement il le fera par la suite. Un des titres les plus agressifs du combo Anglais, un classique imparable qui en appelle d'autres comme l'inévitable attrape fan « Fear Of The Dark » qui séduit illico avec son refrain fédérateur et ses motifs mélodiques mémorables, talonné de très près par la splendide « Afraid To Shoot Strangers » : une ligne de basse Harrisienne en diable en forme de marée montante, les vagues de guitares tumultueuses qui s'en suivent surfant sur une mer rythmique démontée que tente de maîtriser le barreur McBrain, avant que l'on ne chavire définitivement le temps d'un refrain en forme de boulet de canon … pour un peu, on lancerait l'abordage sous la bannière MAIDEN comme au bon vieux temps, le couteau entre les dents, sans se soucier de la jambe de bois héritée de « No Prayer For The Dying » et des fourberies rock n' roll fomentées par le capitaine Dickinson.
Car le cœur de l'album, si l'on écarte ces trois standards inattaquables qui confèrent quoiqu'il advienne à « Fear Of The Dark » son statut d'indispensable, est ailleurs et si l'on oublie un temps l'incartade hard rock de foire « From Here To Eternity », Bruce Dickinson pirate le coffre aux trésors mélodiques des chef d'œuvres passés pour y stocker de la breloque
classic hard rock pour clientèle avinée d'auberge de passage. Passe encore la légèreté de « Judas Be My Guide » et son refrain plus chanté qu'aboyé (une aubaine compte tenu des délires fréquents d'un Dickinson en lâché sur la plupart des titres) mais que penser de la balourde « Chains Of Misery » ? A peine digne du Best Of B-Sides du groupe, quand une large fournée de titres joue étrangement la carte d'un heavy rock sombre et lancinant (« Fear Is The Key », « Childhood's End ») assez rébarbatif de prime abord. Sans doute la volonté d'un chanteur en rupture de clichés et désireux d'explorer de nouveaux horizons –
ce sera chose faîte après un « Live At Donington » qui verra le départ de Bruce – après un premier effort solo en tous points remarquable (« Tattooed Millionaire »). Le temps faisant son œuvre et IRON MAIDEN n'ayant jamais vraiment fait mieux par la suite hormis sur l'impeccable
reunion album « Brave New World », les défauts dans la cuirasse de « Fear Of The Dark » finissent par devenir attachants et font même une bonne partie de son charme, l'ambiance de ce 9ème full length restant assez unique dans le riche répertoire de la vierge de fer.
On peut y voir un prolongement de « No Prayer For The Dying » sur les plans thématiques (« The Fugitive » est le digne rejeton de « The Assassin » ou « Run Silent, Run Deep ») ou stylistiques (la basique mais jouissive « Bring Your Daughter To The Slaughter » a fait des petits), certains titres ne payant pas de mine abritant quelques richesses insoupçonnées à l'image des superbes paroles de « Wasting Love » ou du pont mélodique entraînant de « The Apparition », la formidable « Weekend Warrior » emportant le bout de gras avec son feeling repos du guerrier entre deux campagnes sanglantes franchement inédit. Quoiqu'auréolé de succès à l'époque de sa sortie, « Fear Of The Dark » aurait tout de même gagné à resserrer son tracklisting pour gagner en efficacité. On regrettera également des solis assez peu inspirés dans l'ensemble (exception faîte de ceux de « Be Quick Or Be Dead ») pour ce skeud charnière dans la carrière du groupe, l'arrivée de Blaze Bailey achevant de précipiter le vaisseau IRON MAIDEN dans le creux de la vague des nineties.
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