Turia - Degen van Licht
Chronique
Turia Degen van Licht
L’année 2020 s’achève… Enfin ! Et même si 2021 semble prendre le même chemin tortueux et torturé que son aînée, nous en avons dressé le bilan sur Thrashocore et force est de constater que l’an I de l’ère Covid-19 fut un cru exceptionnel. Le dernier opus de TURIA, Degen van Licht, mérite à mon sens une place de choix dans ce menu de fin gourmet qui a rapidement tourné au festin pantagruélique.
TURIA nous vient des Pays-Bas, un plat pays qui ne peut guère se vanter d’offrir des paysages aux cimes enneigées - comme celui proposé en artwork de ce troisième album - mais qui se targue néanmoins d’une scène Metal Extrême de grande qualité. Pour l’œil et l’oreille avertis, une sorte de « collectif », à tout le moins un ensemble de groupes de Black Metal qui se partagent quelques membres communs, s’épanouit à travers les récentes et excellentes sorties de TURIA, ISKANDR, NUSQUAMA, SOLAR TEMPLE, IMPERIAL CULT ou encore LUBBERT DAS (liste non exhaustive). Derrière cette clique néerlandaise, se cache notamment un homme aux multiples casquettes, Omar Kleiss, musicien multi-tâches, qui n’hésite pas à se retrousser les manches pour passer de l’autre côté de la console lorsqu’il s’agit du travail en studio. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la patte d’Omar est reconnaissable à des kilomètres, mais pour peu que l’on ne soit pas insensible à son style, on ne boude pas son plaisir et on en redemande ! (Ce que j'ai pu me gaver de SOLAR TEMPLE avec Fertile Descent !) Ok, j'ai dit "patte", mais n'imaginez pas une grosse paluche poilue, mais plutôt des doigts de prestidigitateur : avec Omar Kleiss à la guitare, le moindre gratouillage de cordes se transforme en riff ensorcelant.
Degen van Licht s'ouvre sur un morceau instrumental, une courte séquence de larsens lugubres à souhait, une sorte de brouillard qui se déchire brutalement pour laisser place au grandiose "Merode" suivi prestement du vertigineux "Met Sterven Beboet", figures de proue d'un album dont la recette est plutôt simple, mais tellement savoureuse : compositions aux structures sommaires, construites autour de deux-trois idées par morceau, à l'ossature faite de rythmiques répétitives et entêtantes, agrémentée de cette unique mais enivrante guitare. La musique de TURIA est un joyau brut, qui ne nécessite aucune taille, aucune fioriture.
Comment ne pas saluer la performance exceptionnelle de T., sa chanteuse, rejetant du fin fond de ses tripes cette douleur viscérale, qu'elle nous crache littéralement dans les oreilles. Le doute est pourtant permis, on peut se demander de prime abord s’il s’agit d’une voix masculine ou féminine. C'est sans importance ! Car c’est bien la souffrance du Genre Humain dans son ensemble qu’exprime T., et s’il y a bien un domaine dans lequel l’égalité des sexes est totale, c’est bien dans celui du malheur, qui frappe aveuglément hommes et femmes. Piètre consolation… C'est même un peu cocasse de constater que la douceur, en termes de vocaux, sera apportée par des chœurs bien masculins, eux, sur le titre "Storm". Le doute subsiste également sur l'existence de paroles : derrière ces cris déchirants et ces grognements furibonds, il y a bien des textes dans lesquels TURIA aborde un thématique en totale adéquation avec son propos musical : Dame Nature y est omniprésente, la Mort devient le cinquième élément jouant le coude à coude avec l’Air, l’Eau, la Terre et le Feu.
Avec une rythmique tantôt furieuse, tantôt altière, et cette guitare mélancolique (« Degen van Licht »), TURIA nous offre une combinaison jubilatoire, voire sadomasochiste de la douceur et de l'horreur dans un style dépouillé, mais ô combien personnel et original. Ecouter Degen van Licht revient à se laisser envahir par un torrent d'émotions aussi intenses et contradictoires que la peine et la joie et c'est une expérience musicale qui restera pour moi à jamais un mystère, bien que ce ne soit pas la première ni, j'espère, la dernière fois : comment l’expression de tant de douleur peut susciter autant de plaisir ?
Je n’aurais finalement qu’un tout petit reproche, disons plutôt une micro réserve, à propos de cet album : une légère perte de vitesse une fois le second et joli instrumental "II" achevé, le titre "Ossifrage" me semble un peu moins marquant, peut-être un peu plus passe-partout, mais c’est vraiment histoire de chouiner, car l’ensemble reste d’une grande solidité. TURIA délivre avec Degen van Licht, un album homogène, cohérent, toutes les pièces du puzzle s’emboîtent à la perfection : la musique, le chant, l’atmosphère, l'artwork les textes.
A l’image de sa pochette, Degen van Licht n'est pas une promenade de santé… C'est une véritable expédition dont on ne ressort pas indemne. D'abord coincé dans le Permafrost sous lequel on suffoque, lorsque l'on s'en extirpe, c'est pour se prendre en plein visage un vent glacial venu de cette montagne solitaire aux arêtes tranchantes, s'ensuit une ascension vers ce pic acéré entouré de brume menaçante, et bientôt la chute vertigineuse dans une crevasse sans fond dans laquelle on s’abîme... Lugubre et glaçante, douloureusement belle et aveuglante comme un funeste paysage figé dans la neige immaculée, Degen van licht est une œuvre puissante, sensible, totalement immersive : frissons et chair de poule garantis.
| ERZEWYN 30 Décembre 2020 - 1417 lectures |
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