Pénitence Onirique - V.I.T.R.I.O.L
Chronique
Pénitence Onirique V.I.T.R.I.O.L
On ne le dira jamais assez mais la France a de la chance d’avoir au sein de sa scène Metal autant de groupes d’une telle qualité, aidés en cela par des labels qui mettent les petits plats dans les grands n’hésitant jamais à proposer des packaging sublimes, même pour des formations débutantes et quasiment inconnues. Dans ce domaine « Les acteurs de l’ombre » et sa division « Emanations » sont parmi les meilleurs exemples nationaux, tant ceux-ci ont pris l’habitude et le risque de signer des jeunes combos tout en les mettant dans la lumière à bon escient, à l’instar de PENITENCE ONIRIQUE. Débarquant de nulle part (ou plus exactement d’Autricum, devenue aujourd’hui Chartres) le duo mystérieux dont on ne sait que peu de choses, est une des plus fortes attentes en cette rentrée qui grouille de sorties de haut niveau, et autant dire qu’on n’est absolument pas déçu car ils ont probablement signé un des albums de Black de l’année, qui a tout pour devenir un classique intouchable au sein de la productive scène hexagonale.
En effet le travail musical fourni par Bellovesos (qui s’occupe de tous les instruments), et de son acolyte Diviciacos (qui s’est chargé du chant et des paroles) est proprement impressionnant, tout comme la partie artistique et photographique réalisée par Mathieu Voisin. Car ils ont réussi à créer un style visuel mystérieux et splendide en raccord parfait avec les cinq morceaux de l’album, dont l’ordre réussit à nous tenir en haleine de la première à la dernière seconde des trois-quarts d’heure de cet opus, ce qui est une vraie performance car ceux-ci oscillent entre huit et onze minutes chacun. On s’aperçoit de tout cela dès que retentit « L’âme sur les pavés » qui directement nous balance ses riffs glaciaux et sa batterie tout en vitesse, où se joint ensuite un chant écorché totalement possédé, dont l’ensemble n’est d’ailleurs pas sans rappeler les deux premiers disques d’EMPEROR. Mais à la différence des norvégiens il n’y aucun clavier (et il n’y en aura pas une seule note tout du long) ce qui est encore plus fort tant on est tenté de croire qu’il est présent, la production et le jeu de la guitare y sont d’ailleurs pour quelquechose, ainsi que le mixage final qui laisse beaucoup d’espace au côté atmosphérique en nous emmenant très loin dans les tréfonds du cerveau humain. En mettant en avant une ambiance légèrement épique où la musique prime sur les paroles les deux têtes pensantes ne souhaitent pas en faire trop au niveau technique afin de primer sur l’efficacité, et de poser les mots avec parcimonie au milieu de longues plages instrumentales où de nombreuses variations se font entendre, pour que l’auditeur reste réceptif au message vu qu’il est déjà bien parti dans un monde sombre, froid et envoûtant.
Avec « Le Soufre » on se retrouve avec la compo la plus brutale et radicale, car le tempo ne ralentit quasiment jamais pour nous offrir un voyage au plus profond de la folie et du mysticisme, où l’on est happé par cet ensemble qui nous laisse scotché et qui se savoure avec délice, avant d’enchaîner sur « Le Sel » qui va réussir l’exploit de nous emmener encore plus haut et plus loin dans un voyage existentiel et philosophique. Car débutant par un bruit de vagues et une guitare très triste et mélodieuse, cette longue introduction monte progressivement en intensité avec l’apparition de roulements de toms puis de parties de double explosives. Cependant l’ensemble sait se calmer et laisse ensuite beaucoup de place à un tempo lent qui permet de nous emmener encore plus loin et de nous apaiser grâce un petit solo à la fois doux et planant, où l’on a la sensation de pratiquement quitter notre enveloppe corporelle pour partir vers l’inconnu. Mais on revient à la vie à la fin de ce titre quand de nouveau les gars décident d’alourdir encore une fois leur son (le tout sans jamais lâcher un seul blast), qui s’achève de la même manière qu’il a commencé, via le bruit apaisant de la mer. Après cette sublime expérience proche de la sensation de mort imminente d’où l’on ressort apaisé et heureux, place au morceau-titre où l’on croit deviner que quelqu’un est passé de vie à trépas, car l’ambiance du début est au recueillement et à la veillée funèbre, via des notes tout calmes et remplies de tristesse. Cependant tout finit par s’emballer avec un mélange entre cris inhumains et blasts de folie où se mêle une grande variété dans la batterie, agrémentée par des riffs glaçants et coupants qui créent une noirceur proéminente, avant que de nouveau tout se termine par un grand ralentissement, afin de ne pas perdre le contact et le fil de la vie de l’auditeur. Encore une fois le résultat est magnifique d’intelligence tant on sent que chaque note, mot et passage ne sont pas là par hasard, et qu’ils sont le fruit d’une réflexion mûre et profonde, conjugués à une culture musicale très large et de qualité, comme sur « Carapace de Fantasme Vide » qui clôt tout cela avec brio. Ici on termine comme on a commencé avec de la brutalité et de la vitesse, mais toujours sans linéarité et avec beaucoup de classe, un terme qui sied parfaitement à la globalité du disque.
On peut dire en effet qu’on est en présence d’un combo et un album très classieux, où le bon goût n’est pas un vain mot et où la multitude d’influences et de concepts est choisie avec le plus grand soin. Car se retrouver pêle-mêle avec de la philosophie, de l’avant-gardisme, de l’ésotérisme, de la littérature, du fantastique et du spiritisme… n’est pas une tâche aisée, surtout pour les faire cohabiter tous ensemble, et pourtant bien que l’ensemble musical puisse paraître simple et répétitif il y’a un travail de fourmi derrière qu’on ne peut que saluer car rien n’est laissé au hasard. A la fois apaisant et angoissant (tout en n’empêchant pas la réflexion sur notre futur après notre vie terrestre) cette première sortie du duo nous laisse véritablement k.o tout en faisant date en cette année qui a pourtant vu défiler de la qualité au kilomètre. Celle-ci sera sans doute candidate au titre de l’album de l’année, ce qui ne sera pas usurpé loin de là car tout y est parfait et rien n’est à jeter, ce qui est de plus en plus rare pour un premier opus.
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