Moon - Render of the Veils
Chronique
Moon Render of the Veils
Cela fait un petit moment maintenant que le nom de Moon circule dans l'underground. Créé en 2007, ce one-man band originaire d'Australie – à ne pas confondre avec le groupe polonais – en est à son troisième album, sans compter les moult demo, EP, etc. Si les premiers essais avaient un air de « déjà-entendu », agréables sans être marquants, Miasmyr n'a eu de cesse de faire évoluer sa musique et s'affirmer. Beaucoup plus atmosphérique, prenant le pas sur le côté dépressif, Moon égrène de nouveaux adeptes au fil de ces sorties – notamment avec The Nine Gates (2013). Cependant malgré des efforts notables, il manque toujours un petit quelque chose pour faire véritablement pencher la balance et me laisser transporter dans l'univers de la formation. D'ailleurs ce n'est malheureusement pas la demo – dixit l'Australien – Clavicula Nox, parue en 2014, qui changera la donne. Car en dépit d'une recherche plus approfondie, avec des parties très dark ambient, l'ensemble reste bien trop bancal et doté d'un son ne rendant pas grâce aux compositions. Un résultat plutôt mitigé mais dont le fort potentiel ne demande qu'à éclore, ne faisant qu’accroître ma curiosité ainsi que l'envie d'en avoir plus de la part de Moon.
Et à la vue du logo toujours très aguicheur et de l'artwork des plus classieux, réalisé par Bone Divinations, de Render of the Veils – à paraître le 18 septembre – j'ai clairement senti le vent tourner avant même l'écoute de cette nouvelle œuvre. Présentée par la formation comme une post-production de leur demo citée plus haut, celle-ci se compose de neuf titres – dans un ordre différent – cadrés par une petite introduction ainsi qu'une longue outro. Rien de bien nouveau donc mis à part les deux instrumentaux ainsi que le remaniement de Clavicula Nox, dont chacun(e) pourra se questionner sur l'intérêt de sa sortie...il doit certainement y en avoir un mais il m'échappe. En effet, Miasmyr délivre ici une version plus aboutie et mature, aidée par une production aussi puissante qu'équilibrée – l'enregistrement et le mastering ont été effectués par Marly Lüske – permettant une plus grande lisibilité de chaque instrument. De même la voix se détache nettement du mix, gagnant en clarté. Néanmoins vous retrouvez l'aspect tant raw que granuleux, cher au one-man band, tout comme les samples et nappes de synthétiseurs tenant le beau rôle sans pour autant monopoliser l'espace – comme ce fût le cas sur la demo.
D'où cette sensation de grande fluidité ainsi qu'un côté tant éthéré qu'astral plus net et permettant de rentrer pleinement dans les ambiances développées par l'Australien. Dès les premières minutes, avec l’enchaînement « Immolation Euphoria »/« Modraniht », Moon semble tisser des passerelles entre deux mondes. Que ce soit l'introduction ambient fantomatique ou encore les guitares bourdonnantes, les plages sonores cauchemardesques – souvent supplées par des chœurs tout aussi dérangeants malgré leur douceur sous-jacente – la voix très arrachée semblant venir d'outre-espace sans oublier les parties plus lentes et mélodiques, tout est fait pour vous déconnecter de la réalité. Un fait accentué par des riffs à la fois basiques et hypnotiques – qui risquent d'en lasser certain(e)s – joués par la guitare lead, au son plus clair, ou les guitares rythmiques. Ces dernières créent d'ailleurs un véritable mur du son, surtout lorsque la cadence s'accélère, se rapprochant de Darkspace (« Oration As Vessel Of The Void » en est une bel exemple). Miasmyr vous entraîne loin très loin, montant crescendo dans la première partie de l'opus se concluant par l'interlude « Souls Secreted in Transparent Cells », avant d’amorcer une lente décrue.
L'ensemble est homogène et suit une parfaite logique, contrairement à la demo, laissant peu à peu place à des morceaux tant harmonieux que vaporeux, emplis de mélancolie. Le travail effectué sur les atmosphères est ici plus conséquent, alternant fréquemment voyage cosmique et visions spectrales – où plane l'ombre de Xasthur, avec notamment son Suicide in Dark Serenity. Ne vous attendez toutefois pas à une quelconque luminosité face à ce côté enchanteur ainsi qu'un propos d'avantage introspectif, seul le noir prédomine dans l’œuvre de Moon. Car vous sombrez lentement mais sûrement dans la folie au gré des minutes, plongés dans les abysses, à côtoyer des ombres et voyant les passerelles s'effondrer une à une. En résultent des compositions rampantes puant l'amertume comme « Mirror of Black Souls » ou d'autres franchissant un cap supplémentaire avec, en particulier, l'ambient « Corrosion Delirium », où ressort un fort sentiment d'abandon. Une fin toute en finesse, perturbante à souhait, qui vous donne envie de lâcher prise et vous laisser aller dans le néant.
Cependant si Render of the Veils a fait son effet lors de la première écoute, m'enthousiasmant même au point de le voir dans mon bilan 2015, le soufflet est bien vite retombé au fil du temps. La faute à des influences toujours trop marquées ainsi qu'un manque de variation (certains riffs ou nappes sonores deviennent vite lassants) qui casse le rythme et l'ambiance créée par Miasmyr. L'exemple le plus flagrant étant la paire « Casting the Shadow »/« As Stars Merge with Ice », qui aurait dû être amputée de quelques minutes – tout comme « Cold Delusions ». Est-ce du chipotage ? Mon dégoût dû à l'abus d'effets sonores, types vortex, a-t-il pris le dessus sur le reste ? Est-ce bien raisonnable d'écouter X fois un long-format dépassant l'heure de jeu ? Autant de questions sans réponses. Néanmoins, en dépit des défauts relevés ici et là, ce troisième album de Moon arrive à vous toucher par sa puissance émotionnelle et quelques morceaux sortant du lot tels que « Modraniht », « Hanged at the Gate » ou encore « Corrosion Delirium ». Le one-man band semble même prendre un tournant avec cette nouvelle réalisation, se plaçant comme point d'orgue de la discographie. Mais il va falloir redoubler d'effort pour passer le niveau supérieur.
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