Auðn - Farvegir Fyrndar
Chronique
Auðn Farvegir Fyrndar
Décidemment 2017 aura été une année incroyable pour la petite île de l’Atlantique Nord, car outre une qualification historique pour la coupe du monde de football, ce sont aussi entre autres les sorties remarquées et réussies de DRAUGSOL et BENEATH qui ont mis encore en avant une scène extrême Islandaise hyper productive, et qui ne s’est jamais aussi bien portée. Pourtant alors qu’on pensait avoir tout entendu voilà le retour d’AUÐN qui s’était déjà fait remarquer en 2014 avec un premier album éponyme vraiment réussi, mais qui n’a pas eu la mise en valeur nécessaire qu’il était en droit d’attendre. Evoluant toujours dans un Black Atmosphérique où les ambiances priment sur la violence, le quintet inchangé depuis ses débuts en 2010 va enfin bénéficier d’un bond en avant attendu et logique via son arrivée au sein de l’écurie Season Of Mist. Car une fois encore le pays d’Halldor Laxness a donné naissance à des artistes de haut niveau et au style affirmé qui s’inspirent allègrement de leur pays natal que ce soit par sa langue comme par son climat, tout en conservant leur spécificité qui fait recette depuis quelques temps.
A l’instar de « Volaða Land » du trio de Reykjavík, le combo de Hveragerði (petite commune du sud-ouest du pays réputée pour ses cultures sous serres) va nous embarquer dans un voyage magique et tumultueux à travers son île tourmentée mais fascinante. Avec plus d’expérience et de vécu le boulot effectué par ce dernier va se révéler tout bonnement impressionnant du début à la fin, sans que jamais l’ennui ne pointe le bout de son nez, et d’entrée il va mettre tout le monde d’accord avec le long et envoûtant « Veröld Hulin » qui va montrer tout la palette technique de celui-ci. N’hésitant jamais à faire monter la pression progressivement, ce premier morceau va tâter le terrain et démarrer tranquillement via une longue introduction où le tempo relativement lent permet aux guitares de créer cette ambiance brumeuse, tout en servant de rampe de lancement à l’arrivée simultanée des blasts et du chant, qui vont cependant vite s’effacer au profit du calme avant la tempête. On voit que le groupe aime créer la surprise et varier la musique autant que la météo locale fort changeante, dont un proverbe local dit « Si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, attend cinq minutes ». Celui-ci reflète très bien ce que créé la bande, car après ce break où les éléments se sont fait plus sages retour à la vitesse qui va s’accélérer au fur et à mesure jusqu’à un avis de fort vent, mais d’où émerge une amélioration rapide via des guitares en arrière-plan plus mélodieuses (voire plaintives) qui trouvent leur apogée par un solo de toute beauté, qui signifie le retour du beau temps. Le soleil se fait entendre à la fin vu que le tout se termine de manière plus paisible, et on ne peut que saluer le boulot effectué par les insulaires qui placent la barre très haut et montrent une écriture affirmée mais aussi d’une grande finesse tant le tout n’est jamais chaotique ou bordélique, car ici tout est maîtrisé et ne tombe jamais dans la démonstration ou le trop-plein stérile. Après seulement quelques minutes on s’aperçoit ainsi que la pochette réalisée par le local Víðir Mýrmann Þrastarson (qui s’inspire largement du maître William Turner) est le parfait prolongement de l’expérience à la fois visuelle et sensorielle voulue par ses géniteurs. Ce schéma se retrouvera un peu plus loin avec le long « Haldreipi Hugans » qui va se montrer riche en émotions, et sans jamais une once d’ennui, car après un début où seuls quelques doux arpèges de guitares sont présents l’introduction va s’étirer lentement mais sûrement pour passer d’une ambiance triste à l’orage qui guette. Car la suite va être beaucoup plus énergique et pêchue, tout en montrant une facette épique qui va faire mouche grâce au jeu de la paire de guitaristes qui est particulièrement inspirée et entraînante, et qui va ensuite s’apaiser comme pour signifier que ce calme apparent n’est qu’un leurre, et que les éléments vont de nouveau se déchaîner. Ce qui est effectivement le cas car une ultime phase rapide et énervée va retentir pour clôturer un titre magnifique où tout s’imbrique parfaitement les uns avec les autres, tout comme avec « Skuggar » qui fait office de petit-frère en reprenant les mêmes éléments, tout en y rajoutant un solo plaintif de toute beauté.
Mais cependant le groupe ne se contente pas de recycler le même schéma et de faire du titre à tiroir indéfiniment, car il sait aussi se faire plus direct et simple comme avec « Lífvana Jörð » où ça alterne entre blasts furibards et parties lentes qui misent tout sur les atmosphères, pour un résultat où le grand écart est flagrant et qui ne s’encombre pas de superflu, tout comme avec « Prísund » qui ne s’éternise pas également et se fait plus glacial, tout en conservant une violence appréciable. Au milieu de ce déchaînement « Ljósaslæður » va être un long chemin qui va emmener l’auditeur de l’automne vers l’hiver nordique, car si le tout débute sur un tempo lent aux notes mélancoliques et dépressives la suite va être plus colérique et montrer la puissance de cette nature hostile via des bourrasques neigeuses mises en avant par une batterie ultra-rapide qui fait dans la sobriété. « Eilífar Nætur » (qui signifie « Nuit Eternelle ») nous offre un démarrage (et une fin) nocturne du plus bel effet très planant et aérien, tout en faisant preuve par la suite d’une force de caractère grâce à parties remuantes bien fixées entre deux vagues de déferlante, pour un rendu final envoûtant et sublime. Si en milieu d’album le lourd et mid-tempo « Blóðrauð Sól » permet à celui de respirer (vu qu’il ne comporte que peu de passages furieux) et se révèle de facture classique, mais là-encore totalement réussi, tout comme « Í Hálmstráið Held » qui va clôturer les débats en prenant le relais initié à l’origine par la première compo. On retrouve du coup de nombreuses cassures et variations de vitesse, alors que l’ensemble se fait légèrement plus massif et guerrier offre un final magnifique en y rajoutant quelques petites notes acoustiques et des solos à tomber, qui concluent cette galette sans fautes.
Si les parties lead sont relativement rares tout au long des cinquante minutes, elles apportent une vraie plus-value et un espoir au milieu de ces conditions météorologiques peu favorables. Le groupe souhaitait emmener l’auditeur en voyage à travers son pays et il y parvient avec brio puisqu’on est happé de la première à la dernière seconde sans jamais décrocher entre temps, car la qualité des arrangements et de l’écriture est impeccable, tout comme la production de Stephen Lockheart qui offre un écrin naturel et équilibré où tous les instruments sont sur un pied d’égalité. Ceci permet d’ailleurs de voir le travail effectué par chacun des membres et notamment du frappeur qui sait faire preuve de finesse quand il y’en a besoin, ainsi que du chanteur qui sait régulièrement s’effacer pour laisser place à de longues plages musicales. Autant dire qu’une fois encore le label Marseillais a eu le nez creux au niveau de ses signatures, et qu’avec ce disque magistral (qui se dévore aussi intensément que les sagas d’Eirikr le Rouge, Gísli Súrsson et Ragnarr Loðbrók) le combo Scandinave signe une des dernières grosses claques de 2017, et montre s’il fallait le prouver encore que le pays de la glace est actuellement un terreau fertile incroyable du Metal extrême, et qu’à l’instar de ses footballeurs il ne cesse de confirmer les très bonnes dispositions entrevues ces dernières années pour un bonheur auditif total et apaisant.
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