King Diamond - Fatal Portrait
Chronique
King Diamond Fatal Portrait
Deux albums et puis s'en vont. Mercyful Fate, dont la carrière a été superbement contée par AxGxB sur votre webzine préféré, ouvrait une parenthèse de plusieurs années lorsque son frontman consommait un divorce devenu inéluctable avec son guitariste Hank Shermann. Deux chefs-d'oeuvres du heavy metal, Melissa (1983) et Dont Break The Oath (1984) les avaient pourtant propulsé dans la cour des groupes cultes, suffisamment pour traumatiser une pelletée de bougres qui se sont mis à badigeonner leur visage de corpse paints et à rendre encore plus violents les riffs et les hurlements occultes introduits par le combo. Kim Bendix Petersen voulait persister dans les ténèbres, Hank Shermann revenir dans la lumière en saupoudrant leur musique d'addendas plus commerciaux. Pour réaliser ses sombres desseins, le premier embarque avec lui Michael Denner (guitare) et Timi Hansen (basse). Ils décident alors d'embaucher un illustre inconnu pour tenir la batterie : Mikkey Dee, qui s'est à l'époque essentiellement distingué dans des groupes locaux comme Nadir ou Geisha. Bien loin des Scorpions et autres Motörhead qu'il rejoindra des années plus tard. Le quatuor entre en studio au début de l'été 1985 pour concrétiser le premier full-length de King Diamond, intitulé Fatal Portrait. Pour compléter cette prometteuse équipée, le batteur suédois pense à un bon copain guitariste qu'il avait trouvé très doué lorsqu'ils tapaient des bœufs ensemble à Göteborg. Deux semaines après les débuts de l'enregistrement, Andy LaRocque démissionne de son travail, monte dans le premier train pour Copenhague et vient improviser un solo sur le morceau « Dressed In White ». Le coup de foudre est immédiat : peu de temps après cette performance, King Diamond lui annonce qu'il intègre son nouveau groupe homonyme, devenant ainsi son fidèle lieutenant pendant plusieurs décennies.
C'est alors que s'ouvre un nouveau chapitre de plus de trente ans, parsemé d'histoires horrifiques marquantes et de cartouches magiques de heavy metal. Pour illustrer les riffs qu'il crée avec son compère Michael Denner, le parolier tire de son imagination débordante un personnage de fillette, Molly, âgée de 4 ans, qui coule des jours heureux avec sa mère Jane, qui l'aime tendrement. Un peu trop, même. Cet amour devient dévorant, exclusif, jusqu'à ne plus pouvoir supporter la pensée qu'une autre qu’elle pose les yeux sur la chair de sa chair. Pour garder sa Molly juste pour elle, Jane la peint dans un magnifique portrait qu'elle ensorcelle et jette dans le feu, afin de rendre son esprit immortel. Elle enferme ensuite sa gamine dans le grenier et la laisse mourir de faim. Sept ans plus tard, l'enfant qu'elle a sacrifié à sa folie revient la hanter au cours de cinq morceaux qui forment le premier concept de King Diamond : « The Candle », « The Jonah », « The Portrait », « Dressed In White » et « Haunted » encerclent Fatal Portrait, faisant de ce « debut album » l'un des seuls du groupe qui ne soit pas entièrement voué à raconter une histoire d'horreur (avec The Spider's Lullabye en 1995), comme seul le roi Petersen sait les écrire. C'est aussi l'un de ses principaux défauts : alors que plusieurs réalisations futures du groupe parviendront à m'immerger totalement dans leurs contes horrifiques, ce premier effort n'a pas la cohérence interne de ses successeurs.
C'est aussi un album de transition, marqué par l'ombre de Mercyful Fate et du chef-d'oeuvre qui avait conduit à la séparation du groupe, Don't Break The Oath (1984). Il faut dire que King Diamond n'a pas tout à fait la même qualité de composition que Hank Shermann. Son riffing est dans un premier temps plus simpliste et moins varié que celui de son camarade. De même, les claviers y sont surtout utilisés en introduction, pour installer une atmosphère sinistre qui habitera les interludes du combo, alors qu'ils étaient moins accessoires dans les morceaux du Fate. Il faut s'en remettre aux mid-tempi racés qu'il sculpte sur ce Fatal Portrait pour trouver les qualités essentielles propres à King Diamond. L'énormissime morceau « The Jonah » en révèle déjà bon nombre, à l'image de la rythmique rampante à la Black Sabbath qui ouvre le morceau, avant de laisser la place à un motif emblématique qui tyrannise les cervicales. L'école Petersen tourne déjà à plein régime, dans les tempi plus lents comme dans les envolées lyriques : le morceau suivant, « The Portrait », combine les deux avec une certaine maîtrise. La transition ralentie entre deux avoinées fulgurantes a déjà des allures de riff historique. Le tube « Halloween » ou encore l'exceptionnel « Lurking in the Dark », avec son solo possédé, révélaient aussi cette efficacité démentielle que le combo cultivera dans le futur.
Mais tout se joue au niveau de la voix qui porte ses hymnes retentissants. En effet, King Diamond a également ramené de Mercyful Fate son organe extraterrestre. Cette voix de sorcière sans âge n'a pas son pareil pour habiter ses salves heavy metal : tantôt suraiguë, tantôt grave, sa tessiture improbable entre deux extrêmes transforme tout ce qu'elle touche en or massif, pour peu qu'on adhère au projet. Il n'y a qu'à entendre ses incantations démoniaques au début d' « Halloween », lorsqu'il intervient après un premier riff retentissant :
« Every night to me is Halloween
Like an ancient scene,
You know just what I mean. »
Les tremoli d'enfoiré qu'il arrive à atteindre sur les rimes « Halloween / Scene / Mean » résument à eux-seuls la performance irréelle dont il se targue sur ce premier opus. C'est qu'il fallait en tartiner partout pour faire oublier l'ombre envahissante du Fate et affirmer le règne de son groupe homonyme naissant. Pas de doute, le message est bien compris : « Here I am, blinded again by that flame. », nous dit-il dans le premier couplet revanchard de « The Candle ». Ses cris d'orfraie qui interrompent le rouleau compresseur de cette ouverture le propulsent sur le devant de la scène. Il ne la quittera jamais, en faisant des caisses sur chaque album de son groupe homonyme qui lui laisse toute la latitude nécessaire. Il garde tout de même une belle place à ses guitaristes : leurs soli bombent le torse en apportant aux auditeurs leur dose réglementaire de virtuosité et de mélodies dissonantes. Leurs envolées en duo, sur les morceaux « Dressed In White » et « Haunted », rythmés par la basse aventureuse de Timi Hansen, font partie des réussites de ce disque.
Néanmoins, King Diamond n'est pas encore au faîte de sa créativité. Fatal Portrait, bien qu'il soit très agréable à écouter et qu'il fasse sans problème partie des albums cultes du groupe, comporte quelques passages qui marchent moins bien, des morceaux un brin longuet, un peu répétitifs, qui peuvent même aller jusqu'au remplissage (« Charon »). La frappe mécanique de Mikkey Dee, qui ne se permet guère de folie, ne sert pas toujours les riffs inspirés qu'ils soutiennent. Tout comme la production, trop poussiéreuse pour donner le relief que ces morceaux réussis auraient mérité. Ce « debut album » donne donc l'impression d'un groupe un peu hésitant, cherchant son chemin dans la pénombre d'une chambre ardente. King Diamond le trouvera bien vite, à la faveur des idées terrifiantes qui cognent dans la tête de son maître à penser. Elles ne demandaient qu'à sortir...
| Voay 4 Avril 2021 - 1380 lectures |
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