Ça y est : Satan’s Satyrs a enfin sorti l’album dont on (je ? Aller, nous sommes bien quelques-uns) le sentait capable. L’album qui, enfin, est à la mesure de ce que personnifient ces petites teignes sur scène et sur leurs photographies. L’album qui, enfin, donne envie de tailler la route avec eux pour seuls partenaires, malgré la peinture d’une vie ni très saine, ni très profonde. Bref, l’album où le feu que l’on sentait dès le départ rugir sous ces trognes juvéniles nous lèche de ses délicieuses flammes vintages.
« Enfin ». Il faut dire qu’on l’a attendu ce disque, au point de se demander s’il allait bien arriver un jour, émoustillé par les quelques réussites de
Wild Beyond Belief! et
Die Screaming, avant de se demander si Clayton Burgess n’avait tout simplement pas mis son talent au service d’autres branleurs tout aussi attachants, rendant son projet personnel caduque. Que les esthètes et autres bourgeois de la musique ferment désormais leurs clapets : dès « Thrill of the City », on avale sa salive comme pour s’excuser, tant
The Lucky Ones déballe un tempérament de flambeur ultra-daté et pourtant aucunement nostalgique, répondant à
la réussite récente d’un Uncle Acid and the Deadbeats aristocratique et horrifique par un heavy metal à peine émancipé du (hard) rock reniflant les trottoirs pour trouver un endroit où boire et insulter les passants choqués. Clairement, cela fait un moment que je n’avais pas écouté une œuvre rappelant autant que le metal peut aussi être un sous-genre du punk, œuvre mettant autant à son service les bijoux d’une époque révolue pour en faire ses apparats à elle et personne d’autre.
Cette insolence talentueuse parcourt le long des trente-quatre minutes de
The Lucky Ones. Que ce soit à l’écoute de la voix de Clayton Burgess – qui est de nouveau « la » voix : orgueilleuse, charmeuse, adolescente et donc, la définition d’un certain metal incandescent – ou de ces guitares qui ont désormais une fureur de fond là où
Wild Beyond Belief! et sa production rouge n’en avaient que la forme (tout braille de joie ici, cf. la ballade hargneuse « Take It and Run »), ce quatrième longue-durée possède – n’ayons pas peur des mots – une certaine perfection dans ses ricanements et coups de bottes, les moqueuses « You and Your Boots » (et son début militaire pour de rire) ou « Trampled by Angels » n’étant que des exemples parmi d’autres d’un disque si peu sérieux d’apparence, et cependant tellement prenant, qu’on finit par se laisser aller comme il invite à le faire, entre légèreté et faim au ventre, altier malgré les pieds qui cognent les canettes vides jonchant le sol.
Satan’s Satyrs frime mais reste constamment à la hauteur sur
The Lucky Ones, donnant ici dans l’ancien jusqu’à cette impression d’entendre une compilation de tubes tenant par magie les uns avec les autres, la rambarde fermement tenue dans les montagnes russes, des écrans nous dépeignant une vie fantasmée de racaille des années soixante / soixante-dix. Servies par une production au diapason, aussi rude, sexuelle (ce son de basse indécent) et porteuse d’un univers que la pochette ci-contre (à partir de laquelle on peut déjà savoir si on est taillé pour telle musique, selon que l’on soit charmé ou repoussé), les compositions ne déçoivent jamais, à part à quelques endroits où le cerveau se rallume un peu, en attente d’un nouveau tirage de langue punk et enfiévré. Ce qui, heureusement, arrive rarement : car, à part une « She Beast » pas assez taquine et un break mollasson sur la tuerie quasi-intégrale qu’est « Too Early to Fold », que reprocher à ce disque ?
Rien,
The Lucky Ones étant de ceux dont les nombreux défauts sont des qualités, le bancal devenant errance de petites frappes cherchant un clochard à détrousser et des bonnes familles à apeurer. Sûr, on a tous des factures à payer, des projets, un cadre bien défini aux divertissements licites en guise de petites échappatoires – raison de plus pour adorer ce disque, unique car personnel, où rêver à une autre possibilité, les oreilles battant au rythme d’un cœur vivant ces images de l’intérieur. Pas de doute, ici, les chanceux, c’est nous.
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