Oh celui-là je l’attendais ! Plutôt gâté ces dernières semaines en sortie, un bon cru que cette année 2018. Deux ans après la mandale
Age Of The Fanatics déboulée de nulle part (et a fortiori sur un label pas vraiment spécialisé dans ce genre), les Suédois de Gutter Instinct sont de retour. Line-up et artwork ne bougent pas pour ce deuxième opus. Seul Prosthetic Records laisse sa place au mythique Pulverised Records et le mixage/mastering est envoyé au fameux Necromorbus. Oui je sais vous avez mal aux yeux, une peinture méconnaissable de David Glomba (Cult Of Fire) mais qui sied parfaitement à la musique, vous verrez plus loin. Elle suit le titre de l’album,
Heirs of Sisyphus : « les héritiers de Sisyphe ». Sisyphe ou le fondateur de la cité de Corinthe dans la mythologie grecque, puni par les dieux pour être revenu chez les vivants après un séjour aux Enfers. Son châtiment, faire rouler éternellement un rocher jusqu’en haut d’une colline. Le calvaire (savoureux) commence pour nous.
Mise en garde pour ceux connaissant déjà Gutter Instinct. Grosse moue lors des premières écoutes après un
Age of the Fanatics ou du « swedish death » cradingue (perfusion Dismember et Entombed) et rentrant dans le lard, aspect qui s’efface au profit d’un death metal encore plus primaire mais aussi ambiancé. Sont citées comme influences Grave Miasma, Teitanblood, Blasphemy, Conqueror... Pas vraiment mon rayon je vous l’accorde, plus friand du son de Stockholm et forcément circonspect lors de la découverte du brûlot. Il me faudra du temps avant de pouvoir m’y faire… Et puis viendra d’un coup le déclic. Le groupe de Helsingborg use comme à son habitude de passages « parpaing », rappel des faits dès l’ouverture « Satan Within » (riffs d’intro aux airs d’un Belphegor). Derrière une production « raw », riffs triple couches dégoulinant (pédale « HM-2 » encore utilisée mais moins outrancière), frappes de brutes et chant death « position fécale » (la thématique « immondice » est respectée), façon Glen Benton (le death floridien comme référence majeure) avec des cris en fond. Difficile de ne pas beugler avec le frontman (le refrain de « Shock Doctrine »). Ce dernier partira malheureusement après l’enregistrement. Un aspect « bestial » poussé un cran au-dessus mais qui ne se limite pas qu’à du death décérébré.
Une entrée dans l’univers dégueulasse de ce
Heirs of Sisyphus sans échappatoire, un death quasi hypnotique où Gutter Instinct aimera jouer d’avantage les variations de débits et les breaks impromptus. Breaks qui permettent à nos esgourdes de respirer ou carrément de nous enfoncer encore plus dans ce miasme sonore (« Zenon » à 1:40) et cela sur chaque morceau. D’ailleurs si je vous dis que
Heirs of Sisyphus est plus mélodique que son ainé, vous ne me croiriez pas aux premières écoutes. Difficile pour Gutter Instinct de renier totalement ses origines suédoises. Outre le penchant bas du front d’un Grave et la brutalité d’un Repugnant, c’est même du black scandinave que l’on retrouve (le groupe définit d’ailleurs son style comme death/black). Le glacial « Zenon » (3:15), l’intro frissonnante « The Abyss Speaks », le refrain Edge Of Sanity de « Uncreation », le break épique de « Tip Of The Spear » (1:59) ou le final crucificateur du morceau éponyme (6:52) ne pourront vous laisser indemnes. Alors certes des compositions auraient pu être rognées sur de nombreux passages mais ces quelques flottements seront repris par un break mélodique ou dévastateur. Le supplice enivrant subsiste.
Heirs of Sisyphus ou du death metal à l’image de sa pochette, immonde. Typiquement le genre d’album « grower » comme on dit dans le jargon. Une découverte des plus sceptiques qui aurait difficilement passée la moyenne (je comprends l’avis de certaines critiques) si l’on place Gutter Instinct dans la case lambda « swedish death ». Puis après de nombreuses écoutes en condition, les œillères tombent et c’est comme une révélation. Une impression de death primaire qui laissera place à une musique bigarrée plus subtile qu’elle n’y paraît, mélodique et à l’atmosphère oppressante du fond du caniveau des plus savoureuses. Certes on trouvera quelques longueurs et des transitions un peu abruptes mais quel plaisir. Meilleur album de death en provenance de Suède pour cette année ? Vous l’avez.
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