Ungfell - Es Grauet
Chronique
Ungfell Es Grauet
Ungefell est un habitué de ces colonnes. Les suisses régalent depuis déjà 6 ans au gré d’albums tous plus réussis les uns que les autres jusqu’à s’imposer, en deux albums, comme une désormais pointure de la scène BM. Es Grauet, le dernier venu, n’inversera pas la tendance et il faut s’en féliciter à l’heure où les déceptions – chez ces mêmes pointures – s’enchaînent dramatiquement…
Es Grauet avait de quoi surprendre de prime abord, le changement d’artwork pouvant laisser augurer d’une mutation significative du style pratiqué (jurisprudence Paysage d’Hiver…) ou d’une tromperie sur la marchandise (jurisprudence Darkthrone…). Las, les suisses délivrent une mixture similaire à celle qui nous régalait déjà sur Mythen… ou sur Tôtbringaere. L’enchaînement Es Grauet überm Dorf, Tyfels Antlitz et D Schwarzamslä place ainsi d’emblée l’auditeur en terrain connu. Les structures débordent encore et toujouts, telles des coupes d’abondance, de magnifiques envolées, inspirées, violentes et mélancoliques à la fois, teintées d’atmsophères médiévales et sylvestre tout aussi immersives. Les orfèvres du BM sont de retour, je vous l’ai dit, et l’artwork ne rend pas hommage au contenu.
Le son est toujours aussi organique et profond, presque ouaté, ultra confortable à l’écoute. Cette chaleur, précisément, renforce les compositions en leur donnant de la profondeur et du relief, une certaine rondeur aussi. La dissonance n’est pas la règle ; l’emphase sert en revanche de fil rouge, comme toujours chez Ungfell, comme ces arrangements nombreux (des chœurs par exemple sur Tyfels Antlitz ou D Schwarzamslä) qui enrichissent le propos. Les samples, très présents également, apportent à l’immersion : meuglements d’une vache, chant du coq, clochettes brinquebalantes des animaux, fête de village, les cris de corbeaux sur Mord im Tobe … tout participe à retranscrire, dans la structure même, l’idée d’une vie de village médiéval. Or, précisément, le fait de fondre ces samples dans la structure permet d’offrir des titres très vivants, très complets et complexes mais sans jamais que cela ne sature l’écoute.
La multiplication d’instruments traditionnels ou, plus simplement, de la guitare sèche participe à l’installation d’une ambiance mélancolique majestueuse (D Schwarzamslä par exemple) et sert à créer une respiration, un pont entre des titres plus violents (la transition brutale Stossgebätt / D Unheilspfaffä vom Heinzäbärg par exemple). La force d’Ungfell est justement que ces ponts n’apportent aucune cassure mais s’inscrivent dans la logique de l’album (la transitionD Schwarzamslä, Mord im Tobel et S Chnochelied est par exemple très fluide, très cohérente, dans une logique de montée en puissance maîtrisée), dans le maintien des atmosphères créées. Parfois, c’est au sein même d’un morceau que le pont assure la transition, la relance vers d’autres ambiances (sur S Chnochelied par exemple, avec la guitare sèche magnifique en pont central, et la reprise virevoltante derrière ; sur Stossgebätt où le pont se trouve… au début et sert à introduire l’idée musicale qui suit, basée sur une ritournelle entêtante à la flûte).
De nouveau, Ungfell accouche d’un album ultra maîtrisé, où tout s’équilibre à merveille, des accents violents aux ponts mélancoliques, de l’ambiance médiévale aux atmosphères sylvestres. Tout est dit en 35 minutes, sans fausse note, sans démonstration autre que leur science de la composition. Chapeau.
| Raziel 18 Septembre 2021 - 1365 lectures |
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