On dit souvent que les années 80 ont été l’âge d’or du Hard-Rock et du Metal en général, il faut dire qu’il a tout connu durant cette période avec la NWOBHM, l’arrivée du Thrash, du Glam improbable, de MTV et de tant d’autres choses de plus ou moins bon goût. Si on devait citer des groupes qui représentent le mieux cette décennie on pourrait facilement citer METALLICA, SLAYER et surtout IRON MAIDEN. En 1988 ces trois géants sont à leur sommet créatif car « …And Justice For All », « South Of Heaven » et « Seventh Son Of A Seventh Son » sortent à quelques mois d’intervalle seulement, chacun marquant les esprits et son territoire. Quand ce septième opus (pour rester dans le chiffre 7) est annoncé tout le monde se demande si le quintet va être capable d’aller encore plus loin que le fabuleux
« Somewhere In Time », ce à quoi on peut répondre par l’affirmative. En effet celui-ci va atteindre son sommet artistique, créatif et conceptuel qui prend son origine sur la légende du septième fils du septième fils qui est censé posséder différents pouvoirs divinatoires et paranormaux, et dont l’idée de travail est venue à Steve Harris après avoir lu le premier tome des « Chroniques d’Alvin Le Faiseur : Le Septième Fils » de l’auteur de science-fiction Orson Scott Card. Si le thème global est particulièrement ambitieux il voit aussi le retour au premier plan de Bruce Dickinson au sein de la composition, car sur le précédent il avait vu ses idées refusées et avait donc laissé Adrian Smith faire la part belle aux solos et arrangements sublimes. On peut également dire que ce dernier-né est le prolongement logique du voyage dans le temps proposé deux ans auparavant, tant le côté progressif a été poussé plus loin tout comme les claviers qui n’ont jamais retrouvé une place aussi prépondérante dans ce que proposera le groupe dans l’avenir.
Attendu par les fans du monde entier il débarque le 23 avril 1988 et déroute un peu de prime abord en se révélant plus difficile d’accès et demandant plus d’attention que tous ses prédécesseurs réunis, ce qui ne l’empêche pas d’entrer directement à la première place des charts britanniques (ce qui n’était plus arrivé depuis
« The Number Of The Beast »). Démarrant par l’excellent « Moonchild » il permet de mettre d’entrée le concept en valeur (expliqué en introduction par le frontman), car ce premier titre nous parle de magie et fait référence au « Liber Samekh » d’Aleister Crowley, en passant d’une longue introduction à la fois acoustique et spatiale jusqu’à un rythme enlevé qui nous mène jusqu’à l’explosion finale, et qui sur scène fait toujours son effet presque trente ans après son écriture. S’ensuit probablement un des plus beaux morceaux de cette galette, à savoir « Infinite Dreams » qui démarre en douceur avec des guitares tout en finesse et un chant mélodieux à l’extrême, mais qui n’oublie pas le côté progressif avec ses nappes de synthés présentes sans trop en faire, avant que l’ensemble ne fasse plus lourd et puissant tout en gardant une base technique impressionnante (les arrangements et parties de batterie sont monstrueuses) et que n’arrive une cavalcade onirique où les solos et riffs s’entrechoquent pour en offrir le meilleur, et où là encore son chanteur s’est surpassé. Car la sensation que celui-ci s’améliore derrière son micro à chaque nouvelle livraison est encore confirmée, tant il arrive à monter haut et à garder à la fois son lyrisme et sa vitalité légendaire, comme la plage suivante, le critiqué et critiquable « Can I Play With Madness » qui encore aujourd’hui voit s’opposer deux franges de fans, ceux qui y voient un titre bondissant, simple et accessible, et les autres qui le trouvent trop formaté radio et qui détonne au milieu du répertoire du quintet. Pourtant on trouve deux autres nouveautés plus « grand-public » qui ne font pas tâche du tout, en premier lieu l’incontournable « The Evil That Men Do » qui est toujours un grand moment en concert, et ce qu’il a composé de plus épique dans cet opus (qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler « The Trooper » écrit cinq ans plus tôt), avec un refrain repris en chœur et facilement mémorisable, à l’instar du mésestimé « Only The Good Die Young » qui clôt les débats en reprenant à peu la même base que précédemment. Ici il faut souligner la qualité des riffs et des solos qui sont probablement parmi les plus beaux jamais signés par la paire de guitaristes (tout en n’oubliant pas le jeu de Nicko Mc Brain qui s’est encore complexifiée mais qui ne tombe jamais dans la débauche outrancière), qui en termine par une reprise des propos du début du chanteur toujours avec ces notes douces et acoustiques.
Au milieu de tout cela « The Clairvoyant » ne montre aucune faiblesse également et revient encore aujourd’hui régulièrement en concert, car à l’instar des autres œuvres de l’opus elle se montre à la fois complexe, accrocheuse et agréable. Celle-ci a été la première composée et terminée pour celui-ci, et a été d’après le bassiste inspirée par la mort au même moment de la célèbre (et controversée) médium Britannique Doris Stokes, d’où les paroles teintées de spiritisme. En revanche « The Prophecy » se montre plus banale et passe-partout, rien de mauvais en soi mais comparé au reste elle est plus faible et s’oublie finalement assez vite, il faut dire que juste avant il y’a eu le morceau-titre et pièce-maîtresse de référence du combo (au même titre que « Rime Of The Ancient Mariner ») de pratiquement dix minutes qui laisse la part belle à la musique, les paroles y étant minoritaires et Bruce Dickinson sachant s’effacer quand il le faut. Ce dernier nous offrant lors de la première partie sans doute une des meilleures prestations en studio, avant qu’ensuite la succession de parties lead classieuses et qu’une longue fin plus épique (réhaussée de claviers mystérieux) ne finisse d’achever l’auditeur qui ne peut que rester bouche bée devant le boulot incroyable fourni, et surtout l’homogénéité de l’ensemble d’un groupe au sommet de son art (et qui ne retrouvera jamais ce niveau par la suite).
Ce que personne ne sait en revanche c’est que ce chef-d’œuvre marquera également son apogée et le début d’un déclin, notamment à cause du futur départ du brillantissime acolyte de l’inoxydable Dave Murray (et dont beaucoup de fans se demandent encore pourquoi ils ont choisi le calamiteux et clownesque Janick Gers pour lui succéder), dont l’absence par la suite se fera durement sentir, avec notamment moins de place laissée aux mélodies et harmonies. Bien qu’ayant surpris en son temps et ayant eu moins de succès que ces grands-frères, notamment aux Etats-Unis, le disque a depuis gagné ses lettres de noblesse et acquis un statut d’intouchable à l’instar de tous ceux créés précédemment par ses géniteurs, qui marqueront le pas durablement durant les années 90 qui leur seront moins favorables (il suffit d’écouter le suivant : « No Prayer For The Dying, pour s’en rendre compte), ceux-ci effectuant plusieurs mauvais choix et la déferlante d’une nouvelle vague rock et Metal va les ringardiser pendant quelques temps, avant un retour en grâce à l’aube du nouveau millénaire.
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