Sabotage, le sixième album studio de BLACK SABBATH appartient à la grande famille des disques qui divisent les fans. Il y a ceux qui le considèrent comme un chef d'oeuvre, l'apogée de la créativité et ceux qui pensent que c'est au contraire le début du déclin et qu'il ne tient pas la route comparé à
Sabbath Bloody Sabbath,
Vol.4 et
Master Of Reality. Il est vrai que le disque a de quoi surprendre : l'une des pires pochettes de l'histoire du Metal, l'une des tracklist les plus expérimentales de l'histoire de BLACK SABBATH, l'une des pires périodes de la vie de Tony, Geezer, Bill et Ozzy. Composé et enregistré dans la tourmente,
Sabotage n'est pas l'album le plus accessible du Sab, pour mieux le comprendre (et l'apprécier), je vous propose de procéder par étapes.
1. Un contexte explosif
Fin 1974, les quatre Black Sab se rendent compte qu'ils se font entuber dans les grandes largeurs par leur manager Patrick Meehan (formé à la méthode Don Arden) et leur maison de disques. Ils décident donc de se passer des services du premier, de s'auto-manager et de renégocier leur deal avec Vertigo. Ces décisions ne se font pas sans heurts. Les brummies se retrouvent livrés à eux-mêmes, obligés de gérer des aspects de la vie du groupe qu'ils avaient jusqu'alors délégués et qui empiètent sur leur "temps artistique". En outre, les avocats de Patrick Meehan les noient sous les citations à comparaître. Parallèlement, le gang cherche à récupérer les droits sur les œuvres composées pendant la période Meehan (1971 - 1974). La pression juridique, la drogue, l'épuisement, les ennuis personnels, l'usure et l'absence de conseillers fiables pèsent durement sur le combo qui s'efforce tant bien que mal de composer un nouvel album. Le contexte a un impact évident sur l'oeuvre. Le titre de l'album est une référence directe à ces déboires :
Sabotage fait référence à tous ces profiteurs qui ont essayé de ruiner le groupe et n'y sont finalement pas parvenus. Le doigt d'honneur ne se limite pas là, Ozzy prenant la plume pour écrire les paroles de "The Writ" où il attaque frontalement Patrick Meehan :
"You bought and sold me with your lying words / The voices in the deck that you never heard came through / Yeah came through / Your folly finally got to spend with a gun / A poisoned father who has poisoned his son, that's you".
2. La pochette : un grand moment Spinal Tap
L'artwork est l'oeuvre de Graham Wright, le technicien batterie de Bill Ward, graphiste à ses heures. Le projet présentait les quatre musiciens tout de noir vêtus, posant devant un miroir. Les costumes n'ayant pas été livrés le jour de la prise de vue, les brummies ont dû poser "comme ils étaient", les costumes auraient dû être rajoutés en insert par la suite mais l'insert n'a jamais été réalisé et la pochette de l'album reprend la photographie transitoire avec Geezer Butler et Tony Iommi en costard bleu et blanc, Ozzy dans une robe d'intérieur en soie et un Bill Ward imberbe posant dans un leggin rouge emprunté à sa femme. Même si BLACK SABBATH n'a jamais donné l'impression d'accorder beaucoup d'importance à ses artwork, celui de
Sabotage est particulièrement terrible....mais illustre finalement bien le titre!
3. Les compos : Audace, innovation, génie et rancœur
Reprenant un schéma narratif éprouvé,
Sabotage est une successions de moments forts et de respirations plus légères. Une attaque frontale brutale avec “Hole in the Sky” délicieusement groovy où la batterie de Bill Ward mène la danse à grands coups de cymbales, accompagnant un de ces riff signature qui se gravent aisément dans le cortex. “Don’t start too late”, instrumental à la guitare classique qui prépare le terrain au proto - Thrash “Symptom of the universe”. Un morceau en deux parties, la première très lourde est soutenue par un riff d’anthologie, un chant agressif, la seconde est une impro instrumentale qui repose sur un motif différent. Vient ensuite “Megalomania”, l'un des morceaux les plus marquants de la galette. C'est aussi une compo en deux parties. Il y a d’abord une ouverture mélancolique, où une superbe rythmique et des nappes de claviers soutiennent le chant désespéré et geignard d’un Ozzy plus juste que jamais dans un registre qui lui sied à merveille. Après trois minutes de cette complainte qui vous broie le cœur dans un étau et alors qu'on commence à s'ennuyer un peu, survient un break monumental laissant exploser toute l’agressivité contenue. Un riff qui cisaille, une rythmique qui écrase et un chant qui assène le coup de grâce. On remet une couche de gras lourd et méchant avec le mid tempo “The Thrill of it all” qui débouche sur “Supertzar” une longue construction instrumentale pour laquelle Tony convoque en studio un orchestre au grand complet, une harpiste et un chœur magistral. Une piste ovni, 100% BLACK SABBATH qui s’insère parfaitement dans les compos du groupe. Le disque s'achève sur “The writ”, une compo Doom plombée sur laquelle le texte très noir de Ozzy se cale à la perfection.
En conclusion,
Sabotage est la preuve éclatante que le Sab tient encore le cap dans la tourmente. C’est un album comme on les aime, avec ses moments forts, ses moments de grâce et une sensibilité mélancolique à fleur de peau. La seule chose dont le Sab aurait à rougir sur ce disque, c’est le pantalon affligeant de Bill Ward, mais je suis prêt à parier que l’intéressé s’en fout complètement! Vous l'aurez compris, je fais partie de ceux qui considèrent cet album comme l'un des plus intéressants de la discographie du Sab. Il n'a pas l'importance historique de
Paranoïd ou
Master Of Reality et ne comporte aucun vrai tube, mais il est l'un des ultimes témoignages de l'inspiration et du "génie" du groupe, au crépuscule de son Age d'Or.
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