The Rodeo Idiot Engine - Malaise
Chronique
The Rodeo Idiot Engine Malaise
« Malaise », voilà un titre d'album intéressant. Qui plus est lorsque ce qu'il évoque est directement confirmé à la vue d'une pochette. Pour sûr, ce nouvel album des routards de The Rodeo Idiot Engine nous est livré avec un visuel plutôt étrange et peu commun (peut-être une petite ressemblance avec le design du
« Inhibition » de Decline Of The I qui s'axait aussi sur ce parti pris des chairs grisâtres et comprimées) qui a eu le mérite de m'intriguer directement et de très vite cerner le concept de prostration proposé par les Basques. The Rodeo Idiot Engine et moi, c'est une longue histoire d'amour et de désamours. J'avais découvert le groupe en même temps que l'essentiel de l'écurie Throatruiner il y a déjà quelques années. J'avais apprécié « Fools Will Crush The Crown », son énergie décharnée, ses réminiscences de Screamo et sa haine palpable. Malheureusement, j'avais nettement moins apprécié l'opus suivant (« Consequences ») et il aura fallu une très bonne prestation live au
Throatruiner Festival MMXV de Strasbourg pour me réconcilier avec l'énergie brute de décoffrage de nos cinq gaillards.
Un concert dès plus couillus, alliant violence jusqu'au-boutiste et émotions galvanisées qui m'a donné l'envie d'aller creuser cette dernière livraison toujours épaulée par Throatruiner Records et par Amaury Sauvé derrière la console de mixage. On commence donc avec un « Le Parfum » probablement en référence au roman de Süskind (qui est très bon, de même que son adaptation cinématographique, soit dit en passant) et qui sans vouloir vous spoiler l’œuvre se révèle être – quand on en connaît le propos - une entame thématique noire des plus judicieuses. Et comme dans le roman, tout ici sera question de balance entre une crasse omniprésente et une recherche de la beauté, de l'intensité et de la pureté qui se révélera hélas être un échec, pour notre plus grand plaisir d'auditeur. Car oui, The Rodeot Idiot Engine souffre et clairement pas qu'un peu, comme en témoigne par exemple un morceau comme « Syngue Sabour » d'une tension exemplaire, autant en ce qui concerne l’oppression générale que pour son final qui touche clairement du doigt une profonde sensibilité et un grosse dose de désespoir.
« Malaise » persiste à nous balancer à la gueule des hymnes déconstruits mais toujours porteurs d'une grande émotion, de celles qui dépassent l'artiste. « Je Me Noierai » par exemple début avec une agression sonore non-feinte, à base de passages désynchronisés où le chaos se fait maître du jeu. Mais cela dit, The Rodeo Idiot Engine se sert de ses racines / écoutes plus Screamo et prend un malin plaisir à nous proposer un final ceinturé et d'une grande sensibilité. La mélancolie et la tristesse sont plus que palpables sur ce nouvel opus et je dois bien avouer que c'est quelque chose qui me plaît et qui me parle vraiment, même quand le groupe prend le risque de ralentir le tempo : on citera alors l'excellent « Ildoak », son démarrage tribal à base de percussions ritualistes et sa très longue ascension vers l'explosion spirituelle. C'est une atmosphère fouillée et unique qui me fait penser aux tambours frappés pendant des heures lors des transes collectives Haïtiennes. On retrouve ce type de feeling, une partie primitive de l'être humain enfouie mais paradoxalement reliée à un monde dont on ignorerait absolument tout. Comme si le fait de lâcher totalement prise et d'aller chercher au fond de soi la souffrance pour la ressortir était un fait nécessaire pour accéder à quelque chose de plus net, de plus précis : aux réponses en quelques sortes. Et dans le cas de figure musical qui nous intéresse aujourd'hui, ce cheminement et cette « réponse » est illustrée par le cri final sur « Illdoak ». Quand un morceau vous inspire à ce point là, on peut facilement en conclure qu'il est très bon.
De même le groupe s'offre de nouvelles manières de composer, plus fines, plus travaillées et plus inventives, avec des passages plus variés et l'apport d'autres instruments (du violoncelle par exemple) et des bribes de pure énergie Black Metal (« Makurrak » et son chant qui semble être en langue Basque). On notera aussi un « Final Relief » franchement Punk dans l'esprit avec ses deux minutes de Riffing à fond les ballons. Malgré quelques instants où la formation semble perdre de vue la tension et par la même, perdre l'attention de son auditeur, « Malaise » reste une bonne surprise à mettre au rang des disques qui sans prétention aucune sauront vous faire plaisir cette année.
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