La carrière de la plus vénérable institution du heavy metal s'étalant désormais sur plus de trois décennies, on peut s'amuser à diviser la légion de fans qu'elle charrie dans son sillage en plusieurs catégories : tout d'abord celle des fanatiques, prêts à sanctifier la moindre face B avariée en fond de cale d'un single pourvu qu'elle soit approuvée par Sir Harris en personne, même lorsqu'elle se résume à six minutes de Nicko McBrain en plein délirium tremens. Les modérés ensuite, encartés au Modem de Saint François et préposés à la pose de voies centrales au Cook County Hospital qui, bien qu'encore vaguement concernés par les sorties récentes du groupe, s'accordent à dire que MAIDEN n'a rien sorti de transcendant depuis
« Fear Of The Dark » en 1992. Arrive alors la vieille garde, celle qui n'a pas digéré l'affront « No Prayer For The Dying » et le remplacement d'Adrian Smith par la sorcière bondissante Janick Gers. Pour tous ceux là, fin de l'histoire dès 1988. Intégristes? Pas pire que ceux qui criaient à l'hérésie lorsque claviers et guitares synthés ont vampirisé l'espace sonore à compter de
« Somewhere In Time » et renient tout ce qui suit l'inattaquable
« Live After Death ». Reste alors la frange la plus punk du lot, celle qui a lâché l'affaire dès lors que le hooligan Di'anno a plié bagages pour mener la grande carrière solo que l'on sait. Comment ça j'oublie de mentionner les illuminés pour qui MAIDEN a existé entre 1994 et 1997 avec un Blaze Bailey de sinistre mémoire?
Ces derniers étant actuellement sous la menace d'un séjour prolongé en territoire afghan pour atteinte à l'ordre métallique, on ne devrait bientôt plus en entendre parler. Et c'est malheureusement le sort qui guette « A Matter Of Life And Death », pas si lointaine dernière offrande des anglais après un
« Dance Of Death » dont la seule nullité aurait justifié l'annexion de la Grande Bretagne par les forces armées US. Bien que largement supérieur en terme de contenu, AMOLAD n'en conserve pas moins quelques tares récurrentes depuis le comeback album
« Brave New World », plutôt réussi malgré la prod hors sujet de Kevin Shirley ; fort d'un line-up de trois guitaristes depuis le retour d'Adrian Smith, IRON MAIDEN (ou plutôt ses six-cordistes) peine à retrouver la forme sur le plan des solis, tous interchangeables (à l'exception d'un coup d'éclat sur « Out Of The Shadows ») qui donnent le sentiment d'avoir affaire à des fonctionnaires du metal ressassant inlassablement les mêmes plans éculés (celui à 4:32 sur « These Colours Don't Run » est particulièrement pénible). Le groupe étant dans l'incapacité de livrer un titre efficace et direct depuis « Be Quick Or Be Dead » -
« Different World » est dans la lignée des poussives « Wildest Dreams » et « Rainmaker », « The Pilgrim » est agréable mais peu marquante, pour cause de ligne mélodique principale ringarde« -, Steve Harris et consorts privilégient ici la filière progressive avec pas moins de six titres affichant sept minutes ou plus au compteur. Une intention louable à la base, MAIDEN proposant ici quelques titres parmi les plus denses et les plus attractifs depuis des lustres, mais qui s'avère calamiteuse en terme de tracklisting. Car si la recette passe le temps de deux ou trois morceaux, c'est une autre paire de manche lorsqu'il s'agit de tenir 72 minutes à ce régime. Je frémis à l'idée du calvaire qu'ont dû subir les pauvres spectateurs lors de la tournée promotionnelle, qui a vu IRON MAIDEN jouer l'intégralité de son nouvel album avec trois pauvres classiques jetés en pâture dans le final! Un AMOLAD soufflant le chaud et le froid, tour à tour réjouissant et barbant, ponctué de pas mal d'éclairs mais hélas plombé par une arythmie digne d'une mise en scène de Woody Allen.
Voilà donc un album terriblement frustrant, pétri de qualités mais qu'on peine à écouter d'une traite pour cause de longueur excessive. Le salut par l'écoute parcellaire? Ça vaut mieux que de faire l'impasse sur les moments de grâce d'un « Brighter Than A Thousand Suns », premier de cordée d'une série de titres ranimant la flamme d'un MAIDEN s'abreuvant à la source d'un hard rock puissant s'autorisant quelques subtiles incartades mélancoliques (à 2:34), comme Bruce Dickinson sait si bien le faire sur ses efforts solo. Deuxième bonne surprise, l'accélération à 4:02 qui fait regretter que les anglais n'appuient pas plus souvent sur l'accélérateur, la suite faisant la part belle aux cavalcades de guitares caractéristiques et à quelques envolées symphoniques plus légères que sur le pompier
« Dance Of Death ». Ajoutez à cela un refrain killer d'un Bruce encore irréprochable et vous tenez là en huit minutes et des poussières tout ce après quoi le groupe a couru précédemment : du heavy fluide, raffiné et, dans la mesure du possible passé trente ans au service du genre, inventif (le break à 4:48 sur « The Longest Day » fait fortement penser à DREAM THEATER). Deuxième sommet de AMOLAD, « The Reincarnation Of Benjamin Breeg » qui, au delà d'un démarrage très classique où la basse de Steve Harris se taille la part du lion, surprend par sa lourdeur et son côté
classic hard rock, le break génial à 4:29, toutes leads conquérantes dehors, ranimant le phoenix d'une vierge de fer qu'on pensait définitivement morte et enterrée. Egalement au crédit d'AMOLAD, mais c'est tout sauf une surprise, des refrains majoritairement de grande qualité, ceux de « The Longest Day » et « Out Of The Shadows » méritant des louanges toutes particulières. Une fois de plus très à l'aise, voire brillant, Bruce Dickinson est partie prenante des meilleurs moments d'un album souvent redondant dans son final (27 minutes!!!) en trois temps, qui réussit tout de même à instaurer une ambiance parfois proche de celle de
« Fear Of The Dark ». Une tonalité sombre voire lugubre sur « The Legacy », sans doute la meilleure manière de faire prendre conscience à tout le monde que MAIDEN est désormais plus proche de la ligne d'arrivée que des starting blocks. Dommage, vraiment, que les anglais n'aient pas rééquilibré l'ensemble car potentiellement, « A Matter Of Life And Death » aurait pu être le meilleur MAIDEN depuis
« Fear Of The Dark », voire
« Seventh Son Of A Seventh Son ».
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