Tetragrammacide - Primal Incinerators of Moral Matrix
Chronique
Tetragrammacide Primal Incinerators of Moral Matrix
Que les amateurs de violence sourde se rassurent et se réjouissent : leur prochaine dose de décibels est en approche, tout droit venue du pays de Gandhi.
Pas la peine de commencer à sourire, du moins pour ceux qui ne seraient pas encore au fait de la pratique de Tetragrammacide. Leur programme est aussi concis et simple que les scénarios interchangeables de l'industrie bollywoodienne : quand les uns content l'amour et les couleurs sirupeuses, l'autre veut simplement effacer toute trace de ta présence au tir de mortier. Les Indiens sont restés fidèles à leur ligne de conduite depuis leur première démo, sortie il y a trois ans - justifier la musique la plus gratuite et véloce imaginable par des titres à rallonges et un concept en forme de salade de concepts divins et borderlines : artworks nébuleux ("Typhonian Wormholes: Indecipherable Anti-Structural Formulæ") masquant une production absolument inaudible, salmigondis de swastikas et autres symboles plus ou moins déchiffrables pour le commun des mortels... L'univers de Tetragrammacide, thématiquement comme musicalement, est hermétique, inaccessible, ridicule, digne héritier des dizaines de projets de feu Satanic Skinhead Propaganda et Antichrist Kramer - chez qui l'on ne venait de toutes façons pas chercher la finesse ou l'intelligence.
Bouche ton nez, abandonne tout espoir et plonge tête la première dans les eaux boueuses du Gange, car "Primal Incinerators of Moral Matrix" n'a rien d'autre à t'offrir qu'un déluge de cadavres et d'odeurs nauséabondes, joyeux bordel de mythologie Hindoue, hurlements sourds et atmosphère de fin du monde imminente.
Exit la boîte à rythme et la production approximative. Pour ce premier véritable full-length, le duo s'enrichit d'un batteur plutôt courageux, tant les partitions qui lui ont été données devaient ressembler à une toile de Pollock. On sourit d'ailleurs plusieurs fois, tant sa bonne volonté et son endurance hallucinante ne suffisent pas toujours à tenir le rythme imposé par les neuf titres de l'opus. Car à l'image d'un "Putrefaction in Progress", le tempo ne faiblit à aucun moment - les parties Noise étant les seuls instants de répit nous étant accordés, des samples de chant traditionnels passés à la moulinette sur "Transcranial Ka'abatronic Stimulation Collapse" jusqu'au compteur Geiger qui s'affole au dessus de nos restes calcinés sur le final "Dismal Ramification of Metamathematical Marmas and Sandhi". Pour en arriver à être soulagés par les parties bruitistes, dites vous bien que les passages plus "orthodoxes" doivent être sacrément gratinés...
Car "Primal Incinerators of Moral Matrix" fait partie de ces disques à faire écouter aux pisse-froids dédaigneux, regardant de haut la gratuité d'un tel lynchage auditif au profit d'albums plus cérébraux, pour le plaisir simple et sain de les voir se décomposer sur place au fil des titres. Tetragrammacide est à ranger aux côtés de Nyogthaeblisz (en bien meilleur, ce qui n'est pas difficile) ou Intolitarian (en moins radicalement stupide), tous partageant la même envie : pousser les potars au maximum, faire flamber la console de l'ingénieur du son et exécuter le mixage à l'acide de batterie. Les hurlements sourds, bestiaux de Martial Opium ne dépassent jamais la tonalité grave des cordes, ces dernières s'autorisant parfois quelques envolées presque Thrash (les soli très Infernal War de "The Prognosticators of Trans-Yuggothian Meta-Reasoning"), sonnant finalement plus comme une alarme à Stukas que comme de vrais instruments. Même les frappes du batteur sont embourbées dans l'ensemble, caisse claire sous-tendue, grosse caisse qui fait vibrer la cage thoracique et cymbales rachitiques parvenant à peine à se faire entendre. Toujours dans le matraquage, mais pas forcément dans l'absence de variété : "Radicalized Matrikavyeda Operation... " donne à entendre un motif funeste, presque impérieux, à aller chercher chez cette double pédale superposée au sample vocal qui résonne au loin, " "Radicalized Matrikavyeda Operation... " voit les guitares perdre complètement pied avec la réalité et s'emballer dans des délires saccadés, "Intra-Dimensional Vessel of Were-Robotics..." au titre incroyablement stupide, voit un batteur à bout de souffle lutter pour tenter de maintenir le rythme, sans parler du tapping sans aucun sens de "Meontological Marga", qui s'excuserait presque d'exister dans sa repompe honteuse de Deathspell Omega... Pas de quoi s'ennuyer. Que l'on cherche à rire un peu ou à prendre une baffe, l'ensemble prête à sourire mais fait du bien par ou il passe.
"Primal Incinerators of Moral Matrix" est terriblement vain et hautain, presque ridicule dans son envie de vouloir forcer la violence et le "bête et méchant". On ne pourra pas le nier. Mais il vient gratter cette démangeaison intense que tout amateur de musique bestiale a pu connaître, planté devant ses étagères, cherchant du regard quel album passer pour se soulager. Si Tetragrammacide n'a pas accouché d'un chef-d'oeuvre, ni même d'un disque duquel on se souviendra en fin d'année, il a quand même donné naissance à une sortie-marathon, suant à grosse gouttes jusqu'à en avoir les muscles complètement tétanisés (encore une fois, la performance du frappeur mérite d'être saluée). Une expérience de 40 minutes de laquelle on ressort lessivé, fourbu de tant de sévices infligés par ces trois individus.
Bref, un excellent défouloir, plaisir aussi coupable que masochiste - finalement assez logique quand on constate leur accoutrement.
| Sagamore 15 Octobre 2017 - 1301 lectures |
|
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo