Abigail (1987) avait marqué les mémoires à plusieurs titres : en accouchant d'un premier chef-d'oeuvre,
King Diamond s'affirmait comme un groupe imparable. Son leader et vocaliste s'émancipait de plus en plus de l'ombre de
Mercyful Fate, séparé depuis 1985. D'autant plus que ses deux transfuges, Michael Denner et Timi Hansen, quittaient le navire pour être remplacés par Pete Blakk (guitares) et Hal Patino (basse) qui commencent leur collaboration avec le groupe lors de l'enregistrement de
« Them » au MMC Studio à Copenhague. Le Suédois Mikkey Dee continue d'en tenir les fûts. Cette équipée est évidemment toujours pilotée par King Diamond (voix), qui compose la plupart des morceaux et écrit toutes les paroles de ce disque. Andy LaRocque (guitare) se fait une place de choix ici en composant trois morceaux. L'album précédent faisait déjà franchir un cap au groupe dans la richesse et la variété de leurs compositions :
« Them » ne faisait que confirmer cette progression et maintenait leur heavy metal occulte à un très haut niveau.
Cet opus de 1988 est également une grande réussite grâce à son concept, encadré par l'introduction « Out From The Asylum » et les deux conclusions « Coming Home » et « Phone Call » (morceau bonus) qui instillent avec leurs samplers horrifiques une atmosphère terrifiante, renforcée par la lettre laissée par le personnage principal qui raconte en les éludant des événements traumatisants de son enfance. Ils ont eu lieu dans la demeure de sa grand-mère, fraîchement revenue de l'asile. Le jeune King y vit avec sa mère et sa sœur Missy. Ses lumières allumées percent la nuit bleutée qui surplombe la belle pochette de cet album, laissant peu de place au doute : il se passe des choses dans ce manoir, baptisé Amon. L'aïeule, dès son retour, entretient des attitudes étranges, comme ce service à thé qui entre en lévitation dans le morceau « The Invisible Guests » ou encore ses palabres énigmatiques à propos d'invités invisibles et de « leurs » voix qui la pousseraient à commettre des actes atroces. Le jeune King révélait d'ailleurs dans sa lettre, véritable appel au secours, que le cou de son grand-père avait été séparé de son corps dans de mystérieuses circonstances. Pour l'heure, l'ancêtre, passablement irritée par sa curiosité, lui somme de retourner dormir, lui promettant des révélations ultérieures.
C'est bien le King Diamond adulte qui hante cet album de sa voix possédée. On connaissait déjà depuis
Fatal Portrait (1986) sa faculté à transcender des riffs heavy metal ravageurs par sa voix schizophrène. Ici, outre son registre habituel composé d'envolées suraiguës, de choeurs gutturaux qui évoquent les démons de la mansarde (« The Accusation Chair ») ou encore de tremoli virtuoses, il campe le personnage de la grand-mère avec une grande dévotion, adoptant une tessiture éraillée atypique et vieillissant sa voix pour offrir à son personnage un relief incroyable. Il pose d'ailleurs en fauteuil roulant sur la pochette pour coller au maximum à son personnage, dans un visuel devenu culte. Tout comme la scène qui s'offre à nos oreilles dans le morceau « Tea », lorsque l'odieuse mémé, dans un excès de folie, entaille le bras de son petit-fils pour verser son sang dans une tasse de thé, libérant ainsi les esprits pernicieux qui hantent Amon. « Leurs » pouvoirs explosent dans toute la maison, alors qu'ils s'emparent de la pauvre mère de King et Missy, la faisant mourir à petit feu. La sortie de l'asile était visiblement prématurée...
À l'inverse, le changement de studio fait du bien au son de
King Diamond. Ses guitares ont un grain plus ample, surtout quand le combo se permet d'ajouter des arpèges à la guitare acoustique pour souligner leurs mélodies (« Tea »). Les « palm mutes » et « power chords » caractéristiques du genre gagnent en profondeur, tout comme la batterie et la basse, bien mises en avant par cette production plus précise et appliquée. C'est ce qu'indique « Welcome Home », qui débute avec un pattern de batterie technique et une basse virevoltante et introduit une série de compositions travaillées et racées. Lorsque le tempo accélère, laissant retentir un solo ultime, la magie de
King Diamond opère à nouveau :
« Them », comme son prédécesseur, livrera sa part de riffs cultes, à l'image des harmonies de guitares fulgurantes qui ouvrent « Mother's Getting Weaker » ou encore « The Accusation Chair », dotés de l'une des lignes de basse torrentielles qui soutiennent cet opus. De même, les soli assurés tour à tour par Andy LaRocque et Pete Blakk offrent à cet album une belle intensité technique. Le clavier y est moins présent que sur ses deux aînés, ce qui confirme son aspect plus organique. Et ce malgré un enregistrement un peu chaotique : Hal Patino a du apprendre et restituer à la hâte les partitions de Timi Hansen, King Diamond et le producteur Roberto Falcao ont dû rajouter des harmonies de guitares après l'enregistrement pour palier aux oublis d'Andy LaRocque.
Ce troisième full-length comporte tout de même ses moments inoubliables, à l'image de son climax « Bye Bye Missy ». Ce morceau explosif au tempo changeant laisse exploser un riff monstrueux, lorsque retentissent ces lignes de chants terrifiantes :
« I saw Missy struggling in Grandma's wrinkled hands.
"Oh No, let me be, no, please, no.
Grandma' please, Grandma' you're hurting me.
Don't touch me or I'll break it, I've got the tea pot, I'll do it anyway". »
Lorsque King Diamond prend une voix d'enfant pour incarner les dernières paroles de Missy, je ne peux m'empêcher de frissonner. Il révèle le sacrifice héroïque de la petite, qui, en voulant défendre sa mère et son frère contre les esprits qui se déchaînent dans les travées d'Amon, s'oppose à la grand-mère démoniaque, menaçant de briser la théière par laquelle ils sont sortis. Elle le fait et en meure ; c'est à partir de ce moment que l'album entre dans son « money time ». Alors que le jeune King reprend du poil de la bête et les attire à l'extérieur de la mansarde pour les affaiblir, leur pouvoir s'amenuise. « STOP IT! », leur crie bravement le jeune héros quand explosent les riffs alambiqués de « The Accusation Chair », le sublime instrumental acoustique « Them » et la conclusion « Twilight Symphony », avec ses « palm mutes » épiques à en crever. Le jeune protagoniste, seul survivant de ces onze actes tragiques, est ensuite recueilli par la police. Cette affaire a l'air de bien finir... pour l'instant. Une suite était déjà en cours de macération dans le cerveau malade de son créateur.
Elle arrivera bien vite... en tout cas, à l'époque, cette histoire paraissait suffisamment puissante pour que des journalistes interrogent le frontman sur sa part autobiographique. Kim Bendix Petersen ne répondra jamais à cette question, préférant entretenir le mystère autour de ses inspirations. Reste que tout ce qui fait le charme du
King Diamond des années 80 se retrouve sur ce
« Them », malgré quelques longueurs, répétitions et facilités de composition qui le placent juste en-dessous de son prédécesseur. Ce nouvel album-concept continuait d'imposer les Danois parmi les têtes d'affiche de l'époque et montrait leur capacité à renouveler avec brio leur heavy metal occulte.
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