Mhönos - LXXXVII
Chronique
Mhönos LXXXVII
Perinde ac cadaver. « À la manière d'un cadavre » : cette maxime que vous avez peut-être connu comme moi en feuilletant le livret d'une œuvre de Deathspell Omega – pas moyen de me souvenir laquelle mais sans doute une des bonnes – va parfaitement à Mhönos, ce groupe qui n'a eu de cesse de présenter sa foi d'une façon morne et cependant abrasive. Drone, ascèse, noise, tension, rituel, passion... Les Français ont clairement mérité dès le départ une place de choix dans le cercle du Rouen Metal, au-delà de membres provenant de Sordide, Malemort, Ataraxie et consorts, par une intransigeance à exprimer une certaine austérité prenant la forme d'une trappe, à la fois celle de Soligny où Léon Bloy effectua sa retraite que le piège tendu aux impies.
Et pourtant, il faut être honnête : Mhönos, ce mystère autour duquel je tournais continuellement, hésitant à en parler, n'avait pas tout à fait l'aura que j'aimais lui prêter sur ses essais précédent. Un petit quelque chose qui lui manquait pour dépasser l'écoute « simplement » agréable. Un petit quelque chose qu'a LXXXVII et qui fourmille durant ces quarante-quatre minutes, à commencer par le chant de Necropiss, ulcéré, dévoué, confondant psalmodie et maladie, dans un syncrétisme où l'on se déprave dans la croyance, l'annonçant comme un Salut qui n'a rien de salubre. Point de cliché dans cette peinture de l'Amour pour Dieu, point de lumière aveuglante, de beauté, de sublime : telles ces quelques scissions extrémistes avec la religion dominante, les Frères valorisent un asservissement total à leur religion révoltée, la catin romaine et sa papauté gangrenée par l'esprit de lucre en ligne de mire, rebaptisant ses apôtres par un minimalisme fervent, répétant, accumulant les effets avec parcimonie, la pauvreté du tissu au service de l'implication totale du corps, que Mhönos a brûlant, hostile, indifférent à toute autre chose que la profération de sa menace.
Perinde ac cadaver. À la manière d'un cadavre, Mhönos détruit ses intentions propres, dépasse les catégories et les rappels – Horse Latitudes, Swans, Gravetemple ou encore Ghold paraissent bien vivants, face à ce mort-ci – et devient l'outil de sa révélation, jusqu'à une production crue, sans enluminures, appuyant avec force cette montée continue qu'inflige LXXXVII. Avec succès, tant il nous fait à sa propre image, quittant la méditation entre convertis de Humiliati pour l'assaut, nous ternissant, nous assujettissant, le cerveau palpitant d'une mission qui n'est pas la nôtre. Une ambiance de mort prochaine, grimpante, si grimpante qu'elle fait regretter de ne s'arrêter qu'au pas de la domination totale, malgré un exercice dont on ressort à chaque fois ébahis, conquis par cette retenue plus impitoyable que toute forme d'agression frontale. Car si la fin est proche, elle est « laissée à l'appréhension de l'auditeur », Mhönos ne partageant rien d'autre que sa conviction faite arme, pas même l'apocalypse dont il se fait l'annonciateur sacré.
Si Mhönos devait rappeler ici une chose et une seule, ce serait la révolte de Münster de 1534, son état de siège, son instauration tyrannique d'une théocratie où les fanatiques laissèrent famine, torture et viol s'installer, illuminés par l'image d'une nouvelle Sion dont la promesse se traduisit par le meurtre à grande échelle. LXXXVII, vœu pieux envers un Dieu sourd et des humains qui subiront le joug de ses instruments, dans une attaque où la transfiguration prendra le visage de défigurés. Inutile de vous préparer : Mhönos est déjà à votre porte.
| lkea 25 Novembre 2017 - 1831 lectures |
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