Il y a énormément de groupes dans les styles que j'affectionne, des groupes loin d'être inintéressants mais sur lesquels, parfois, je n'ai pas d'avis particulier à transmettre. Et pendant un temps, Deveikuth a été de ceux-là malgré des qualités évidentes, à commencer par un extrémisme centré sur la lourdeur et la lenteur assez rare dans notre pays. Une bizarrerie qui n'est pas passée inaperçue,
VII-π-III, précédent essai de 2015, ayant même eu les faveurs du site Cvlt Nation dans un de ses tops de l'année ! Mais non, en dépit de tout cela, rien à dire sur lui, excepté que je trouvais jusqu'au ci-présent disque que sa musique était « honnête », autant sur le plan qualitatif que celui du ressenti. Un dégoût et un amour de la torture qui n'étaient pas feints, mais qui ne me touchaient pas encore assez.
On le devine : Deveikuth est désormais passé pour moi dans une autre catégorie. Il faut dire que les Français ont mis les petits plats dans les grands avec
0.∅ jusqu'à un visuel signé par Seth Goodkind, illustrateur qui, en plus d'avoir réalisé les faces extérieures et intérieures de l'objet, a dessiné en guise de livret un comic de quatre pages basé sur les paroles du groupe. Rien que l'objet en lui-même vaut l'achat, son prix modique et sa rareté (cinquante exemplaires pressés) me l'ayant vite rendu obligatoire sans même avoir jeté une oreille sur son contenu.
Et heureusement, le reste s'est avéré à la hauteur ! À mon sens autrefois trop fourre-tout et rébarbatif, Deveikuth a donné à ses compositions basées sur les pathologies mentales une cohérence qui fait mouche. Quelques riffs, mais les bons : sans être excessivement novateur, son mix entre drone, sludge et noise fonctionne pleinement grâce à des effets simples, à commencer par cette voix dérangée, stridente et sous-mixée qui donnera des frissons de plaisir à qui apprécie se faire peur en écoutant Khanate ou Wreck of the Hesperus. Une dernière formation dont Deveikuth semble être un enfant direct, son obsession pour l'ultrasick ainsi que son jeu répétitif, sans-pitié derrière ses rythmes avançant par tremblements, me rappelant l'atmosphère psychiatrique et hagarde, gavée aux médicaments, de
Light Rotting Out.
Un style daté en somme, mais possédant assez de personnalité pour donner envie de conseiller
0.∅ à d'autres amateurs de saloperies que les seuls nostalgiques d'une époque où ce genre de formations pullulait, à l'image de ce deuxième morceau presque tribal, définitivement jazzy, où les amplis baissent de plusieurs tons et craquent, pour un rendu tendu qui, dans ses ambiances, évoquera des souvenirs aux fans de Silent Hill et The Axis of Perdition. Une preuve supplémentaire que ces trois-là en ont sous le casque pour ravir qui aime se démonter le crâne en toute sobriété, bien que j'espère que la suite apportée à ce disque ira un peu plus loin dans l'étrangeté, l'ensemble n'ennuyant jamais mais laissant encore un sentiment de « pas assez ».
Pour finir, un avertissement : Deveikuth ne plaira clairement pas à tout le monde. Mais, étant donné cette pochette et les mots écrits plus haut, ai-je vraiment besoin de le préciser ?
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