Deaf Dealer - Journey Into Fear
Chronique
Deaf Dealer Journey Into Fear
Si l'année de sortie indique 2014, Journey Into Fear ne date pas d'hier. Car ce deuxième album des Québécois de Deaf Dealer, rassemblés dès 1980 sous le nom de Death Dealer (et reformés depuis 2009 sous cette même appellation), aurait dû voir le jour en... 1987! Tout se passait pourtant bien pour le quintette de Jonquière à l'époque. Un chalet au milieu de nulle part pour composer, du temps pour enregistrer aux Metal Works Studios à Toronto avec le producteur Dan Johnson (Savatage, Agent Steel, Crimson Glory) assisté de Jim Morris, une partie du mix terminée aux Morrisound Studios à Tampa en Floride par les soins de ce dernier... Mais pendant cette longue période, le ciel s'est assombrit pour le groupe, miné notamment par des tensions avec la direction de Polygram Records, le label sur lequel l'opus était censé sortir, qui finira par lâcher la formation. Les master tapes de Journey Into Fear resteront donc coincées en Floride, sans possibilité de voir le jour. Il ne faudra ensuite pas longtemps avant que les musiciens, découragés et usés par cet échec et tout un tas de problèmes notamment financiers, mettent un terme à l'aventure Deaf Dealer.
Et voilà que, 27 ans plus tard, Journey Into Fear débarque enfin. Et ce grâce à Cult Metal Classics Records, spécialisé dans l'exhumation de vieux groupes de heavy/power/speed oubliés, qui a pu se procurer les enregistrements d'origine auprès du bassiste Jean-Pierre Fortin (aka J.P. Forsyth pour faire l'Américain) qui les avait lui-même récupérées en 1998 directement auprès du studio américain. Le label grec s'était déjà occupé de Death Dealer, la première incarnation de Deaf Dealer, pour une compilation de démos en 2008. Là, c'est tout un album inédit qui se retrouve dépoussiéré avec une nouvelle pochette et un livret complet nous contant l'histoire rocambolesque de ce Journey Into Fear qui se voit enfin offrir une seconde chance.
Le titre "East End Terror" dévoilé en avant-première m'avait mis l'eau à la bouche avec ces riffs énormes, cette rythmique power/speed endiablée, ce chant puissant et majestueux et ces lignes de basse splendides. Je crevais alors d'impatience d'écouter l'opus en entier pour voir si Deaf Dealer pouvait garder un tel niveau tout du long. Il n'a pas fallu trente-six écoutes pour comprendre que les Canadiens y arrivent sans problème. Il n'en a pas fallu beaucoup non plus pour me rendre compte que ce Journey Into Fear se posait comme l'un des meilleurs albums de heavy metal jamais sortis. Un pur chef d'œuvre comme il en existe peu et que j'écoute en boucle depuis sa réception il y a trois mois. Deaf Dealer pratique en effet un heavy metal de grande classe très inspiré d'Iron Maiden, l'influence principale, que ce soit dans le chant incroyable de Michel Lalonde (aka Michael Flynn) qui rappelle souvent Bruce Dickinson (flagrant entre autres sur le speedé "To Hell And Back"), les guitares mélodiques, épiques et sautillantes de la paire Yves Pedneault (aka Ian Penn)/Marc Brassard (aka Marc Hayward) ou la basse omniprésente de Jean-Pierre Fortin (autour de laquelle les autres musiciens composent ensuite) qui se dandine magistralement entre les guitares comme un certain Steve Harris. Mais un Iron Maiden plus rapide et puissant, le heavy metal du combo prenant fréquemment des accents power US. Le riff à 1'29 sur le dernier morceau "Journey Into Fear" après la longue introduction menaçante, c'est du pur Omen période Battle Cry! Et dans l'ensemble, je trouve que ce deuxième full-length des Québécois dégage les mêmes ondes que l'excellent Sultan's Ransom de Cloven Hoof, le chant de Michel Lalonde penchant aussi vers Russ North. Ce troisième opus des Anglais est certes sorti plus tard en 1989 mais si la comparaison peut aider à vous faire une idée et donner envie de voyager au pays de la peur, je n'hésite pas à la faire.
Huit pistes pour 36 minutes d'orgie auditive. Journey Into Fear est de ces albums qui ne souffrent d'aucun temps mort, aucun passage inférieur, aucun morceau un peu moins bien que les autres. Tous les titres s'avèrent des tueries magistrales composées par un groupe au sommet de son art. Une composition intelligente aux rythmiques variées allant du mid-tempo headbangant au power/speed enlevé (rha ces "Mind Games" et "East End Terror!) le plus souvent, et aux parties de grattes fantastiques. Car évidemment, comme dans tout bon album de heavy, ce sont avant tout les guitares qui tiennent la baraque. Et là je peux vous dire qu'il y a du niveau, entre les riffs énormes qui s'enchaînent parfaitement et les solos mélodiques incroyables de feeling et de fluidité. Pour vous rendre bien compte, écoutez l'instrumental génial "Escape From The Witch Mountain", véritable démonstration comme peu de groupes en sont capables même aujourd'hui. Eh bien c'est comme ça sur tout l'album! Et entre les guitares, vous avez aussi cette basse agile et frétillante du sieur Fortin qui foutrait presque la honte à Steve Harris (rha ce solo sur "To Hell And Back")! L'un des multiples points forts de ce Journey Into Fear dont on ne se lasse pas de se délecter. Un intérêt qui ne fait que croître au fil des écoutes. Vous ne pourrez alors plus vous en passer. Ce grâce aussi au chant merveilleux de Michel Lalonde. Des vocaux assez aigus et très prenants entre Bruce Dickinson et Russ North qui savent véhiculer des émotions (on pense entre autres aux tristounets "Blood And Sand" et sa jolie mélodie d'intro ainsi qu'à "Tribute To A Madman" et son riff mid-tempo dantesque). N'attendez toutefois pas forcément des refrains faciles ultra catchy par contre, ce n'est pas tout à fait le genre du groupe, quoique celui du génialissime titre d'ouverture "Back To God's Country" qui donne envie de lever le poing serré s'avère des plus mémorables. Celui de "To Hell And Back" se défend aussi.
Parmi ces éloges dithyrambiques mérités, il n'y a pas beaucoup de place pour les critiques négatives. Mais vous me connaissez, je trouve toujours quelque chose! J'appelle à barre la batterie. Si Journey Into Fear a un défaut, c'est bien, non pas le jeu exemplaire de Daniel Grégoire (aka Dan McGregor), mais le son de son instrument. Du moins sa caisse claire et les toms. Beaucoup trop synthétiques, surtout pour l'époque. Ça ne gâche bien sûr pas l'écoute vu la qualité de la musique mais sur certains passages (les roulements de caisse claire sur "To Hell And Back" entre autres), on grince un peu des dents. Deuxième et dernier reproche, la nouvelle pochette. Très clichée et trop photoshoppée, voilà une belle faute de goût. Celle d'origine n'était pas extraordinaire non plus mais il y avait au moins du nichon et un méchant dragon! On a du coup l'impression d'avoir affaire à un énième album de heavy/power lambda sans importance...
... alors que les Québécois de Deaf Dealer, même s'ils restent un combo underground de spécialistes, et leur Journey Into Fear sont tout sauf lambda. Il est d'ailleurs assez incompréhensible que cet opus soit resté si longtemps coincé dans les limbes, sans qu'aucun label n'ait songé à l'en sortir. Mais mieux vaut tard que jamais comme on dit. Un grand merci à Cult Metal Classics pour avoir déterré ce chef-d'œuvre que je ne connaissais pas du tout et qui me comble de bonheur depuis sa découverte. Une merveille de heavy metal racé à la Iron Maiden aux élans power US blindée de riffs jouissifs, de mélodies mémorables, de solos endiablés, de chant prenant, de lignes de basse frétillantes et de rythmiques speed entraînantes qui tutoie la perfection (foutu son de caisse claire plastique par contre!). Rarement ai-je entendu œuvre aussi magistrale. Il va sans dire que ce Journey Into Fear fait déjà partie des mes albums heavy metal préférés et qu'il se place tout en haut du top heavy 2014. Comme quoi, malgré la ribambelle de nouveaux groupes dont certains s'avèrent très talentueux, c'est encore dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe.
| Keyser 4 Janvier 2015 - 1623 lectures |
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