Lorsqu’on parcourt la discographie de
BLACK SABBATH, il est bien rare qu’on accorde beaucoup d’attention à
The Eternal Idol, sinon pour se gausser de son artwork prétentieux réinterprétant un bronze de Rodin. Le treizième album studio de BLACK SABBATH marque le début de la période la plus sombre du gang et s’il contient quelques perles, dont la chanson titre “Eternal Idol” est à n’en pas douter la plus remarquable, il est plombé par une production très datée et les claviers envahissants de Geoff Nichols. Mais ce qui tire ce disque moins mauvais qu’on pourrait le penser vers les abysses du Metal, c’est surtout que son géniteur Tony Iommi n’assume pas la période de sa carrière où il a partagé la scène avec Tony Martin. Le chanteur britannique arrivé sur The Eternal Idol a beau être le vocaliste le plus assidu du Sabbat Noir après Ozzy Osbourne, il n’a ni les épaules, ni la personnalité, ni le caractère pour endosser le costume, et ses évidentes qualités vocales n’ont pas suffi à le faire adouber par les fans.
Après l’éviction de Ozzy Osbourne en 1980, BLACK SABBATH a connu un regain de popularité en recrutant
Ronnie James Dio. L'américain a apporté aux compos du Sab la touche de grandiloquence et de noirceur qu’attendait le public et que le précédent line-up semblait incapable de produire. Dio accompagne Tony Iommi et Geezer Buttler sur deux albums phare,
Heaven and Hell et
Mob Rules avant de claquer la porte pendant le mixage de l’album
Live Evil pour des raisons qui n’ont jamais été vraiment éclaircies mais où l’égo et la coke ont probablement beaucoup à voir. Le gang recrute ensuite
Ian Guillian pour un unique album,
Born Again dont le succès public ne suffit pas à retenir le londonien qui choisit de participer à la nouvelle itération de DEEP PURPLE. Lassé par ce turnover, Tony Iommi décide de faire une pause le temps d’un album solo avec son ami
Glenn Hugues au chant. Ni le management, ni le label n’achètent le projet solo et, craignant un énorme bide, ils parviennent à convaincre l’homme en noir de faire de ce nouvel effort le douzième album de BLACK SABBATH. Qui dit album, dit tournée, hélas Glenn Hugues s’avère un piètre frontman (de mauvaises langues diront également que la voix du Rock, complexée par un embonpoint passager, ne tenait pas tant que ça à se montrer sur scène). Anticipant une défection de son chanteur, Tony Iommi recrute un illustre inconnu,
Ray Gillen, pour assurer le chant. Cette bonne idée se révèle être un vrai désastre, le public goûtant moyennement au remplacement d’un chanteur célèbre par un inconnu total. A la fin de la tournée, Tony Iommi est frustré, ruiné et aigri. Il embarque ses musiciens à Montserrat, comptant sur le bon air des caraïbes pour inspirer son petit monde et accoucher d’un grand album. Hélas, la série noire continue, les musiciens se désolidarisent un à un du projet dont l’enregistrement traîne pendant plus d’un an. Pour finir, Ray Gillen jette l’éponge après avoir enregistré les pistes vocales, laissant le projet sans voix. Pour éviter de sortir un nouveau disque enregistré par un chanteur qui ne sera pas celui de la tournée, Tony Iommi recrute son compatriote et homonyme,
Tony Martin, à l’époque frontman du groupe ALLIANCE. En deux semaines, Tony Martin s’approprie les chansons et réenregistre les voix. L’album est finalisé à l’arrache et sort en novembre 1987.
En 1987,
GUN’S N ROSES sort
Appetite For Destruction,
Scum de
NAPALM DEATH passe à la radio, le Thrash a le vent en poupe, le Death Metal commence à pointer son nez,
BATHORY publie
Under The Sign Of The Black Mark, Kurt Cobain et Krist Novoselic fondent
NIRVANA,
SOUNDGARDEN sort son premier EP. C’est une époque de transition entre une scène Metal à paillette à bout de souffle et des courants plus ou moins underground pour le moment qui annoncent les grandes mutations des années 90. Dans un tel contexte, un album de Heavy Metal Mélodique à claviers emmené par un illustre inconnu, ce n’est pas exactement ce que le public a envie d’entendre.
The Eternal Idol est un échec commercial retentissant. L'album a été cordialement méprisé par les critiques tandis que les avis rétrospectifs s'accordent à qualifier le disque d'honnête mais sans plus.
Le temps faisant son oeuvre, écouter
The Eternal Idol aujourd’hui sans être influencé par le contexte permet d’en faire ressortir les bons côtés.
The Eternal Idol renoue avec beaucoup de chose que BLACK SABBATH semblait avoir abandonné. Ce climat délétère et suffocant, d'une infinie lourdeur, comme une robe coulée dans le plomb. Ces riffs denses et néfastes, ces ambiances sombres et glauques, il y a de tout cela dans l'album et tout particulièrement dans "Eternal Idol", le morceau le plus Heavy que BLACK SABBATH ait enregistré depuis longtemps. La chanson est portée par la voix habitée de Tony Martin, dont la densité et l'interprétation théâtrale égalent presque Ronnie James Dio. En mêlant la noirceur des années soixante-dix avec le lyrisme puissant des années Dio,
The Eternal Idol est une synthèse de ce que BLACK SABBATH a produit de meilleur jusqu'alors. C'est aussi un retour aux sources, comme si, après des années de recherche d'une rupture, le groupe reconnaissait son histoire et accepte de s'en servir pour élaborer de nouvelles structures narratives, même si les lyrics parfois caricaturaux n'arrivent jamais à la cheville de ceux écrits par Geezer Butler.
Cohérent, sincère et droit dans ses bottes, le moins méconnu des albums de la période Tony Martin mérite plus que du mépris ou de l'indifférence. Ce disque est aussi la preuve de l'incroyable ténacité de Tony Iommi qui défend son projet contre vents et marées.
"During the recording, everything had fallen apart, everybody just left. But I couldn't leave. I had to hold the fort and put it all together again." (Tony Iommi, 2012).
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