Black Sabbath - Mob Rules
Chronique
Black Sabbath Mob Rules
En avril mille neuf cent quatre vingt, Black Sabbath nous présentait son nouveau chanteur, l’excellentissime Ronnie James Dio par le biais du non moins excellent album Heaven And Hell, qui remit sur les bons rails le groupe de Birmingham, après une fin des années soixante dix quelque peu houleuse. Malheureusement, l’éviction d'Ozzy Osbourne marqua aussi le début d’une très grande instabilité de la formation, qui perdurera jusqu’aux années quatre vingt dix avec la réunion du line up originel. Ainsi, c’est le batteur Bill Ward qui quittera momentanément le navire peu de temps après la sortie de Heaven And Hell, et sombrera complètement au point de quasiment devenir un sans domicile fixe. Il sera alors remplacé par Vinnie Appice dès le moi d’août mille neuf cent quatre vingt. Ce dernier avait jusqu’alors joué avec Rick Derringer et Axis. Ainsi, avec un nouveau membre, le groupe s’enferma aux fameux studios Record Plant de Los Angeles sous la houlette de Martin Birch afin de donner naissance à ce Mob Rules, qui sortit en octobre mille neuf cent quatre vingt un.
Avec cet album, Tony Iommi, Geezer Butler, Ronnie James Dio et Vinnie Appice s’inscrivent dans la lignée de Heaven and Hell, proposant un heavy metal on ne peut plus classique, en même temps, quoi de plus surprenant de la part des géniteurs du style, mais avec des temps à autres un retour vers quelque chose de plus doom metal, je pense notamment à The Sign of the Southern Cross et Over and Over. Cela étant dit, le quatuor a quelque peu délaissé ses élans hard rock présents sur le précédent opus, à part peut être sur Slipping Away ou bien encore les consonances un peu bluesy du magnifique Over And Over. Le groupe se trouve ici pleinement ancré dans la mouvance heavy metal du début des années quatre vingt, montrant bien aux jeunes pouces, dont certaines vont devenir très grandes, de quel bois les dinosaures savaient encore se chauffer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le quatuor avait encore des choses à dire et à démontrer en cette année mille neuf cent quatre vingt un. Surtout le contenu de cet album est très approprié à la tessiture vocale de leur génialissime chanteur, Ronnie James Dio et même bien plus homogène que sur son prédécesseur, l’intensité ne descendant rarement.
Il y a évidemment toutes les qualités attendues de la part de Black Sabbath. Elle sont certes connues, mais parfois il est bon tout de même de rappeler certaines évidences. En premier lieu, le riffing de maître Iommi y est toujours aussi excellent et imparable, c’est bien simple, il n’y a rien ici qui soit de mauvaise qualité, avec toujours cette pesanteur et ce côté parfois inquiétant qui ressort de ses riffs, comme c’est notamment le cas sur Falling Off the Edge of the World, quand ce n’est pas menaçant comme sur l’instrumental E5150. Bref, le talent de l’Anglais en la matière n’est plus à démontrer, car même avec quatre notes, il arrive à assommer son monde, en gardant surtout une inspiration, qui n’est jamais en défaut sur cet opus. Il en va de même pour ses soli, domaine où il a souvent été un peu dénigré, mais sur cet album, il est aussi en verve, avec de magnifiques soli, mais également quelques harmonisations bienvenues. S’ajoutent à cela un emploi efficient et intelligent des acoustiques, comme sur cette magistrale introduction de The Sign of the Southern Cross. Dans tous les cas, il fait toujours autant rêver et ça reste un plaisir à l'écouter.
Comme toujours, il est admirablement secondé par son acolyte bassiste, le très talentueux Geezer Butler. Ne se contentant pas seulement de suivre Iommi, il propose très souvent de très bonnes lignes de basse, apportant un groove unique à l’ensemble, et enrichissant de surcroit chaque titre, à l’instar de ce duel de solo sur Slipping Away entre lui et Iommi. Mais ça ne s’arrête pas là, et c’est en cela qu’il fera toujours partie des tous meilleurs bassistes du genre, c’est qu’il a toujours des lignes de basse qui se démarquent de l’ensemble, qui ne sont pas uniquement là pour suivre la guitare, mais bien pour aller de son côté et compléter l’ensemble de belle manière. C’est toujours aussi bon et instructif de l’écouter. Vinnie Appice ne démérite nullement sur ce disque, faisant presque oublier son prédécesseur, avec un jeu fait de patterns puissants et intelligents, notamment dans son utilisation des toms. Il apporte effectivement une grande puissance à tout ceci, là où l’on aurait pu être réticent quand à un éventuel successeur à Bill Ward. Dans tous les cas, la cellule rythmique est imparable, avec ses sonorités analogiques qui donnent à l’ensemble un côté vivant. Et autant dire qu’en la matière, l’expérimenté producteur Martin Birch y excelle plus que jamais, apportant remarquablement à cet opus sa science des manettes.
Ce qui frappe avant tout sur cet album, c’est la qualité d’écriture dont s’est fendu le quatuor. Si certains titres tels que les très bons Turn Up The Night, Voodoo, The Mob Rules ou bien encore Country Girl demeurent dans un registre convenu, ils n’en perdent nullement de leur efficacité et cela reste du heavy metal de haute volée, enjôleur et incandescent, comme on l’aime, et peut être plus incisif que ce que le groupe pouvait proposer avec Ozzy. L’on notera que même sur des titres de cet acabit, l’on retrouve tout de même des arrangements parfaits pour le chant de Dio, comme sur Country Girl. Mais ce sont surtout des titres plus épiques et audacieux comme The Sign of the Southern Cross et Falling Off the Edge of the World qui se démarquent nettement de l’ensemble. En effet, ces deux titres qui démarrent assez doucement, prennent rapidement de l’ampleur et de l’intensité, notamment le premier des deux, qui est à mon sens l’une des meilleures compositions du groupe, toute période confondue. Et que dire lorsque le groupe ralentit le tempo comme sur le final Over and Over: il montrait ici, une fois encore, la voie à suivre pour de nombreuses formations par la suite, que ce soit au Texas ou du côté de Stockholm. Car si tout le doom metal traditionnel doit énormément au Black Sabbath avec Ozzy, l’epic doom metal ne serait sans doute pas le même sans les deux albums avec Ronnie James Dio. En apportant notamment un côté bien plus lyrique et mélodique à tout ceci, et, surtout, une émotion non feinte, ce qu’est justement ce titre Over and Over, un final un peu plus mélancolique pour un album qui alterne entre moments un peu plus menaçants et d’autres bien plus puissants.
Bien entendu, ces titres ne seraient rien s'ils n’étaient pas magnifiés par l’interprétation magistrale et parfaite de Ronnie James Dio, l’une, si ce n’est la plus belle voix du metal. Possédant un panel vocal assez large, ce dernier sait parfaitement nuancer son chant en fonction des atmosphères, entre instants d’une rare douceur et d’autres plus rageurs et intenses. Il est surtout capable de transmettre une certaine émotion dans ses lignes de chant, comme c’est notamment le cas sur l’introduction de Falling Off the Edge of the World ou sur Over and Over. Bref, sa prestation parachève l’excellente qualité de cet opus, dont on ne se lassera jamais d’écouter. Et l’on notera surtout que Tony Iommi et Geezer Butler ont su s’adapter à la tessiture de chant de Dio et ne pas essayer de forcer à refaire ce qu’ils faisaient avec Ozzy. L’on sent bien que c’est bel et bien Black Sabbath derrière tout ceci, mais l’on voit aussi l’évolution du groupe vers quelque chose de plus metal dans l’esprit, bien ancré dans le début des années quatre vingt, et une ligne directrice que Iommi poursuivra par la suite avec les différents chanteurs du groupe, je pense notamment à la période avec Tony Martin.
Que dire de plus au sujet de ce Mob Rules si ce n’est que c’est un excellent album, bien plus homogène que son prédécesseur et tout aussi passionnant. C’est peut être l’un des disques les plus sous estimés de la carrière de Black Sabbath, au même titre que l’injustement boudé Dehumanizer. Certes, l’effet de surprise devait être moindre après Heaven And Hell, mais il demeure tout de même quarante minutes d’un heavy metal, classique dans la forme, mais particulièrement bien interprété et une nouvelle fois assez séminal par certains aspects. A ce titre, ce disque mérite amplement le détour et devrait ravir tout fan de heavy metal à la recherche d’un très bon album, racé et suffisamment diversifié pour tenir en haleine durant ses quarante minutes. En tout cas, ce n’est pas mal pour un dixième album d’avoir autant d’inspiration et de choses à dire, surtout quand on replace dans le contexte et de la concurrence qui commençait à faire de l’ombre aux Grands Anciens. Malheureusement, l’état de grâce que laissait apparaître cet album ne fut qu’éphémère, Dio et Vinnie Appice quittant le navire une année plus tard pour donner naissance à un autre classique du heavy metal avec Dio, le groupe. Black Sabbath continua sa route, de manière chaotique, et il faudra attendre l’année mille neuf cent quatre vingt douze pour que ce line up soit de nouveau réuni.
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