Daughters - You Won't Get What You Want
Chronique
Daughters You Won't Get What You Want
Tu n’as pas eu ce que tu voulais.
Jeté de la boite de nuit, tu n’as pas pu continuer à danser fiévreusement, chercher à emmener tout le monde dans ta course, jusqu’à appeler de tes vœux un ailleurs qui se refusait à toi. Bouffé par l’envie, charismatique un instant mais cachant mal la douleur que te causaient tes désirs inassouvis, on t’a rejeté, oublié, pensant qu’on pouvait très bien se passer de toi.
Tu te relèves, après un temps qui semble avoir duré des années. Le costume tâché, de l’eau dans tes chaussures cognac, ton estomac ayant la même couleur. C’est loin, chez toi. Il va falloir marcher. Tu ne sais plus quelle direction prendre, alors tu pars au hasard, d’un pas lourd. C’est comme du vent dans ta tête. Ça fait mal. Dans la nuit, tu discernes les lignes d’immeubles, parfois un regard dans une vitre (le tien, un autre ?). Tu appelles, d’une diction empâtée par l’alcool. Tu susurres et c’est comme si tu hurlais.
Tu en as envie. Ce n’est pas ça qui manque chez toi d’ailleurs, l’envie. Une femme passe, tu essayes de lui sourire malgré tes dents qui crissent. Il faut garder la face… Tu te demandes bien pourquoi. Pourquoi tu cherches à paraître socialement acceptable, dans le contrôle, alors que tu cherches à rentrer chez toi, saoul. Pourquoi toujours chercher à séduire, même quand les relents de ta propre odeur, ta fatigue, te disent que ce soir sera comme d’autres soirs. Pourquoi tu n’aimes pas rentrer seul… Sur cette question, tu as la réponse. Car c’est l’enfer en toi. Car ça grogne, ça suinte, ça langoure, ça vautour, ça chasse, ça explose, ça ne s’endort qu’à grand coup de coudes qui se lèvent, le KO contre le chaos (hé, tu devrais t’en souvenir demain, de celle là). Mais ça ne s’apaise jamais. C’est comme la ville, en toi.
La ville… Pourquoi tu y restes tiens, dans cet amas de goudron, ce truc qui colle à tes pieds, ce chewing-gum gris ? Des fois, tu voudrais partir. A la mer. Dans une église. Quelque chose. Le temps d’un hoquet, tu te sens mieux. Ton crâne se libère un peu. C’est comme une vague de frais, c’est presque insoutenable. Tu marches toujours en espérant que l’homme qui passe n’a rien vu. Qu’est-ce que ça peut lui foutre, tu te dis. Il a l’air dans le même état que toi, à la dérive, brinquebalant son corps.
Il faut que tu rentres, que tu dormes, que tu arrêtes de croire que c’est comme ça que tu auras ce que tu désires, que tu arrêtes de désirer, que tu deviennes plus flasque, plus passif, plus étranger à ce que tu as à l’intérieur, à ce qui bout, ce qui rampe, ce qui veut sortir, ce qui grignote, ce qui ne se révèle pas, ce qui ne doit pas se révéler, les gens ne doivent pas savoir, tu ne dois pas savoir, tu dois écouter ce qu’on te dit, l’équilibre, la santé, les relations respectables, l’amour dans les lignes, les blessures évitables, le cadre, le lissage qui ne doit pas être qu’à la surface mais ton entier, la bonne pensée, la bonne chose au bon moment, l’homme de la situation, malgré ces autres pensées, « celles-là », oui, qui reviennent toujours, qui te laissent inquiet, qui font que des fois, tu as peur de toi, de ce que tu pourrais faire. Il faut que tu rentres.
Il faut que tu rentres.
Il faut que tu rentres.
| lkea 2 Janvier 2019 - 2285 lectures |
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