Il aura finalement fallu attendre deux ans pour voir revenir la pulpeuse Stacey Savage et sa bande d'esclaves sexuels. Savage Master nous avait en effet habitués depuis 2014 à un rythme soutenu d'une sortie par an en alternant EP et album. 2018 aura donc été une année vierge pour le combo du Kentucky après le fort sympathique EP
Creature of the Flames en 2017. Pas de Skol Records ou de High Roller cette fois, eux qui s'étaient partagés les enregistrements précédents du groupe, celui-ci évolue désormais sous les couleurs de Shadow Kingdom Records, label américain bien connu des fans de metal traditionnel. Chris Moyen, qui avait illustré toutes les sorties de la formation, n'a pas non plus été reconduit, remplacé par un certain Mike Hoffmann dont le travail ici fait furieusement penser à du Franck Frazetta ou du Michael Whelan sur les albums de Cirith Ungol, une des influences assumées de Savage Master. Pas de changement niveau line-up par contre.
Et sans surprise pas non plus de révolution artistique. Savage Master fait partie de ces combos dont on est sûr de ce que ça va donner, comment ça va sonner. Un groupe a besoin d'évoluer pour survivre, paraît-il. Je n'en suis pas du tout convaincu, tant que la qualité reste au rendez-vous et que certains éléments, si subtiles soient-ils, diffèrent ici ou là. C'est exactement ce que fait le quintette sur ce troisième album
Myth, Magic and Steel, en apportant deux-trois trucs en plus tout en gardant cet esprit heavy metal old-school simple et efficace. On reconnaîtra donc le style du groupe dès l'ouverture convaincante sur "Myth, Magic and Steel". Si les riffs n'ont rien d'originaux, sonnent très NWOBHM et auraient pu être composés par d'autres évoluant dans le revival heavy (ceux du haut du panier du moins), on sait qu'il s'agit de Savage Master. Rien qu'au son de cette production poussiéreuse sans artifice très début des années 80 qui pourrait tromper sur la date d'enregistrement (miam cette réverb' sur la batterie) et que les Américains continuent d'utiliser à raison, rejetant tout modernisme traître. Bien sûr, c'est surtout Stacey qui démarque Savage Master et lui confère une personnalité propre. Non seulement parce que les femmes au chant restent rares mais aussi parce que son timbre, ses intonations et ses dynamiques vocales s'avèrent particulières, même si sa technique reste parfois imparfaite, ce qui lui donne de toute façon encore plus de charme et de sincérité. Je l'ai déjà comparée à une version féminine de Tim Baker et à Wendy O' Williams. S'il y a toujours de cela, la frontwoman vole maintenant de ses propres ailes. Théâtrale sans tomber dans l'excès, tantôt teigneuse, tantôt plus mélodieuse mais toujours dans un esprit assez punk et finalement variée, sa performance sur ce
Myth, Magic and Steel est une nouvelle preuve qu'elle fait partie des vocalistes heavy qui comptent. Et toujours ces airs de sorcière sado-maso sexie entourée de ses esclaves encagoulés et enchaînés, sorte de Betsy Bitch en plus occulte. Ce qu'il y a de bien aussi avec Stacey c'est qu'en dépit de son timbre spécial, elle n'oublie pas les bases comme les mélodies vocales accrocheuses. On trouvera ainsi tout un tas de refrains catchy, souvent auréolés de chœurs masculins pour encore plus d'efficacité, comme sur "Myth, Magic and Steel", "The Devil's Ecstasy", "Flyer in the Night", "Crystal Gazer", "Lady of Steel" ou encore "High Priestess". On appréciera également les invitées sur l'hymne "Lady of Steel" qui voit la participation de deux autres chanteuses, Deborah Levine de Lady Beast et une certaine Sandy Krueger. Miss Savage leur laisse la place sur un couplet chacune et cela rend très bien, apportant de la variété et du mordant sur un morceau que l'on peut voir comme un hommage aux chanteuses dans le heavy.
À côté de Stacey Peak qui porte sans conteste le groupe et le tient d'une main de fer, il ne faudrait pas oublier ses acolytes sans lesquelles elle se sentirait tout de même bien seule. Ceux-ci, en particulier les guitaristes quoique le bassiste arrive à se faire entendre sur "Hight Priestess" et "Warrior vs Dragon", font à nouveau preuve d'une belle inspiration. On reste dans le très classique évidemment, que ce soit dans les constructions basiques de la plupart des morceaux ou le riffing très NWOBHM. Le classique de qualité et non générique toutefois. Celui, réconfortant, chaleureux, qui fait plaisir à entendre. Vous trouverez dès lors des riffs et des solos à l'ancienne à la pelle qui font transparaître un savoir-faire certain, notamment un feeling mélodique incontestable dans les leads qui comptent parmi les nombreux atouts de Savage Master. Tout cela, on le savait déjà, le groupe ne fait que consolider ses acquis. Ce qui est déjà pas mal, remarquez, quand d'autres finissent par se perdre. Sur
Myth, Magic and Steel, Savage Master va pousser légèrement plus loin son style, de quoi le faire évoluer juste ce qu'il faut pour démontrer qu'il ne se repose pas sur ses lauriers. On remarque ainsi que la durée des morceaux s'étend davantage (4'30 de moyenne), signe d'un développement plus approfondi de la composition. La variété rythmique n'a également jamais été autant de mise avec du mid-tempo pêchu et headbangant qui reste le tempo privilégié de la bande ("Myth, Magic and Steel", "Flyer in the Night", "Crystal Gazer", "Far Beyond the Grave"), du speedé jubilatoire ("The Devil's Ecstasy", "Lady of Steel") et du presque doomy à la Cirith Ungol ("The Owl", "High Priestess"), le tout savamment distillés tout au long de l'opus qui affiche plus de quarante minutes au compteur sans que l'on ne regarde une fois sa montre. Savage Master se lance même avec brio dans l'épique sur le titre final "Warrior vs. Dragon" de plus de huit minutes. Une belle réussite pour un morceau prenant, qui s'ouvre sur un motif épuré assez triste, dont la première partie s'appuie sur un tempo lancinant et une ambiance pesante avant d'accélérer jouissivement sur un riff speed extra puis de lever le pied à nouveau pour retrouver l'atmosphère du début avant de conclure à l'acoustique sur une fin à la fois belle et sombre. La bande nous prouve alors qu'elle ne sait pas que pondre des tubes de trois minutes.
On dit souvent que le troisième album est celui de la maturité. Un poncif très con mais qui colle bien à ce
Myth, Magic and Steel qui s'impose comme l'œuvre la plus aboutie de Savage Master. Tout en gardant son efficacité et sa simplicité, le groupe a su élargir un peu son registre pour nous offrir son opus le plus varié à ce jour. Du heavy metal classique au sens noble du terme avec la production d'époque qui va bien, des riffs authentiques qui font mouche, des solos aux mélodies inspirées, quelques accélérations speed bien senties, une ambiance sombre, occulto-kitsch et désormais un poil épique, ainsi qu'une chanteuse diaboliquement hypnotique. Seul "Far Beyond the Grave" se montre plus quelconque que ses comparses. On pouvait se demander si les Américains arriveraient à nous aguicher comme ça encore longtemps, il semble bien que oui. Avec ce troisième album des plus réussis (on n'était pas loin du 8,5/10), Savage Master continue son bonhomme de chemin. Peut-être pas vers la gloire, quoiqu'une signature chez un gros label comme Metal Blade ne m'étonnerait pas, mais au moins dans la bonne direction, celle qui permettra au groupe d'inscrire durablement son nom dans le paysage heavy metal.
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