Poursuivons notre petit périple new-yorkais en compagnie de Candiria pour nous intéresser aujourd’hui à leur troisième album intitulé
The Process Of Self.Development. Sorti en 1999, soit deux ans seulement après l’excellent
Beyond Reasonable Doubt, ce nouvel album perpétue la tradition des artworks hallucinés et psychédéliques signés Coma Graphics (aka Carley Coma) et marque officiellement l’arrivée du guitariste John Lamacchia qui, rappelez-vous, avait intégré Candiria suite au départ de Chris Puma quelques semaines seulement avant la sortie de leur deuxième album. Autre point d’attention concernant le line-up, l’arrivée de Michael MacIvor (ex-Merauder) à la basse afin de soulager un Kenneth Schalk déjà pas mal occupé entre sa batterie, sa trompette et ses synthétiseurs. Enfin, pour en terminer avec ces présentations d’usage, il est à noter que ce nouvel album est paru sous l’égide de M.I.A. Records, petit label new-yorkais qui a vu passé dans ses rangs des groupes aussi divers et variés qu’Indecision, Electric Wizard, The Atomic Bitchwax ou Darkest Hour...
Probablement plus que satisfaits de cette collaboration entamée avec le producteur Michael Barile quatre ans auparavant, Candiria prendra pour la quatrième fois consécutive le chemin des Purple Light Studios de Brooklyn (sorti en 1995, le EP
Deep In The Mental fût effectivement la première production de Candiria enregistrée en ces lieux). Derrière sa console et ses potards, le bonhomme va délivrer une production toujours aussi impeccable (et même encore plus soignée et imposante qu’auparavant) même si naturellement beaucoup plus proche de ce son puissant et parfaitement équilibré que l’on trouvait sur
Beyond Reasonable Doubt (qui au passage ne sacrifiait rien en termes de caractère) que de cette production plus granuleuse et modeste caractérisant alors
Surrealistic Madness.
Le décor ainsi planté, que vous dire de plus qui n’est pas déjà été abordé lors de mes précédentes chroniques ? À vrai dire, pas grand-chose... Candiria est sur ce nouvel album le même groupe aussi improbable qu’il a toujours été, maîtrisant son art à la perfection, s’exprimant en toute liberté sans se soucier un seul instant des barrières entre les genres, de toutes ces conventions qui les régissent à travers des cahiers des charges scrupuleusement respectés par des groupes talentueux mais qui bien souvent manquent cruellement d’envergure et de vision. Adhérer à la musique de Candiria n’est pas forcément chose aisée et on comprend pourquoi autant de gens ont choisi de rester à l’écart de ce mélange de Metal technico-progressif, de Hardcore, de Rap et de Jazz. Pour autant, à l’écoute d’un album comme
Process Of Self.Development, on ne peut qu’admirer une fois de plus la qualité du travail réalisé. Cette facilité à créer et enchaîner des séquences qui n’ont pas forcément beaucoup de points communs entre elles (si ce n’est aucun) et qui pourtant, assemblées de la sorte, forment un tout on ne peut plus cohérent et efficace. Non, en effet, rien n’a changé du côté de Candiria ni même ce sentiment d’admiration et de surprise que l’on peut encore ressentir à l’écoute d’un tel album vingt-et-un ans après sa sortie officielle…
De qualité égale à son prédécesseur (bien que mon appréciation puisse varier selon l’humeur), ce qui distingue en premier lieu
Process Of Self.Development du pourtant excellent
Beyond Reasonable Doubt, c’est une dynamique un chouilla plus homogène. Et oui, malgré toutes ces qualités, ce deuxième album avait pour léger défaut d’avoir en guise de troisième morceau un titre expérimental de plus de huit minutes ("Lost In The Forest") sur lequel, avouons-le, il ne se passait quand même pas grand-chose. Après une entrée en fanfare marquée par enchaînement de "Faction" et "Year One", l’album en prenait un petit coup dans l’aile le temps d’un titre forcément beaucoup trop long pour ce qu’il avait à proposer. L’une des seules fautes de goût de Candiria sur ses premiers albums... Ne souhaitant probablement pas réitérer ici l’exercice, les New-Yorkais se sont concentrés sur ce qu’il savait faire de mieux, offrant comme à l’heure habitude une majorité de titre Hardcore/Metal bourrés de contre-temps, de polyrythmie, de breaks improbables et de sonorités fugaces empruntées au Jazz et au Rap (la très chouette introduction de "Pull", le break de "Temple Of Sickness" à 3:21 ou encore cette longue conclusion, le break de "Cleansing" à 0:30, celui de "Elevate In Madness" entamé par ce piano détonnant à 1:25 qui qui par ces sonorités Jazz évoquent tout un tas d’images de New-York), deux styles que le groupe affectionne particulièrement et que l’on va également voir développé à travers de véritables morceaux qui, bien loin de faire office d’interludes, se posent et se conçoivent comme des compositions à part entière, des compositions qui n’ont absolument pas à rougir de quoi que ce soit, bien au contraire ("Method Of Expression" et "Down To Last Statement" qui encore une fois auraient tout à fait pu trouver place sur un album de Rap new-yorkais, "Matter.Anti.Matter", titre Free Jazz au groove absolument redoutable rappelant, je ne sais pas trop pourquoi, le cinéma de Spike Lee ou celui de Jim Jarmusch et bien entendu cet étrange titre final que "Process Of Self.Development". Un morceau qui, notamment sur le premier tiers, conserve une lourdeur Metal évidente (ces guitares qui grattent en arrière-plan) mais dont l’approche se fait beaucoup plus tribale, notamment grâce à ces percussions entêtantes que l’on va retrouver presque tout au long du morceau. Entre ces séquences, quelques digressions jazzy toujours aussi sympathiques (la première à 3:21, la seconde à 5:35) pour un final tout en douceur. Il n’y a finalement que "Leaving The Atmosphere" qui clôture ici l’album qui ne me fait pas vraiment d’effet car à la manière de "Lost In The Forest", il ne s’y passe pas grand-chose, Candiria la jouant ambient new-age sans grand intérêt.
Enfin, notons une fois de plus la qualité des quelques intervenants choisis par Candiria pour participer à ce troisième album. Si Jorge Rosado de Merauder rempile le temps d’une gueulante poussée sur le titre « Mathematics » (titre d’ailleurs marqué par l’utilisation sur les dernières secondes d’une cornemuse tout à fait inattendue), on va surtout retrouver quelques petits nouveaux toujours piochés au sein de la scène Hardcore locale. De Justin Brannan et Tom Sheehan (tous les deux membres d’Indecision) sur "Pull", en passant par Jamey Jasta (Hatebreed) et Phil Vasquez (Irate) sur "Work In Progress" ou bien encore Paul Thorstenson (One Last Sin) sur "Cleansing", il y a là encore du beau monde pour épauler Carley Coma.
Si j’apprécie énormément
300 Percent Density, album qui suivra deux ans plus tard et dont on parlera prochainement, il faut bien reconnaître que
Beyond Reasonable Doubt et
Process Of Self.Development constituent à mon sens le pinacle de la discographie du groupe new-yorkais. À deux expérimentations près, il n’y a sur ces deux albums absolument rien à jeter, côtoyant à chaque titre le génie et l’audace d’un groupe absolument hors-normes dont la nature aventureuse n’a jamais été plombée par un quelconque manque d’efficacité ou d’homogénéité. Et si Candiria n’a pas autant marqué les esprits que des groupes comme Converge, Cave-In, Botch ou The Dillinger Escape Plan, il reste néanmoins l’une des formations de Hardcore les plus incroyables (et sous-estimées) des années 90.
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