Dans un de ses podcasts, Sakrifiss abordait le sujet des « collectifs » de formations black metal. Des groupements très nombreux, qui ont exigé de la part de notre compère à faire des choix, ne pouvant tous les aborder. Je vais donc profiter de cette chronique pour ajouter ma contribution, Ungfell faisant partie du
Helvetic Underground Committee, regroupant Wyrgher (autre projet de Menetekel), Despotic Terror Kommando, Dakhma (cf. le split
Of Hermits and Gallows (The Synthesis of Illuminating Ascension and the Madness of a Primitive Mind)) et Lykhaeon (dont Infermità est membre). Une nouvelle fois, on retrouve ici le rapprochement géographique, la consanguinité des groupes, la volonté de rester underground et le partage d'une même vision, tant dans la musique que dans des valeurs communes. Mais assez parlé de cela (cliquez sur lien au-dessus pour en savoir plus) et place à Ungfell. Créée assez récemment par Menetekel, cette entité a posé ses marques en 2015 avec la demo
Demo(lition) – prometteuse mais manquant de fil conducteur – suivie d'un split (paru la même année). Des débuts qui ont permis de découvrir un univers particulier ainsi qu'un black metal raw, médiéval, habité ainsi qu'aux forts relents folkloriques.
Et, si les sorcières ont cédé la place à un oiseau de mauvais augure, le fond et les bases musicales restent inchangés. Toutefois Menetekel a pris son temps pour peaufiner son premier album,
Tôtbringære, et cela se ressent dès la première écoute. Certes la production est toujours aussi raw couplée à une voix criarde déversant sa bile, collant parfaitement au propos de la formation, mais l'ensemble semble plus homogène, les riffs davantage marquants et un gros travail a été effectué sur les parties acoustiques, renforçant la personnalité de Ungfell. Une approche qui renvoie à des formations telles que Malokarpatan ou encore Culte Des Ghoules par ce mélange de folklore et de sorcellerie, chacun délivrant néanmoins des sonorités différentes et un univers propre. D'ailleurs les helvètes (la tête pensante ainsi que le batteur session) vous plongent dans les heures les plus sombres du moyen-âge d'entrée de jeu sur l'épuré « Viures Brunst » – où il me paraît entendre, entre autres, la cornemuse et la vielle à roue accompagnées de grognements inhumains. Les odeurs de crasse et de soufre se mêlent délicatement au gré des minutes et viennent vous envelopper ostensiblement. Pleurs de nourrisson à vous glacer le sang (cf. la fin de « Wechselbalg »), samples (« Der Opfersprung »), chœurs poignants mais sentencieux (« Gottes Acker »), instruments traditionnels (l'accordéon par exemple) venant se greffer aux compositions et interludes folk médiéval racées (« Slahtære ») : de nombreux éléments ponctuent l’œuvre, lui conférant une aura tant singulière que ténébreuse.
En effet, ce dosage savamment distillé dépeint un tableau où partout rôdent les peurs anciennes et maléfiques, tout comme la Grande Faucheuse qui est omniprésente sur
Tôtbringære. Cette dernière prend d'ailleurs différentes formes, portée par des passages black à la fois décharnés, bruts et abrasifs. Une danse macabre qui est très bien menée par Ungfell, alternant riffs puissants, limite épiques, mélodies tortueuses ou encore lignes de guitares entêtantes pour un ensemble varié et des plus accrocheurs. Le batteur ajoute également sa pierre à l 'édifice dans cette entreprise de destruction par un jeu souvent simple et efficace (quelque soit le tempo), menant la cadence et sonnant la charge (comme sur l'excellent titre de clôture « Der Opfersprung »). Cependant, c'est à Menetekel que revient le rôle de meneur malfaisant, vous guidant de son chant arraché – et parfois désabusé. Vous vous approchez dangereusement du précipice, tantôt poussé par des forces invisibles, tantôt guilleret et l'esprit léger – avec « Gottes Acker » (proche de Peste Noire) comme toile de fond. Néanmoins parmi ce flot de violence âpre et de terreurs indicibles, des touches graves et mélancoliques – extrêmement soignées, tel le livret accompagnant l'album – viennent enrichir l’œuvre. Offrant une sensibilité différente, celles-ci donnent plus de corps (côté médiéval mis en relief) et renforcent ce froid mordant qui prend profondément racine dans les terres et vous transperce de part en part.
Cette sortie assez confidentielle – parue en digital sur Bandcamp et en format cassette via Graceless Recordings* – montre la belle marge de progression effectuée par Ungfell. Car l'entité helvète délivre un premier album homogène et effectue un travail d'orfèvre sur les divers effets faisant tout son sel (parties folk médiéval, incorporation d'instruments traditionnels, choix du langage, sample ou encore riffs plus aériens). D'où des titres prenants, riches et sensiblement différents les uns des autres qui vous happent tout au long de ces 44 minutes.Toutefois le rapprochement trop évident avec un célèbre groupe français, cité plus haut, vient grever l'ensemble. Certaines personnes sauront passer outre, d'autres traîneront la patte. Quoiqu'il en soit,
Tôtbringære a su me toucher et j'espère, vu la matière, que Menetekel délivrera une nouvelle réalisation encore plus personnelle et aboutie.
*Une version CD devrait voir le jour
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