Pénitence Onirique - Nature Morte
Chronique
Pénitence Onirique Nature Morte
Ayant comme d’habitude pris son temps pour mieux revenir en force, PENITENCE ONIRIQUE a mis cette fois pratiquement quatre années pour donner un successeur au très bon
« Vestige » qui voyait la formation s’agrandir avec de nouveaux musiciens à plein-temps, chacun d’entre eux ayant amené sa patte musicale et permettant ainsi d’offrir un disque plus dense et varié que son prédécesseur. Ce constat positif va d’ailleurs continuer sur ce troisième opus qui reprend les choses où elles en étaient restées, tout en continuant d’explorer de nouveaux horizons spatiaux et psychologiques afin de continuer à emmener l’auditeur très loin de son quotidien et lui faire découvrir de nouvelles sensations inexplorées proches d’une quête personnelle et spirituelle. S’il n’y a rien de neuf en revanche il faut bien avouer que l’entité protéiforme propose ici une musique plus directe et moins hermétique que par le passé, qui fait que même sans changer de direction musicale on a l’impression d’avoir droit à de la nouveauté. En effet conservant ces accents solaires et lumineux l’exécution va aussi être plus violente et frontale, ajoutant également un soupçon de noirceur au milieu de ces élans mélodieux comme le point de départ de ce disque intitulé « Désir » va le prouver, en mettant d’entrée tout le monde d’accord.
Car après une longue introduction aux accents fantastiques le sextet va ensuite jouer sur l’alternance avec de longs blasts futuristes et débridés, bien calés entre des passages rapides tempétueux et d’autres très lents et rampants au ciel changeant et s’obscurcissant. Jouant autant sur les ténèbres que la lumière ce morceau d’ouverture nous gratifie en prime d’un solo tout en clarté avant que les éclairs et orages ne reviennent terminer le travail sous la forme d’un tabassage intense, nous faisant passer en à peine six minutes par toutes les saisons possibles. On se rend compte du coup que ça joue allègrement sur le grand-écart avec force et fluidité sans sensations de redondance, vu qu’on est immédiatement immergé dans l’univers voulu par ses créateurs qui se font plaisir ici et placent la barre très haut en matière d’émotions comme de qualité intrinsèque. Suite logique de cette première compo « Les Mammonites » va continuer sur cette lancée en gardant les mêmes éléments, tout en se montrant plus virulente au milieu des éclairs solaires calés entre les nuages et le brouillard où l’ensemble joue le grand-écart plus poussé, entre une lenteur exacerbée qui rampe au milieu des longues parties au tabassage intensif... tout en étant toujours aussi efficace et furieux. Pourtant il était dit que cette première partie n’allait pas se répéter car avec « Nature Morte » ça va changer radicalement d’ambiance vu qu’ici aucune trace de virulence débridée n’apparait, mais au contraire des accents doux et progressifs qui sont mis en valeur avec simplicité et facilité, notamment de par les guitares qui s’épaississent en donnant un sentiment de rupture imminente... notamment quand ça propose des passages syncopés du plus bel effet. Beau sans en oublier d’exploser quand il le faut cette plage prouve que ses créateurs savent se magnifier quand il le faut sans être dans le synthétique et l’indigeste, tout en levant le pied pour garder leur force de frappe afin de faire ici un des bijoux de cette galette qui n’en manque pourtant pas.
Servant de parfaite transition avant la seconde moitié l’interlude « Lama Sabachthani » se montre d’obédience atmosphérique et douce (nous envoyant aussi bien vers le bouddhisme et la paix intérieure que du côté d’un long voyage intérieur vers l’éternité et l’infini), et va servir de tremplin au magnifique et magnétique « Je vois Satan tomber comme l'éclair » qui va miser sur les volets les plus extrêmes du combo entre proximité de l’éruption et son explosion finale comme pour signifier que le renouveau post-mortem est en cours, et qu’il va surtout aller crescendo. Car reprenant les mêmes ingrédients que précédemment « Pharmakos » va lui miser sur un versant plus futuriste et synthétique sans pour autant être impénétrable et plastique, vu qu’il nous gratifie d’un lead magnifique et de relents martiaux implacables en cohérence avec la diversité rythmique régulière où l’on se surprend à se balader presque en orient. En effet ici place aux grandes étendues désertiques et aux mystères qui les entourent, semblant presque nous submerger d’émotions tout en nous prenant aux tripes tel que Théodore Monod ou Charles de Foucauld l’avaient perçu en leurs temps aussi bien du côté du climat que du religieux. Se terminant par le féérique et presque jazzy « Les Indifférenciés » cette ultime composition se distingue par son absence de virulence au profit d’une dernière salve de tristesse et d’atmosphères diverses, où ça reste rampant et répétitif dans le bon sens du terme vu que ça permet de totalement s’imprégner de la cérémonie d’adieu au défunt qui file tranquillement et directement vers le ciel dans le calme pour y trouver l’éternité et un repos mérité en étant en paix.
Féérique et riche en harmonies cette conclusion clôt ainsi un long-format impressionnant qui à l’instar des précédents va demander du temps et de la patience pour être totalement assimilé et appréhendé, même si cela se fera ici un peu plus rapidement que les autres fois. Trouvant le moyen d’élever son niveau sans se perdre en chemin et jouant encore plus sur l’alternance rythmique comme sur les ressentis corporelles, le monstre à six têtes signe une fois encore une œuvre à part au sein de la scène Française qui marquera l’année de son empreinte confirmant s’il le fallait qu’il est bel et bien un fier étendard de la scène noire hexagonale. Conservant son aura et son charme sans se renier il propose néanmoins une évolution douce et progressive qui lui sied parfaitement, où l’on passe par tous les états psychologiques et sensoriels possibles et inimaginables nous montrant que le terme servant de titre à cet enregistrement n’est pas seulement l’apanage des peintres, vu que malgré sa simplicité de façade le sujet est bien plus complexe qu’il n’y parait. Chapeau donc à ces pénitents qui transforment la mort en beauté en la rendent plus belle et joyeuse et surtout moins flippante... prouvant qu’il y’a sans doute quelque chose qui nous attend au-delà du terrestre et qu’il s’annonce radieux, comme le montre ce résultat général de haute intensité qui pénètrera l’âme de ceux qui se donneront la peine d’entrer dans cette expérience surprenante, apaisante et chaotique pour un bon moment, et qui auront du mal à décrocher en route une fois l’écoute enclenchée.
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