Candiria sur Thrashocore c’était jusqu’à aujourd’hui une seule chronique, celle de l’album
What Doesn't Kill You... qui avait récolté à l’époque un joli 4,5/10 de la part d'un ancien de la maison. Bon, c’est vrai qu’il ne s’agit pas de leur meilleur album (loin de là) mais quand même, quel dommage de voir un groupe de cette trempe réduit à une note aussi peu réjouissante. On va donc essayer de redorer le blason des Américains et pourquoi pas mettre quelques-uns d’entre vous sur la piste de ce groupe particulièrement créatif.
Formé en 1992 à Brooklyn, New-York, Candiria a sorti deux EPs (
Subliminal en 1994 et
Deep In The Mental en 1995) avant de signer sur Too Damn Hype Records, label bien connu des amateurs de Hardcore notamment pour avoir sorti les fameuses compilations East Coast Assault ainsi que les premiers albums ou EP de Crisis, Dare To Defy, Indecision ou Starkweather. De fait, le groupe a très vite été rattaché à la scène Hardcore new-yorkaise du milieu des années 90 (un lien qu’il va d’ailleurs très largement entretenir) en dépit d’un style définitivement situé à la croisée des chemins.
Intitulé
Surrealistic Madness et sorti en 1995, ce premier album a bénéficié depuis sa première parution de trois rééditions. Les deux premières sous la houlette de Too Damn Hype se distinguent l’une et l’autre par des artworks différents (est affiché ici à votre droite celui de la première réédition datant de 1996) mais également par un tracklisting quelque peu revisité. En effet, contrairement à l’édition originale et à la première réédition, "Infected Wisdom" et "Observing Highways" ont tous les deux disparus de la version éditée en 1999 et cela au profit du titre "Chaos In The Middle Of Perfectly Illogical Sense" interprété par le Urban Improv Quartet, groupe dans lequel on retrouve certains membres de Candiria. Oui, je sais, c’est un petit peu compliqué à suivre...
Quoi qu’il en soit, là n’est pas l’essentiel puisque ce qui nous intéresse ici c’est bien entendu ce qui se trouve sur ce premier album. Peu motivé à l’idée de marcher dans les pas de quelqu’un d’autre, Candiria va explorer à sa manière et sans barrières des univers diamétralement opposés en gardant pour dénominateur commun la pratique d’un Metal/Hardcore déjà très éloigné des standards de l’époque. En effet, paru la même année que le
Destroy Erase Improve de Meshuggah,
Surrealistic Madness va mettre en avant les prédispositions de Candiria en matière de polyrythmie. Une particularité dynamique qui en plus de lui permettre de se démarquer de ses paires va également apporter (enfin en partie seulement) aux compositions des New-Yorkais cette espèce de groove urbain absolument redoutable. Loin de l’héritage Punk des premiers albums de New-York Hardcore (Agnostic Front, Warzone, Gorilla Biscuit...) ou de ces riffs empruntés pour la plupart à Slayer par toute une vague de groupes estampillés Metal/Hardcore (All Out War, Stigmata, Merauder...), Chris Puma et Eric Matthews vont opter pour des motifs beaucoup plus denses et hermétiques. Un jeu à la fois complexe, rythmiquement très marqué car bien souvent proche de la saccade et absolument imprévisible lors de ses pérégrinations mélodiques (un constat valable pour chaque titre de l’album ou presque). Toutefois, ce type de jeu possède également les défauts de ses qualités et notamment un côté forcément beaucoup plus austère et abscons que n’importe quel autre groupe de Metal/Hardcore aux compositions généralement bien plus directes et immédiates qui demande d’y être un tant soit peu sensible pour apprécier à leurs justes valeurs ces compositions habilement ficelées.
Mais cet amour pour la polyrhythmie n’est pas le seul trait de personnalité qui caractérise la musique de Candiria. En effet, loin des carcans bien souvent imposés par la simple définition d’un genre (le Hardcore, le Metal, la Pop, l’Électro...), le groupe new-yorkais va nourrir sa musique d’influences héritées du Jazz (ce groove, ces constructions uniques, ce sens du rythme alambiqué et chaloupé, ce jeu de batterie incroyable, cette basse hyper sexy...), du Rap (cette manière dont Carley Coma pose ici ou là certaines lignes de chant) mais également de la musique progressive (le développement structurel et/ou mélodique de certains passages). Des influences qui vont bien au-delà du simple clin d’oeil puisque nombreuses sont les séquences et même les compositions entières où la formation va partir explorer, bien souvent sans crier gare, d’autres univers musicaux tout en conservant cette cohérence surprenante qui fait sa force et son talent. De "Temple Of Sickness" à "Infected Wisdom" en passant par l’excellent "Observing Highways" qui ne devrait pas manquer de vous transporter dans un club de Jazz new-yorkais ou bien encore "Pages", "Weep" ou "Red Eye Flight / The Essential Victory Of Free Noise", les exemples ne manquent pas tout au long de l’album. Cette créativité ainsi que ce désir de sortir des sentiers battus peuvent sembler particulièrement risqué sur le papier mais le fait est que Candiria maitrise ici son sujet à la quasi-perfection. Certes, les trois albums qui suivront feront peut-être preuve d’un poil plus de fluidité et même d’efficacité mais en toute honnêteté l’essentiel est déjà là, sans aucune faute de goût
Vingt-cinq ans après sa sortie,
Surrealistic Madness continue de surprendre et surtout de régaler. Candiria y fait preuve sans avoir été présenté d’un savoir-faire et d’une aisance aussi insolente que réjouissante. Certes, le groupe en fera sûrement trop pour beaucoup habitués à des choses plus simples, plus fluides et naturellement plus immédiates mais les amateurs de structures tarabiscotées et/ou progressives, de groove jazzy et urbain et de Metal/Hardcore marchant en dehors des clous devraient y trouver leur bonheur. Et si aujourd’hui on semble vouloir attribuer à Meshuggah la paternité de ce genre qu’est le Djent, je suis sûr que Candiria y aurait également son mot à dire si seulement la formation new-yorkaise n’était pas encore autant sous-estimée aujourd’hui. Définitivement un groupe à part dont la qualité des albums (au moins jusqu’à
300 Percent Density méritent bien plus qu’un triste 4,5/10.
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