Je déteste au plus haut point cette formule. Mais, écouter ce
"Culture", nouveau full-length des Suédois de No Omega, et le comparer de près ou de loin à ses fantastiques aînés appelle immanquablement le
"C'était quand même mieux avant." Force est de constater que cette galette, intervenant deux ans après l'EP
"Occupants" (lorgnant vers la facette "casse-bouches" du combo) et quatre ans après
"Shame" (bande-son d'un écorché vif en proie à ses démons), ne tient franchement pas longtemps la comparaison. Comme si les gonzes de Stockholm avaient tout donné, dès le départ, et fatiguaient au fil des tours de circuit. C'est en tout cas de cette façon que je prends ce
"Culture", qui, s'il possède de très bonnes choses (on n'efface pas tout son passé d'un simple coup de baguette), manque à la fois d'endurance, de coffre, et, plus grave : de sentiments.
Car ce que j'aimais, chez No Omega, c'était la propension du combo à jouer avec ses tripes. Quelque chose de violent et prenant, conservant un équilibre parfait entre les compositions directes et une atmosphère d'absolue fin du monde. Par la production massive et la teinte compacte des guitares de
"Occupants", par la voix éraillée, proprement habitée de
"Shame", le groupe ne se contentait pas de nous malmener : il s’agrippait à nos jambes pour nous faire couler avec lui. Mélangeant avec mesure et justesse la déconstruction formelle et rythmique du grand fourre-tout que l'on nomme
"Post-Hardcore", les sentiments à fleur de peau du Screamo (sans le pan
"Tumblr-core" et la pleurniche qui m'empêcheraient presque de le prendre au sérieux), incorporant à cet appareil une noirceur assez insondable, collant à la peau longtemps après les séances d'écoute.
Malheureusement,
"Culture" descend en gamme sur presque tout ce qui faisait le charme du groupe. La qualité sonore de l'ensemble a souffert du changement d'ingénieur-son. Pas que ce soit inaudible, ou simplement mauvais, mais les guitares, si elles conservent le grain typique de No Omega, sont réduite à un bourdonnement, presque cantonnées à de la figuration. Dommage, car certaines compositions, à l'image de la lourdeur de "Agora" ou des contretemps décousus de "Safe," auraient été proprement ultimes, pour peu qu'elles aient été confiées à 'Erik Lindbergh (
"Shame") ou au Fvck Life Studio (
'Occupants"). L'effort semble avoir été concentré sur les parties rythmiques, chaque tom, chaque cymbale ayant apparemment bénéficié d'un traitement de faveur : frappes de fûts délicieusement organiques en ouverture de "Misgiving", rim-shots, contretemps sur charleston et dôme de ride sur "Autoimmune", on imagine bien la jalousie grondante des cordes face à tant d'égards de la part du sondier. Malgré cette production assez approximative, on ne peut que saluer l'envie des Suédois de faire évoluer leurs compositions, en les complexifiant. S'il n'oublient pas leur facette la plus "frontale" (dès l'ouverture du disque, franchement réussie), ils cherchent également à déconstruire leurs rythmiques, à renforcer les détours déjà présents sur les sorties précédentes (roulements, arpèges)... Au risque de rendre leurs compositions au mieux agaçantes ("Within, Without"), au pire franchement poussives (les ponts affreusement mal gérés de "Resignation"). Additionnez une production mal gérée à des compositions moins réussies, et la qualité de l'ensemble prend déjà un bon coup dans l'aile. Alors, si l'on y ajoute la voix...
"Culture", sur le plan vocal, est incompréhensible. Ici, l'organe tient plus du petit doigt coincé dans la porte que du tourment existentiel. Où sont donc passés les élans furieux des "Sleeping In" et autres "A Man Reprieved" ? Aux oubliettes.
"Culture", c'est du forçage à l'état pur. Sauf que descendre en gamme à ce point, après les prestations impériales d ies deux sorties précédentes, fait vraiment un drôle d'effet. Je n'y trouve ni la force de
"Shame", ni la colère qui muait
"Occupants" tout entier : à contrario, j'y retrouve exactement tout ce que je ne parviens pas à apprécier dans le Screamo. Enfin, à défaut d'avoir droit à des coups d'éclat vocaux, écouter le hurleur se débattre pour s'extirper du
mix final, déjà pas bien folichon, en deviendrait presque risible - à l'heure ou je tape ces lignes, je ne me suis pas encore remis du ridicule "Feral Houses". Et les
guests présents sur trois titres ne changent pas grand chose, même s'ils font de leur mieux - surtout Meghan Minior, sur "Cogs", qui tire son épingle du jeu en me rappelant Davin Bernard de xKINGDOMx. L'organe penaud rejoint ainsi les guitares, rangé qu'il est à l'arrière-plan, quand on avait pour habitude de le retrouver en chef-d'orchestre. Les émotions peinent à passer avec aussi peu d'aisance derrière le micro.
"Culture" plaira d'avantage aux amateurs de Screamo qu'à ceux qui, comme moi, avaient été soufflés par l'intensité de
"Shame". S'il y a de bonnes choses et des rappels à la gloire d'antan de No Omega, l'ensemble souffre à la fois d'un manque de puissance, tant au niveau de la production que de la voix, et d'un trop-plein de structures approximatives pour être réellement prenant. Dommage, surtout pour une formation qui nous avait habitué au meilleur. Première véritable déception de l'année, en espérant que No Omega se rattrape à l'avenir.
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