J'avoue ne pas savoir comment introduire cette chronique. Si Undersmile a, depuis ses débuts, été pour moi un groupe compliqué sur lequel écrire – une anomalie, dont les références coutumières faites à Bloody Panda ou L7 ne sont que des effleurements d'une musique devant autant au funéraire qu'au grunge le plus féminin –,
Anhedonia franchit un tel palier qu'il rend hésitant sur la manière de le présenter. Nouvel album fort en œstrogènes à mettre aux côtés de
Sabbracadaver et
More Constant Than The Gods ? Erreur trop gourmande sur le papier, entre caresses de doigts fins et griffures de harpies, réussissant à être limpide, éclatante, comme une évidence que les Anglais ont été les premiers à trouver ? Ou alors « simplement » un grand disque amené à faire date ?
Non, rien de tout ça, car malgré son allure le faisant côtoyer le doom conjugué au féminin,
Anhedonia me donne surtout envie de dégoupiller Warning comme mise en garde. Au-delà de sa beauté de surface (qu'il a en long et large, l'expérience boisée du side-project folk Coma Wall étant certainement pour quelque chose dans une telle libération d'effets et raffinements à la fois discrets et prenants), ce nouveau longue-durée des Anglais a tout de l’œuvre de confessionnal, où chacun déballe ses peurs dans la chaleur réconfortante d'une soirée d'été entre amis. Nuit douce et souvenirs durs : si les personnes ayant seulement vu les frimousses maquillées de Hel Sterne et Taz Corona-Brown se disent qu'il s'agit ici de bête grunge titillant le bas-ventre, nul doute qu'ils auront quelques surprises à l'écoute de ces soixante-quinze minutes. Undersmile n'a jamais été un groupe aisé à aborder, entre élans enjôleurs et détresse continue, et il est ici à la fois à son plus avenant et son plus difforme, sans-pitié, au point que, dans la foule de noms qu'il donne envie de déballer, il n'en fait retenir que deux :
Watching From A Distance pour la désape impudique allant au-delà des os et Amber Asylum pour la délicatesse avec laquelle il épluche, lui et nous, jusqu'à ce qu'on se rende compte trop tard de la douleur ressentie. Écorché vif.
Cliché pour cliché, il fallait bien des femmes pour rendre pareil exercice ambigu aussi naturel. C'est bien là le tour de force d'
Anhedonia, faisant de ses longs formats traînants des massages où se laisser faire, au point de ne garder aucune mémoire de l'expérience malgré des bleus au cœur bien présents. Question sévisses et plaisirs, il y a clairement de quoi faire dans les lignes vocales désolées de « Aeris » (« Who can bring back everyone »), les leads devenant massives lors de la conclusion de « Atacama Sunburn » ou encore les montées s'arrêtant nettes de « Labyrinths ». Mais tout cela se passe avec une tendresse, une prudence, rendant encore plus sadiques les moments où Undersmile rapproche anhédonie et agonie, à l'image du final « Knucklesucker » où tout s’accélère un instant et retombe aussi sec, comme une dernière tentative au même goût d'échec.
Mais fi de tout cela, fi de la peine et fi des frustrations constantes sur lesquelles le disque pourra sembler aux oreilles distraites trop jouer :
Anhedonia ne s'arrête pas à ce spleen beau et vénéneux dont il réinstaure ici les racines anglaises.
Anhedonia console, fait de son aridité de surface un terreau où laisser pousser des sentiments impossibles à décrire bien qu'universels. S'il ne se destine pas à tout le monde, certains pouvant trouver ici que tout prend trop son temps, ceux attendant d'un disque plus qu'une accumulation d'instants majestueux, plus qu'une réussite formelle où pointer du doigt des passages à retenir, ceux s'intéressant à la musique comme à un livre trouveront ici de quoi ressentir, ces quelques secondes sublimes enluminant le reste. C'est que pour apprécier Undersmile, il a toujours fallu donner un peu de soi, s'ouvrir un peu, sans crainte du ridicule. Comme lors des plus marquantes rencontres.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo