Sing me a song, you're a singer, Do me a wrong, you're a bringer of evil. . ("Heaven and Hell")
Heaven and Hell, le neuvième album studio de
BLACK SABBATH est un disque charnière dans leur discographie car il marque une rupture profonde et durable entre la musique composée durant et après sa première décennie d'exercice. Le fait générateur de cette mutation est évidemment le départ forcé du chanteur historique
Ozzy Osbourne, mais ce funeste événement n'explique pas à lui seul le changement. La cause racine est plus probablement la frustration née de l'échec commercial des derniers albums,
Technical Ecstasy, Never Say Die, et l'envie de renouer avec le succès. La formation emmenée par Tony Iommi renonce à poursuivre la voie progressive et expérimentale amorcée à partir de
Sabotage et, donnant raison aux fans qui réclament un retour aux sonorités de
Master of Reality et
Sabbath Bloody Sabbath, fait rentrer son projet dans le moule du Metal qu'elle a contribué à créer. Comme ces lessives qui promettent de laver plus blanc que blanc, BLACK SABBATH cherche à devenir un groupe plus Metal que Metal, jusqu'à la caricature.
Les dix années écoulées ont été intenses. Le gang a sorti ses huit premiers albums à un rythme soutenu, enchaîné les tournées, connu un immense succès et ses affres : épuisement physique et moral, addictions variées, instabilité conjugale, et assèchement de l'inspiration. Artistiquement parlant, Tony Iommi a l'impression d'être au point mort de la créativité et le jour où il se décide à virer un Ozzy Osbourne qui passe ses journées à se défoncer et refuse de participer aux répétitions, cela fait plusieurs mois que le gang travaille à son nouvel album pour lequel seules deux maquettes ont été validées. Le départ d'Ozzy aurait peut-être pu être évité, mais le groupe aurait certainement explosé en vol car tout le monde était à bout. Après l'éviction de son encombrant frontman, le gang trouve une nouvelle dynamique et parvient à rebondir mais
Geezer Butler prend temporairement ses distances pour gérer son divorce pendant la construction de l'album. C'est ensuite au tour de
Bill Ward, qui après avoir assuré l'enregistrement en pilote automatique, délivrant une prestation très en-deçà de ses capacités, abandonne la formation en pleine tournée. Le seul à ne pas flancher sous les nombreux coups du destin, c'est Tony Iommi, fidèle au poste. Il est heureusement secondé par un nouvel arrivant, dont le rôle dans l'évolution et la nouvelle "définition" de Sabbath est déterminant :
Ronnie James Dio.
Lorsqu'il rejoint les anglais, le chanteur américain, de six ans plus âgé que Tony Iommi, a déjà un solide bagage musical. Même s'il n'a sévit que dans des formations de moindre envergure, le lutin connait la musique au propre comme au figuré. Outre ses qualités de vocalistes et de songwriting, il joue de plusieurs instruments et s'investit dans le travail de composition au même titre que Tony Iommi. Ce dernier, qui déplorait justement le manque d'engagement de Geezer Butler, Bill Ward et Ozzy Osbourne dans la conception des albums précédents, trouve enfin un binôme qui ait du répondant, ce qui apporte aux chansons composées par les deux hommes une complémentarité chant – guitare unique (par exemple sur "Die Young"). Après la défection de Geezer Butler, c'est également Dio qui se charge de l'écriture des paroles, une tradition qui perdurera ensuite puisque jusqu'à l'album
13, ce sont systématiquement les vocalistes successifs qui écriront leurs lyrics. Les paroles de Dio n'ont pas grand-chose à voir avec celles de son prédécesseur. Il adopte un registre tantôt narratif fantastique ("Lady Evil", "Children of The sea", "Lonely Is The World"), tantôt didactique poétique ("Heaven and Hell", "Wishing Well", "Die Young", "Walk Away"). Surtout, à la différence d'un Ozzy qui posait ses lignes de chant sur la musique composée par ses comparses, Dio fait du chant la colonne vertébrale des compos, jouant sur les oppositions et complémentarité pour donner à ses prestations une dynamique exceptionnelle, jusqu'alors absente du répertoire de BLACK SABBATH. Le revers de la médaille, c'est que le chant prend la place auparavant occupée par la rythmique. Les prouesses de Geezer Butler et Bill Ward se trouvent reléguées au second plan et même si elles restent bien audibles dans le mixage de
Martin Birch, elles n'ont plus ni l'une ni l'autre la liberté ni la fougue dont elles ont bénéficié sur les premier opus et qui définissaient pour partie le son Sabbathien. A partir de
Heaven and Hell, la rythmique intervient en soutien du chant virtuose de Dio et des plans de guitare de plus en plus aériens de Tony Iommi. Cette mutation est encore plus visible à partir de
Mob Rules où la frappe léchée de Bill Ward laisse place aux implacables coups de boutoir de
Vinnie Appice. La nouvelle direction artistique conduit également Tony Iommi à oser de longs soli contemplatifs ("Lonely Is The World") et à recruter un clavier à temps complet, le fidèle
Geoff Nicholls, le musicien ayant la plus grande longévité au sein de la formation après Tony Iommi. Enfin, rompant avec une tradition instaurée depuis
Vol.4, Tony Iommi confie la production à Martin Birch.
Dans cette nouvelle mouture, c'en est désormais fini des interludes instrumentaux qui offraient des respirations à la tracklist. Les "temps calmes" sont désormais assurés par des power ballades hautement émouvantes mais faisant une part au moins égale au chant et à l'instrumentation, ce qui est loin d'être un hasard!
Je vous épargne le track by track, les huit chansons de l'album ont été disséquées et analysées en long, en large et en travers dans des dizaines de chroniques. Il n'y a aucun faux pas dans cette succession de morceaux tous chargés de feeling et d'émotion. Les compos mettent en valeur les compétences techniques et la créativité des auteurs et même si l'on peut regretter le changement de direction artistique opéré par la nouvelle équipe, il est difficile de blâmer le résultat, aussi immortel que les meilleurs albums de la première "saison" du gang de Birmingham, même si leur musique a perdu en fougue et en innovation ce qu'elle a gagné en technique et en mélodie.
Album essentiel pour comprendre le revirement stylistique opéré par BLACK SABBATH,
Heaven and Hell marque le début d'un deuxième âge d'or pour le gang de Birmingham. Il sera malheureusement de courte durée et fera suite à une période aussi chaotique que frustrante pour le capitaine Tony Iommi.
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