Si
Black Sabbath a été le disque de la révélation,
Paranoid publié seulement six mois plus tard, est celui de la consécration. Plus cohérent, plus complet, plus personnel également, l'opus à la mystérieuse pochette doit une fois de plus une partie de son succès à l’intervention du producteur
Roger Bain et du manager
Jim Simpson. A la fin de la session d’enregistrement, constatant qu’il manque un morceau pour compléter une face du disque, Roger Bain demande aux brummies d’ajouter une chanson “de remplissage”. Tony Iommi, en se basant sur la ligne de basse de “Planet Caravan”, improvise une idée de riff sur laquelle Ozzy Osbourne pose une ébauche mélodique. Geezer Butler écrit le texte dans l’urgence avant de finaliser la section rythmique avec Bill Ward. Le morceau le plus célèbre et le plus emblématique de BLACK SABBATH a été créé en moins de trente minutes. A l’écoute de ce morceau, Jim Simpson et Vertigo sentent que leurs poulains ont accouché d’un single de haute tenue et décident de lui accorder une place de choix en ajustant le titre de l’album, initialement baptisé
War Pigs. La décision ayant été prise à la dernière minute, l’illustration de l’opus n’a pu être modifiée et c’est donc ce ridicule guerrier rose (le fameux cochon de guerre) qui incarne bien maladroitement l’album
Paranoid. Il existe toutefois une seconde explication sur le changement de titre de l’opus : le label craignait que le titre violemment antimilitariste ne grève les chances de succès du disque aux Etats-Unis et choisit donc un titre moins provocateur.
Le disque sonne plus Hard que Heavy : un riffing de guitare plus agressif et dépouillé que sur
Black Sabbath, le gang ayant choisi de limiter le recours aux pédales d’effet, une sonorité plus profonde grâce à l’ajout d’un peu d’overdub. Mais ce qui caractérise cet album et annonce le son de BLACK SABBATH durant la décennie 1970, c’est l’autonomie de la section rythmique par rapport à la guitare lead. Les compos partent du riff de Tony Iommi sur lequel les trois autres compères viennent poser leur partie, avec une certaine liberté d’interprétation : la basse ne double pas la guitare, la batterie vit sa vie de son côté et les constructions d’apparence assez simple gagnent à être réécoutées pour découvrir les couches successives. C’est particulièrement marquant sur les compos les plus étoffés comme “War Pigs”. Ce morceau qui ouvre la tracklist représente (bien plus que “Paranoid”), l’archétype de la compo sabbathienne. L’intro lancinante, l’accélération progressive du tempo, les riff agressifs, le joli petit instru faisant pont, le changement de thème sur la fin de la chanson sont évidents, mais si vous vous concentrez sur la basse, vous constatez que Geezer Butler vit sa vie, tissant une partition personnelle sans réel rapport avec le lead.
Charge violente contre la guerre et les généraux organisant la boucherie depuis leurs antichambres, comparés aux assemblées de sorcières lors des messes noires. la chanson s’appelait initialement “Walpurgis”, mais le groupe cherchant à atténuer l’image satanique donnée par la croix inversée de la pochette de
Black Sabbath opte finalement pour “War Pigs”. En effet, suite à la sortie de leur premier disque, Alex Sanders, le “Roi des sorciers” et successeurs de Gerald Gardner à la tête de la Wicca, la principale religion néo-paganiste en Angleterre assiste à plusieurs de leurs concerts et tente de convertir le quatuor à sa cause. C’est ensuite une secte occulte qui invite le Sab à se produire à Stonehenge durant la nuit de Walpurgis. Craignant un envoûtement, les quatre amis se font confectionner des croix en aluminium qu’ils arborent systématiquement sur scène (le manager Patrick Meehan les fait par la suite remplacer par des croix en or).
Faisant suite à cette ouverture magistrale, “Paranoid” est un déferlement de brutalité de moins de trois minute porté par un riff magistral et entêtant, cette fois-ci doublé par la rythmique et un chant rehaussé d’un léger écho. Selon Butler, les paroles traitent de l’état dans lequel se trouve un drogué après avoir fumé un joint, lorsque l’humeur oscille entre paranoïa et dépression. Dans ses mémoires (
I am Ozzy), Ozzy Osbourne confesse qu’il ne savait pas ce que signifie “Paranoid” lorsqu’il a interprété la chanson pour la première fois.
Après ce déferlement de violence, “Planet Caravan” est une piste contemplative destinée à reposer la monture. Riffs posés (inspirés de Django Reinhardt), percussions douces, effets aquatiques renforcés par le chant éthéré enregistré dans une cabine Leslie. Le Sab a beaucoup hésité avant d’intégrer cette chanson à l’album, craignant que le public ne se retrouve pas dans une certaine forme de rondeur et de sérénité.
Répondant à une finalité similaire, “Rat Salad” et un instrumental accompagnant un solo de batterie tout en souplesse de Bill Ward. En concert, ce titre permettait de combler une tracklist encore un peu pauvre. Lors de certaines soirées, le morceau peut s’étendre sur près de quarante cinq minutes.
“On ressent, à l’écoute de cet intermède sans prétention, bien plus succinct sur disque qu’en live, toute la subtilité, le feeling, les affinités Jazz et le sens de la percussion de Bill Ward” (Nicolas Merrien)
Autres pièce iconiques de BLACK SABBATH, “Iron Man” (et son chant d’introduction vocodérisé) et “Fairies Wear Boots” viennent compléter cette généreuse galette. Ces deux morceaux offrent chacun leurs lots de bons moments mais je les trouve moins emblématiques et riches que le trio d’ouverture.
On notera l’audace dont fait preuve le groupe en employant des techniques de travail du son (sur “Iron Man” et “Planet Caravan”) ou en alternant les morceaux agressifs avec des pistes plus calmes, pour ménager l’auditoire, jouer sur les contrastes et renforcer l’effet de blast des morceaux les plus agressifs. Audace, liberté, inventivité, tels sont les trois maîtres mots de ce disque et des sept albums que produira BLACK SABBATH dans sa configuration initiale, entre 1970 et 1979. Sous l'impulsion créatrice de Tony Iommi, le quatuor a osé beaucoup de choses, sans jamais se répéter ni sombrer dans la complaisance (on ne peut malheureusement pas en dire autant des albums composés par la suite).
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