Il y a des albums qui s’écoutent comme on lit un livre, des albums qui tirent leur attrait dans cette sensation d’être pris dans une histoire, un imaginaire qu’ils transmettent de leurs instruments. Plus qu’une compilation de bons et mauvais moments, c’est cette impression qui se dégage, nous transporte avec elle jusqu’à une fin où l’on referme la boite avec l’envie de la ranger dans sa bibliothèque. Ces albums sont rares et on les goûte comme tels.
Il est encore plus rare que cette narration se trouve dans un split, où deux artistes, malgré des liens de style entre eux, se contentent généralement d’offrir chacun un succédané de ce qu’ils font en solitaire. C’est pourtant le tour de force que parviendra à faire Undersmile, par deux fois.
Car peu de temps après le roman horrifique de fin d’été de
Wood & Wire avec le doppelgänger Coma Wall, voilà que les Anglais réitèrent en collaboration avec un autre groupe, le duo drone / doom Bismuth. Clairement, si le projet de Tanya Byrne et Joe Rawlings m’a toujours un peu ennuyé sur le temps long, le morceau « Collapse » est des plus convaincants. Il faut dire qu’il profite d’une pochette enfantine et mystérieuse qui donne envie de plonger dans les dix-sept minutes du titre en imaginant une histoire se déroulant dans son décor. Avec ses guitares lourdes, sa production organique, son chant enfiévré, maléfique et onirique, il s’accorde tout à fait avec cette illustration d’une forêt extraterrestre où l’être humain est seul et minuscule, victime offerte aux habitants se terrant en son sein. Une menace qui rôde, enroule et se déroule dans l’air mais avec une présence palpable, que les différentes oscillations du son font ressentir comme proche et écrasante. Dans cette version crue, adulte et lovecraftienne du petit chaperon rouge, on s’emprisonne là où on croit au départ s’évader, dans l’attente craintive du loup prêt à surgir.
Une hostilité permanente, surnaturelle, qui trouve sa suite dans le morceau d’Undersmile « Titanaboa ». Alors que Bismuth peignait une forêt mystérieuse et agressive, faisant craindre de voir un monstre surgir, la bande à Taz Corona-Brown et Hel Sterne nous enlise et nous happe, par des guitares et chants étalant leurs notes funestes. Un titre qui nous dit alors qu’il est trop tard, que la recherche d’un ennemi derrière les hauteurs était l’erreur causant notre perte : c’est cette nature alien qui veut notre mort, nous invitant en elle pour mieux nous perdre. Pleinement conscientes du destin tragique qui nous incombe, les marionnettes que nous sommes devenues, prises dans ce conte sordide, acceptent alors la sentence, coulant dans ce décor doré et assassin, un vent permanent leur élimant le corps. On connaît la beauté macabre dont la formation est capable ; elle est ici pleinement présente, jusqu’à l’envie de s’endormir comme on meurt après son écoute. Usé et apathique dans l’horreur. Vaincu, en corps et en esprit.
Malgré tout, ce split entre Bismuth est Undersmile reste une histoire moins enivrante que celle de
Wood & Wire. Son caractère modeste, moins prenant (il manque ici un climax nous enterrant définitivement), accentue cette impression de conte noir et enfantin, après lequel remonter sa couette et laisser la lumière allumée. Pas sûr de parvenir à faire de beaux rêves pour autant. Bonne nuit.
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