Il y’a un peu plus de trois ans une mystérieuse entité frappait un grand coup avec le tentaculaire et spatial
« First Step Towards Supremacy », qui confirmait le renouveau de la scène extrême venue de Belgique. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts mais le quintet reste toujours aussi discret en se faisant quasiment invisible sur internet, celui-ci préférant se concentrer uniquement sur sa musique et rien d’autre. Si on ne sait toujours rien sur ses membres en revanche on a quand même appris qu’il y’a eu un changement de guitariste l’an dernier, chose qui a sans doute compté dans l’enregistrement de ce premier long-format qui s’est fait désirer, mais dont quelques infos ont fuité de la part du label. En effet celui-ci nous apprend que les sept titres qui composent cette galette ne sont pas récents puisqu’ils ont été écrits entre 2013 et 2018, sans avoir été terminés au préalable puisqu’ils en étaient restés à un stade embryonnaire avant d’être finalement clôturés et mis en boîte en studio. Du coup on se demande si l’homogénéité sera au rendez-vous, tant on avait perçu une évolution notable entre la première sortie officielle du groupe (« To The Svmmit » en 2014) et l’EP tant acclamé, cela donne donc une certaine curiosité pour cet opus qui va se révéler être particulièrement soigné, aidé en cela par l’expérience acquise par ses créateurs.
Car durant trois-quarts d’heure ceux-ci vont pousser plus loin le délire artistique pour emmener l’auditeur vers des contrées encore plus lointaines et inexplorées, tout en conservant un certain hermétisme parfois déconcertant et difficilement perméable. Il va falloir en effet de la patience et de la motivation pour percer tous les secrets de cette œuvre alambiquée et glaciale au possible, qui va progressivement se dévoiler au fur et à mesure de son avancement. Mais pour l’instant le démarrage via « The Push Towards Daath » ne prend pas le chemin de la facilité, au contraire la brume et les ténèbres y sont tellement présents et opaques que l’on a du mal à se rattacher à quelquechose de précis, car après une courte introduction ça va tabasser fortement avec un côté martial présent de façon insistante. Si ce point de départ peut rappeler le dernier (et ennuyeux) EP en date de LVCIFYRE la suite va elle montrer une facette bien plus étrange et intéressante, où le calme va trouver son fil conducteur sous forme d’un break où les ambiances s’entremêlement sur fond de calme apparent, et d’où émergent quelques coups de baguettes sur les toms. Ceux-ci sont seulement interrompus au bout d’un moment (un peu trop long d’ailleurs) par une explosion de violence où le brouillard semble se dissiper pour laisser place à une clarté plus présente. Si titre d’ouverture aurait gagné en accroche en se faisant plus court il n’en reste pas moins qu’on ressent toute la complexité de cette thématique pointue, et ce même quand l’ensemble montre un côté plus "accessible", comme cela est le cas avec « Ruins » qui enchaîne dans la foulée. Ici bien que le côté militariste déboule très rapidement le tout montre curieusement des passages presque remuant en mid-tempo où l’on se laisse totalement embringuer, d’autant plus que les variations liées à des parties plus lentes et spatiales interviennent régulièrement pour éclaircir le ciel malgré la violence qui n’en démord pas. Du coup le rendu est à la hauteur des espérances vu que le combo passe toute sa panoplie musicale en revue, où l’orage grondant côtoie les éclaircies les plus éphémères, histoire d’offrir une aventure tourmentée à l’auditeur ou au défunt (avant que les prières n’apaisent son trépas et lui fasse trouver le repos éternel), dont la ligne directrice se retrouve dès la plage suivante (le très bon et court « Irreversible Pathways »). Là-encore ça reste dans une veine plus simple et directe vu que ça tabasse la majeure partie du temps, cette brutalité n’étant seulement interrompue que par de courtes bribes lentes et éthérées, qui marquent la fin d’une première partie où la noirceur totale s’est progressivement estompée.
Sur la seconde les choses vont continuer à aller dans le bon sens, ne faiblissant aucunement au niveau qualitatif et en offrant ici plus de lumière, mais paradoxalement la technique et l’écriture vont aussi monter d’un cran histoire de se mettre au diapason. Il n’y a qu’à écouter les premières secondes de « I Am The Utterance Of My Name » pour s’apercevoir qu’un cap important se déroule ici, car le début de cette composition va prendre son temps pour complètement apparaître tant les notes froides qui l’entoure vont l’envelopper dans un écrin beau mais inquiétant. Car même si le tempo est à cet instant-là particulièrement lent (et même carrément proche du Doom) la suite elle va exploser aux oreilles de l’auditeur où les longues plâtrées de blasts vont succéder aux ralentissements les plus imposants, d’où un break chaud et presque dansant semble émerger de ce chaos tempêtueux et imprévisible. Le disque à ce moment-là bien qu’encore très pointu dans l’écriture part dans tous les sens (mais conserve une vraie cohérence) et continue de dévoiler sa facette plus claire et religieuse, même si trouver un point d’accroche reste toujours difficile. D’ailleurs sur ce point ça n’est pas le mystique « Kosmokratoras I - In His Name Shineth The Sun » qui fera changer ce ressenti, vu qu’au milieu de plans jouant les montagnes russes en permanence on retrouve des chants religieux féminins en arrière-plan (qui semblent accompagner le mort et l’auditoire vers des contrées plus paisibles), et l’on se prend à être emporté de plus en plus loin dans l’infini de l’espace, même si la fin du voyage n’est pas encore à l’ordre du jour et ne va pas être de tout repos. Car l’efficace et accrocheur « Nathir » va trouver le moyen d’incorporer des parties tribales au milieu d’instants planants, afin que quand les parties blastées arrivent il n’y ait pas de sentiment de surdose ou de trop-plein, chose qui arriver très légèrement sur la conclusion intitulée « Gestorben Muss Sein ». Pendant neuf minutes la bande va pousser sa phase conceptuelle à son paroxysme, car ça va partir dans tous les sens pour créer une plage à tiroir étonnante, même si on s’y perd un peu en chemin. Débutant par un long riff froid d’où n’émerge dans le fond sonore que quelques toms pour accentuer la torpeur ambiante, la suite va offrir un récital plus classique entre bridage et vitesse élevée qui vont se terminer en fade-out, même si cela ne marque pas pour autant la fin des péripéties du décédé. Une fois cette ultime épreuve passée on va retrouver des arpèges d’une grande douceur où vont se joindre la douce voix d’une femme inconnue qui indique que la traversée et cérémonie arrivent à leur terme et que l’heure est venue pour le corps physique de disparaître dans les flammes. En effet on y entend le crépitement du feu indiquant qu’il est temps de procéder soit à sa crémation ou que son arrivée aux enfers vient d’avoir lieu, nul ne le sait et KOSMOKRATOR brouille volontairement les pistes ne laissant aucun message qui pourrait éclairer cette question existentielle. Si ça peut traîner en longueur et qu’il aurait gagné en force en étant un peu raccourci cet ultime titre reste malgré tout impressionnant de fluidité et d’homogénéité, vu qu’on n’a nullement le sentiment de lâcher l’affaire ou de décrocher.
Car force est de constater que sous ses airs prétentieux et pédante la musique de ces voisins d’outre-Quiévrain bénéficie des félicitations les plus sincères, vu qu’ils sont arrivés à mélanger avec brio la furie instinctive de leurs débuts au travail de recherche emmagasiné avec le temps, tout en étant complétés par une expérience accumulée et appréciable. Avec en prime une durée de vie qui vaut le détour et qui demandera des dizaines d’écoutes attentives pour être totalement appréhendée (et encore ça ne sera peut-être pas suffisant) on ne peut que s’incliner devant le boulot fourni qui ne souffre que de peu de fautes de goût, hormis quelques plans interchangeables et des passages rallongés un peu bêtement. Néanmoins il ne faut pas tiquer sur ces points de détail qui ne sont que minimes et s’oublient dès que l’expérience sensorielle est mise en abîme, notamment grâce à une production caverneuse à souhait qui s’intègre parfaitement aux ambiances voulues. Il faudra donc s’accrocher pour tout maîtriser et mémoriser mais une fois cette galette testée et approuvée il sera difficile d’en ressortir et de revenir à la réalité, vu que l’impact psychique qui s’en dégage ne laissera pas indemne, en bien comme en mal.
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