Chaque fois que j'écoute le debut album de
BLACK SABBATH, je me demande ce qui serait advenu si Tony Iommi ne s'était pas sectionné un morceau de main à l'usine. Le Metal aurait-il quand même été inventé ? Par lui ?
Sur ce sujet il y a deux théories contraires. Selon la première, dite
effet papillon, toute modification du passé modifiera le futur. C'est sur cette trame que repose la plupart des fictions sur le voyage temporel, de Ray Bradbury ("A sound of Thunder") à la trilogie
Retour vers le Futur. Pour d'autres auteurs, certains événements majeurs doivent se réaliser quoiqu'il arrive et une tentative pour les empêcher de se produire ne permettra pas d'inverser le cours de l'Histoire qui trouvera un autre biais pour arriver à la même fin. C'est ce qui est expliqué dans
X-Men : Days Of Future Past. Je vous épargne le résumé, vous le trouverez aisément sur la toile. Et puis je ne veux pas vous spoiler si vous n'avez pas encore vue ce chef d'oeuvre, surtout que je m'éloigne un peu de mon propos, mais j'ai tendance à adhérer à cette seconde théorie plutôt qu'à la première, car les moments clé de l'Histoire reposent très rarement sur une décision isolée ou la personnalité d'un seul homme.
La première question que je me sois posée après avoir vu ce film c'est : qui aurait inventé le Metal si Tony Iommi ne s'était pas fait sectionner un bout de main à la veille de partir en tournée avec son groupe de Blues / Rock, les
ROCKIN' CHEVROLETS ? Car c'est cet accident suivi du réapprentissage de la guitare avec une main amputée, ayant donné lieu à une adaptation de son instrument avec des cordes de banjo, puis au réacordage un demi ton plus bas, suivi par
Geezer Butler qui adopte la même configuration à la basse à partir de
Master Of Reality qui ont donné naissance au Metal. Il est probable que d'autres groupes avaient de quoi assurer à la place de Tony, Geezer, Ozzy et Bill. Si le Sab n'avait pas explosé à ce moment, ils auraient eu leur heure de gloire comme Chris Summer devenant l'idole des jeunes à la place de Johnny Halliday dans le film
Jean-Philippe.
A priori la question restera sans réponse car Tony Iommi s'est bien sectionné un morceau de la main et cet accident tragique a redéfini la feuille de route du guitariste, devenu par la force des choses l'inventeur du Metal. J'ai tendance à penser que le véritable déclic s'est produit entre
Paranoïd et
Master Of Reality, deux albums aboutis qui ont propulsé le groupe au sommet. Rétrospectivement, les fans se sont intéressé au debut album paru moins d'un an avant
Paranoïd mais même si l'on considère aujourd'hui la chanson "Black Sabbath" comme le premier manifeste Doom, le reste de la galette, plutôt inégal, n'a pas la teneur émotionnelle ni la cohérence d'ensemble des futurs disques que le gang va produire durant la décennie 1970. Les musiciens ne se sont pas encore débarrassés de leurs influences, deux des sept titres sont des cover et bien que "N.I.B" ait figuré sur toutes les setlist des concerts données par le Sab de la réunion de 1997 à la séparation définitive en février 2017, ce morceau n'a pas la puissance évocatrice d'un "Black Sabbath" ni des autres brûlots composés ensuite par les brummies.
A tous points de vu, "Black Sabbath" est une chanson exceptionnelle. On saluera le génie du producteur
Roger Bain qui décide d'ajouter cette intro
Pluie et cloches devenu depuis un gimmick incontournable du Metal, mais c'est la cerise sur le gâteau. Tempo hyper lent, voix envoûtée de Ozzy, triton démoniaque, lyrics, cette chanson toxique comme un marécage mérite sa place au panthéon des meilleures compos du groupe et plus généralement des meilleurs morceaux du Metal. "The Wizard" et "Behind The Wall Of Sleep" sont des compos plaisantes mais, tout comme "N.I.B", elles font également pâle figure comparées au monstrueux morceau d'ouverture et (contrairement à "N.I.B") ne sont pas sauvées par des lyrics profonds. Des deux cover, la plus marquante est "Warning", un morceau signature prétexte à un très long instru, qui était utilisé en live comme rampe de lancement pour la session d'improvisation qui ponctuait tous les sets du Sab. Sur le disque la chanson a été écourtée à dix minutes au lieu de seize. Outre le plaisir immense de l'écoute de ce morceau chargé de feeling, "Warning" est unique en son genre : la plus longue compo de BLACK SABBATH et le morceau le plus Progressif de leur discographie mais aussi celui qui laisse le plus librement exploser le génie des trois musicien et donne un petit aperçu de ce que pouvait donner le Sab en concert dans les années 70.
Une partie de la légende BLACK SABBATH tient cependant à des choix artistiques faits par des contributeurs extérieurs au groupe : le producteur Roger Bain dont j'ai déjà parlé plus haut et le manager
Jim Simpson. C'est à ce dernier qu'on doit l'illustration de la pochette, avec en extérieur une photographie saturée du moulin à eau de Mapledurham devant lequel pose une femme en noir et en intérieur un crucifix inversé encadrant le poème gothique anonyme
"Still Fall The Rain"
"Still falls the rain, the veils of darkness shroud the blackened trees, which contorted by some unseen violence, shed their tired leaves, and bend their boughs towards a grey earth of severed bird wings. among the grasses, poppies bleed before a gesticulating death, and young rabbits, born dead in traps, stand motionless, as though guarding the silence that surrounds and threatens to engulf all those that would listen. Mute birds, tired of repeating yesterdays terrors, huddle together in the recesses of dark corners, heads turned from the dead, black swan that floats upturned in a small pool in the hollow. there emerges from this pool a faint sensual mist, that traces its way upwards to caress the chipped feet of the headless martyr's statue, whose only achievement was to die to soon, and who couldn't wait to lose. the cataract of darkness form fully, the long black night begins, yet still, by the lake a young girl waits, unseeing she believes herself unseen, she smiles, faintly at the distant tolling bell, and the still falling rain."
BLACK SABBATH voulait faire une musique qui rappelle les films d'horreur, leur manager leur a involontairement ou non donné l'image d'un groupe sulfureux et satanique. La légende était en marche....
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