Il y a des disques qui, sans faire l'unanimité contre eux, peinent à séduire même le plus tolérant des fans. La carrière de BLACK SABBATH est jalonnée de ces efforts mal compris, mal aimés et parfois, il faut bien le reconnaître, mal fichus. Quelques exemples :
Forbidden et sa prod immonde (le son de batterie, vraiment abject).
Seventh Star, le quiproquo total (conçu comme un side project par Tony Iommi il est devenu un album du Sab sous la pression de Warner).
Technical Ecstasy, trop audacieux, trop progressif, pas assez sabbathien, le disque qui a consommé la rupture entre Ozzy et Tony Iommi.
Never Say Die, le neuvième album du gang de Birmingham est de cette engeance. L'artwork représentant deux pilotes de chasse devant un jet est peut-être devenu l'un des logos du groupe, utilisé notamment pour la tournée
13 Tour (2013 / 2014), c'est l'un des disques les plus faibles et mal fagoté de BLACK SABBATH et un bien terne épilogue pour marquer la fin de leur première décennie d'activité.
1978 est une sale année pour le SAB. Le groupe souffle sa dixième bougie dans le doute et la remise en question. Difficultés à trouver l’inspiration, échec du précédent album, explosion du Punk, émergence du Hard US (VAN HALEN, KISS), doutes de la fanbase sur la direction empruntée par le gang depuis
Sabotage, problèmes financiers et juridiques avec leur management, la liste des embûches est sans fin. Drogué, malade, fatigué, Ozzy Osbourne a claqué la porte sans crier gare pendant les répétitions préparatoires. Le chanteur qui désapprouve la direction que Tony et Geezer ont décidé de donner au groupe après
Sabbath Bloody Sabbath caresse l'idée de fonder un side project dans la lignée du Sab originel. Le gang s'appellerait
Blizzard Of Ozz. Le chanteur a déjà fait imprimer des tee-shirt et approché des musiciens mais Tony Iommi refuse catégoriquement que son chanteur mange à deux rateliers. Le Sab, on l'aime ou on le quitte ! (c'est d'ailleurs l'une des raisons de la brouille entre Dio et le guitariste quelques années plus tard).
Ozzy parti, Tony, Geezer et Bill ne songent pas un instant à faire un break, d’autant plus que le studio d’enregistrement a déjà été réservé et payé! Le trio recrute un nouveau chanteur, on ne peut plus éloigné de leur univers. L'heureux élu s'appelle
Dave Walker, chanteur du groupe de Blues Rock SAVOY BROWN. Dave Walker participe à l’écriture de quelques chansons et interprète même une version alternative de “Junior’s Eye” à la BBC. Mais Ozzy regrette sa décision et réintègre finalement le groupe. Exit Dave Walker. Le quatuor s’envole pour Toronto où doit être enregistré le disque. Les chansons écrites avec Dave Walker sont conservées mais Ozzy refuse de les interpréter en l’état. C’est donc Bill Ward qui chante sur “Swinging the Chain” tandis que les paroles de “Junior’s Eye” et “Over to you” sont remaniées. Sur la première, hommage d’Ozzy à son père récemment disparu, la mayonnaise prend bien. “Junior’s Eye” est la plus belle chanson de l’album, et la plus émouvante. On ne peut pas en dire autant de “Over to you”, pourtant bien groovy et remuante mais manquant cruellement d’enthousiasme et de jus. L'expérimentale et synthpop “Johnny Blade” et cette respiration Jazz qu'est “Breakout", morceau sur lequel Bill Ward fait exploser son talent en revenant à ses racines apportent quelques surprises mais contribuent à rendre la trame du disque peu lisible.
Never Say Die est un album composé au jour le jour et il lui manque la cohérence d’ensemble des grands disques du quatuor comme
Vol 4 ou
Sabbath Bloody Sabbath que le groupe a pu longuement travailler et peaufiner avant la session studio. Les anglais choisissent à nouveau de le produire sans aide extérieure se privant du recul et de l’avis distancié qu’un producteur aurait pu apporter au projet. Le résultat est une succession de chansons disparates, hétéroclites et desservies par une prod assez terne, plus Hard que Heavy.
Malgré son titre sonnant comme une promesse d’éternité, le groupe frise le dépôt de bilan durant la tournée 1979, car le coeur n'y est plus pour grand monde. Le volet américain de la tournée est une véritable catastrophe où le manque de cohésion et l'épuisement du gang se voient d'autant plus qu'ils partagent l'affiche avec VAN HALEN. Soir après soir, le jeune combo américain vole la vedette aux éléphants britanniques qui assurent en pilote automatique de bien fades prestations. La première période de BLACK SABBATH, que certains d’entre nous considèrent comme son âge d’or, vient de prendre fin. Et tandis que le Madman s’en va décapiter des chauves-souris en solo, Tony, Geezer et Bill essayent de survivre à la défection de leur frontman historique en lui cherchant un remplaçant.
Never Say Die est un disque raté car enregistré à marche forcée et sans réelle inspiration. Il porte les germes de la nouvelle voie expérimentée par le groupe depuis
Sabotage, une volonté de sortir du schéma Heavy Doom et sorcellerie qui a fait la réputation du groupe, que la fanbase réclame mais dont Tony Iommi et Geezer Butler estiment avoir fait le tour. Le départ de Ozzy et le recrutement de Dio en 1980 marqueront la fin de cette option et un retour de BLACK SABBATH à sa sonorité signature, avec le succès que l'on connait. Pour ma part, même si j'ai adoré ce qu'a enregistré le Sab au début des années 1980, j'aurais bien aimé voir vers quoi il aurait évolué en poursuivant dans cette voie plus progressive et innovante.
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