Les classiques de Sakrifiss : 3/12
Troisième épisode des Classiques de Sakrifiss. Et pour continuer dans l’original, mais dans l’excellent, voyage au Japon après être allé en Inde avec
CRY et en Corée avec
SAD LEGEND.
Le Japon, c’est le pays où je vis depuis plus de 15 ans. Et c’est aussi l’un des pays dans lequel le mot underground a gardé toute sa signification. Parce que même si l’on dit, exagérément, que le Pays du Soleil Levant est aussi celui du Heavy Metal, il n’est absolument pas celui du black metal. Alors oui, il existe des groupes, mais leur promotion est proche du zéro absolu. Je vous renvoie d’ailleurs au dossier que j’avais réalisé sur le sujet (
ici) et qui éclairait beaucoup sur le manque d'attention au style dans l’archipel. Un engouement quasi inexistant auprès des Japonais pour leur propre scène et une reconnaissance parfois plus forte à l’étranger.
SIGH,
SABBATH ou
ABIGAIL ne disent rien à la majeure partie de la population.
C'est véritablement un fait : l'exposition des groupes est de plus en plus calamiteuse. Alors oui, on a entendu parler de
COHOL ces derniers temps, mais c'est à peu près tout du côté des nouveautés. Moi-même qui connais très bien la scène ne trouve presque plus de sorties. En 2016, j’ai compté une quinzaine d'albums. Dont quatre proposés par
BÄRGLAR et trois autres par
KYOMDARAK. Et depuis que Zero Dimensional Records à un peu lâché la corde qu’il tenait bien, aucun autre label ne s’est sacrifié pour offrir un meilleur espace au BM nippon. Il faut alors aller voir du côté des bandcamp tant le Japon semble délaisser le format matériel. Et là on peut trouver et soutenir
SUMERAGI, nouveau venu conseillé. Et heureusement il y a monsieur
ARKHA SVA qui multiplie les projets parallèles dont le prometteur
ANGUIS DEI, chroniqué dans ces pages.
Quel dommage quand on sait que le pays peut être bon. Oui à
MAGANE,
KANASHIMI,
INFERNAL NECROMANCY,
TYRANT et d’autres déjà cités. Et surtout, surtout, oui à
ENDLESS DISMAL MOAN. Un groupe pour lequel vous ne risquez pas d’avoir de nouvelles maintenant puisque sa tête à penser, Chaos 9, s’est suicidé en 2008. Raaah, il fallait que l’un des meilleurs acteurs du black japonais se tire une balle... Bon, sa musique était très perturbée, donc certains vous diront que son geste était prévisible. Moi je dis que quand on voit le nombre de membres de groupes dépressifs survivre aux années et finalement rentrer dans le rang au lieu d'entrer dans un cercueil, on se demande jusqu’à quel point les attitudes peuvent être trompeuses... Takuya Tsutui était donc un véritable haineux et il nous a quittés, laissant derrière lui trois albums torturés, extrêmes et dégueulants.
Le premier, sans titre, reprenait ses deux démos compilées en 2004 par l’ancien découvreur de talents, le label blackmetal.com. Les deux suivants sortaient chez la même écurie, en 2006 et 2007. Une arnaque présentée comme un véritable quatrième album est parue en 2010 sur Sabbathid Records. Le label assurait être en discussion avec Chaos 9 avant son décès et a décidé d’utiliser des morceaux plus ou moins incomplets pour ce
Curse of Underground trop fade pour être même considéré comme un hommage.
Les trois albums sont à avoir. Le premier est plus raw, plus dégoulinant, plus direct, mais tout aussi nécessaire que les deux autres. Pour lesquels ma préférence va à
Lord of Nightmare, même si c 'est de peu face à
Ruin. Je me demande même si ce n’est pas juste l’apparition d’un piano déglingué sur « Thirst for Pleasure » et « Lord of Nightmare » qui fait pencher la balance. Un détail, mais qui amplifie la folie ambiante. Comme avec
MANIERISME, l’autre fou du black japonais,
ENDLESS DISMAL MOAN repousse les limites de l’audible. Toutes ses compositions sont laides au possible et ne peuvent pas être agréables aux oreilles. C’est saccadé, c’est hurlé, c’est désaccordé. Et c’est ce qui est si ultime, si prenant. La musique de ce groupe, c’est cet instant où vous passez d’un état normal à la folie. C’est un déclic vers l’horreur. C’est une agression subite et violente lors d’une promenade avec votre maman. Les ambiances sont totalement déglinguées et la musicalité est réinventée. Il sera facile de trouver les mélodies immondes, et pourtant on se trouve facilement aspiré et obligé d’y revenir.
ENDLESS DISMAL MOAN pourrait alors être présenté comme le mélange malade de
THE ARRIVAL OF SATAN et
WOLD. Fou et malsain. Il faut sans doute aussi l’être pour y plonger complètement.
L'album est court, mais il se remet en lecture facilement. Sauf si la folie vous a contaminé au point de vous avoir paralysé complètement.
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